Libérer le travail

Pourquoi la gauche s’en moque et pourquoi ça doit changer, un livre de Thomas Coutrot, Le seuil

Plutôt que de représenter une contrainte, le travail doit devenir un lieu d’émancipation individuelle et donc politique pour tous.

Plus de la moitié des Français expriment un mal-être au travail. Sous le joug financier, notre travail est en train de détruire notre monde commun. Souffrance au travail et destruction écologique ont la même source : une organisation néo-taylorienne du travail soumise au rendement financier. Cette machine à extraire le profit écrase le travail vivant : celui qui mobilise notre corps, nos sens, notre intelligence, notre sensibilité, notre créativité, notre empathie et fait de nous, dans l’épreuve de la confrontation au monde réel, des êtres humains.

Contre les « réformes » néolibérales du travail, on a raison de se révolter. Mais défendre les acquis le dos au mur est insuffisant. Nous avons besoin d’un souffle nouveau, d’un imaginaire mobilisateur, d’un « avenir désirable ». La « liberté du travail » pourrait en constituer le socle. La gauche politique et syndicale privilégie le pouvoir d’achat au pouvoir d’agir dans le travail. Elle a (mal) traité le travail, sans s’occuper prioritairement de lui donner un sens. Pour déployer les capacités démocratiques d’un peuple, il ne suffit pas de changer ceux qui donnent les ordres au travail : il faut remettre en cause sa subordination.

Les innovations dans ce domaine sont plutôt venues des managers. Tout récemment, « l’entreprise libérée » a inspiré nombre d’initiatives patronales et des consultants en management ont proposé des modèles « d’entreprise autogouvernée » plus audacieux que les rêves autogestionnaires les plus fous. Parier aujourd’hui à gauche sur le travail collaboratif et la construction du commun, c’est faire du travail l’école de la démocratie. La liberté, l’autonomie au travail, doivent être au cœur de toute politique progressiste d’émancipation.

Thomas Coutrot est économiste et statisticien du travail. Il a été porte-parole d’Attac et co-fondateur des Économistes atterrés.