La santé au travail a-t-elle un sexe ?

Jusqu’à présent, les études ne s’intéressaient pas aux inégalités de genre en matière de santé au travail. Cela commence à changer.

L’analyse des statistiques d’accidents de travail, de trajet et de maladies professionnelles de la CNAM-TS et des interventions du Réseau ANACT montre des évolutions différenciées selon le sexe depuis 10 ans. Un tiers des 650 000 accidents du travail concernent aujourd’hui les femmes : sur la période 2000-2010, leur nombre a augmenté de 23%, alors que celui des hommes a diminué de 21%. En 2010, pour la 1ère fois, le nombre de maladies professionnelles déclarées des femmes dépasse celui des hommes. Les études Sumer (2010) et Samotrace (2009) montrent pour leur part que les femmes déclarent plus de stress, de maladie type TMS, et de mal-être au travail que leurs collègues masculins.

De fait, dans les secteurs où elles sont concentrées, les femmes sont en en relation constante avec le public et ses sollicitations, parfois porteuses d’importantes tensions (services sociaux et de santé, éducation…) Elles exercent fréquemment un travail répétitif, à la chaîne, avec des postures contraignantes, un travail permanent sur écran (grande distribution ou plateformes d’appel téléphonique, par exemple). Elles sont aussi exposées à certains produits chimiques nocifs (coiffure, nettoyage…).

Elles sont confrontées aux horaires morcelés, aux grandes amplitudes de journée de travail, au travail de nuit, nocifs pour la santé. Les contraintes de la continuité du service dans les secteurs de la santé, du service à la personne, dans le commerce, le nettoyage, les privent souvent des deux jours consécutifs de repos.

Par ailleurs, leur traitement différencié en termes de carrière et de reconnaissance au travail peut générer des sentiments de frustration et de dévalorisation, avec des effets sur leur santé.

Enfin, le statut précaire de nombre de leurs emplois (CDD, temps partiel…) les fragilise, et les conduit à masquer leurs problèmes de santé pour ne pas perdre leur place ou préserver leur employabilité.

A cela s’ajoute la double journée de travail : la grande majorité des tâches domestiques qui reposent encore sur les femmes pèse sur leur charge de travail, physique comme mentale.

Il s’agit d’analyser l’organisation et les conditions de travail, la santé au travail en intégrant les questions de genre, par exemple :
• Enrichir le rapport de situation comparée d’indicateurs de répartition hommes-femmes sur les accidents de travail, de trajet, les maladies professionnelles déclarées et reconnues, le niveau de stress, le turnover et l’absentéisme.
• Etablir un document unique des risques en ne sous-estimant pas les risques spécifiques des emplois à forte concentration de femmes.
• Prévenir les violences sexistes et sexuelles au travail.
• Développer une prévention des risques différenciée, notamment par rapport aux risques organisationnels et psychosociaux, en lien avec le CHSCT.
• Intégrer la question du genre dans les Nao, les accords collectifs RPS, pénibilité.