Les 24 et 25 mai 2018, se sont déroulés à la bourse du travail de Paris les seconds États généraux de la santé des travailleuses et travailleurs organisés par le collectif « Ne plus perdre sa vie à la gagner ». Face à la disparition d’un certain nombre d’outils dont le CHSCT, celui-ci souhaitait lancer des initiatives autour de la santé et des conditions de travail. Il souhaitait également enclencher des actions et campagnes collectives. C’était l’objectif de ces deuxièmes États généraux après le grand succès de ceux de mars 2016.
Pendant ces deux journées, de nombreux sujets furent abordés et travaillés parmi lesquels les ordonnances Macrons, les violences faites aux femmes, les risques chimiques dont l’amiante et les pesticides, les questions de précarité, intérim et sous-traitance, de temps de travail et d’intensification, de restructurations, de réorganisations et de démocratie au travail.
Après les ordonnances Macron ?
La première journée s’est ouverte par une présentation du nouveau paysage législatif et réglementaire par les camarades du Syndicat des Avocats de France (SAF). Il est vrai que les ordonnances Macrons ont quelque peu balayé le paysage pour ne laisser que quelques domaines sanctuarisés au niveau des branches professionnelles et des dérogations par accord d’entreprise pour le reste. Lucides de la situation à venir, quelques pistes ont néanmoins surgi : demander à l’assurance maladie de se retourner contre les entreprises qui mettent en danger les salarié-es, utiliser les instances et les outils restants à notre disposition dans une démarche militante.
Nous avons poursuivi par une courte présentation de Pascal Marichalar de son livre « Les verriers de Givors ». Celui-ci raconte la lutte des salariés après la fermeture de leur usine pour obtenir la reconnaissance en maladie professionnelle des nombreux cancers déclarés, puis la reconnaissance en faute inexcusable de l’employeur et leur dépôt de plainte au pénal, grâce à la traçabilité des expositions par le biais du CHSCT.
Agir contre les agressions sexuelles et les violences faites aux femmes au travail
Les agressions sexuelles et les violences faites aux femmes au travail sont des sujets essentiels, très peu repris par les instances et notamment par le CHSCT. Nous avons donc décidé d’en faire un point fort des États généraux de cette année.
Les interventions ont été effectuées par une avocate spécialisée et une militante syndicale engagée sur ces questions. Elles ont pointé un certain nombre d’enjeux.
Petit rappel de quelques chiffres :
• 20 % des femmes sont victimes de harcèlement sexuel au travail ;
• seulement 5 % des situations sont portées devant les tribunaux ;
• 40 % des dénonciations se retournent malheureusement contre les victimes.
En ce qui concerne les supports législatifs et réglementaires, il faut souligner l’intérêt de la jurisprudence récente qui a reconnu le harcèlement d’ambiance/environnemental et rappeler l’obligation de prévention de l’employeur en matière de harcèlement sexuel (article L1153-5 du Code du travail).
En tant qu’équipes syndicales quelques points importants pour travailler sur l’accueil des victimes :
• présomption de véracité des propos des victimes ;
• s’assurer seulement ensuite dans le cadre de la discussion, que cette véracité est confirmée ,
• attention aux idées reçues (qui ne dit mot, ne consent pas !).
Les organisations syndicales doivent lutter contre toute violence. Il faut insister sur le fait que tout sexisme est une forme de violence. On ne peut pas en rire, ni permettre un contexte qui favorise les violences sexistes.
Le travail en atelier
L’après-midi et la matinée de la seconde journée des États généraux furent consacrés au travail en atelier sur trois grandes thématiques, les risques chimiques (amiante et pesticides), les précarités (sous-traitance et intérim) et les réorganisations et restructurations.
Nous ne reviendrons pas en détail dans ce court article sur tous les éléments qui ont pu être débattus dans ces trois ateliers mais il nous faut souligner la richesse des nombreuses interventions et échanges sur les pratiques et actions menées par les équipes syndicales sur ces sujets. Il faut noter que dans de nombreux cas, des victoires ou des avancées ont pu être obtenues et ces expériences partagées permettront à d’autres équipes de s’en inspirer.
Le riche matériau engrangé pendant ces ateliers permettra d’alimenter les actions et réflexions du collectif « ne plus perdre sa vie à la gagner » et d’initier des campagnes collectives.
Bilan des États généraux : échecs, perspectives et défis
Nous avions prévu d’avoir un temps collectif d’échanges sur les états généraux des 16 et 17 mars 2016 et les actions entamées par notre collectif depuis sa création.
En mars 2016, nous avions eu plus de 500 personnes avec des :
• témoignages de bagarres concernant la prévention/réparation ;
• échanges sur stratégie d’action/revendications ;
• restitution écrite faite (sur le site du collectif).
A la suite une réunion a été organisée le 17 janvier 2017. Elle a permis des échanges intéressants mais malheureusement elle n’a pas eu de réels débouchés. Même si la participation à ces journées fut moins importante, liée au contexte, de très bons échanges ont eu lieu et ont permis d’envisager des pistes d’actions possibles.
Nous avons tenté d’initier des déclinaisons régionales de notre collectif :
• à Paris : mise en œuvre d’une permanence pluridisciplinaire (au départ 1/mois puis 2/mois, avec annonce par radio militante, flyer annonçant les dates de permanence et bouche à oreille + accueil par quelques animateurs et réception par binôme + mise en place de fiche de liaison pour suivre les personnes) ;
• à Rouen : 1 journée d’échange sur les maladies professionnelles et 1 journée d’échange sur la faute inexcusable de l’employeur ;
• tentatives pour le moment avortées en Rhône Alpes et à Marseille ;
• des pistes sur Nantes et Rennes qui n’ont pas abouti.
Pour l’heure, l’une des faiblesses du collectif, c’est qu’il est constitué majoritairement de camarades de la région parisienne qui commencent à s’essouffler car pris par de multiples actions.
A l’opposé, la grande richesse du collectif reste la multiplicité des participants (médecins, IT, militants syndicaux, experts CHSCT, avocat-es, chercheuses et chercheurs…) qui perdure et s’ancre avec des liens forts et la constitution d’un réseau.
Nous avons acté quelques propositions d’amélioration pour le fonctionnement de notre collectif :
• élargissement et renforcement du réseau par la mise en œuvre de réunions sur une après-midi plutôt que le soir. Nous allons les organiser les premier vendredi de chaque mois à Paris ;
• proposition de campagnes d’information/sensibilisation/revendications (poly-exposition, amiante) ;
• question de mobilisation/manifestation de rue sur les questions de santé au travail ;
• pour passer de l’individuel des permanences au collectif : proposer aux personnes de revenir avec des collègues ou IRP, proposer d’organiser des rencontres sur des thèmes précis, analyse collective des difficultés rencontrées ;
• renforcer le réseau d’entraide et de ressources ;
• proposition que les prochains États généraux se déroulent dans une autre région que la région parisienne (région où il y aurait des luttes ou bagarres en cours).
Les États généraux de ce mois de mai 2018 ont permis de fédérer des militant-es sur les questions de la santé et de conditions de travail malgré toutes les difficultés et attaques subies. Ce socle de militant-es tient et il tient dans la durée, ce qui est le plus important. A nous de le développer davantage et de poursuivre notre investissement dans cet outil essentiel.