Intervention de Sud PTT secteur Télécom

A Orange, l’entreprise a tout intérêt à ce que les consommateur.trices achètent du numérique et utilisent des services digitaux. Après un bref rappel sur la transformation en profondeur de l’opérateur historique de téléphonie en société de services liée aux usages de la communication, il s’agira de montrer l’étendue des dispositifs de digitalisation qui concernent aussi bien les client.es que les salarié-e-s.
L’entreprise est une SA depuis 1996, dont l’Etat est minoritaire depuis 2004 (date de mise en place des IRP – Instances représentatives du personnel). Elle emploie 50 000 fonctionnaires (en diminution de 4 à 5 000 par an). Elle a traversé une grave crise sociale à la fin de la première décennie des années 2000 (90 suicides entre 2007 et 2010), suite au plan Next, visant à la suppression de 22 000 emplois, sans plan social, et 10 000 changements de métier, entre 2006 et 2008. Sud PTT a créé avec la CGC « l’Observatoire du stress et des mobilités forcées » en 2007 et a déposé plainte en 2009, contre le PDG de l’époque et deux autres dirigeants. L’instruction est toujours en cours. L’entreprise s’est transformée en profondeur dans les deux dernières décennies. D’entreprise technicienne en situation de monopole, elle est devenue commerciale en situation de forte concurrence (SFR, Bouygues, Free).
Depuis cinq ans, Orange a pris le virage du numérique, en externe pour les client.es et en interne pour les salarié.es. Le PDG d’Orange, Stéphane Richard, a sorti en 2014 « Numériques », dans lequel il décrit le paysage de la digitalisation (le numérique est partout, inéluctable) et son impact sur la famille (une communauté recomposée), le/la consommateur.trice (qui prend le pouvoir) et l’entreprise (qui devient « flat »). L’innovation, l’éducation, la santé ne sont pas oubliés, et même la démocratie serait facilitée par le numérique. Bref, beaucoup de banalités dans ce livre qui aurait pu rester en version numérique pour économiser du papier…
Vient ensuite le rapport de Bruno Mettling, alors DRH Orange, remis à la ministre du travail El Khomri, en 2015 : « Transformation numérique et vie au travail ». Il donne lieu à 36 propositions : adapter le droit du travail, la fiscalité, le droit, la protection sociale aux nouvelles formes du travail, mettre en place un « devoir de déconnexion », développer la co-construction et la co-innovation, développer des tiers-lieux pour accueillir les nouvelles formes de travail.
Venons-en maintenant aux conséquences pour les salarié-e-s de la digitalisation. Et tout d’abord, en termes de surveillance et de contrôle. Depuis 2012, Orange a équipé ses 20 000 véhicules de boîtiers électroniques GPS, destinés à remonter des données pour « l’entretien du véhicule et l’éco-conduite ». Sud PTT a déposé, en 2013, un recours en référence à l’article L.1121-1 du Code du travail, relatif au « droit des personnes et aux libertés individuelles et collectives ». Nous soutenions que ce boîtier entraînerait une surveillance permanente et excessive des salarié.es ». La Cour d’appel de Paris nous a donné raison, en septembre 2016. Elle note que « le nombre et la qualité des données collectées, leur conservation pendant 3 à 6 ans (2 ans pour l’éco-conduite), sont disproportionnés au regard des objectifs affichés par l’entreprise » et qu’il est « impossible pour les salariés de désactiver le boîtier en dehors du temps de travail ou dans l’exercice d’un mandat électif ou syndical ». En conséquence, elle ordonne le retrait des boîtiers. Orange s’est pourvue en Cassation.
Mais les conséquences sont aussi pour les client.es et de leur mise au travail. Prenons l’exemple de Sosh (marque Orange « low cost »), lancé en 2011, pour contrer l’arrivée du 4ème opérateur, Free. C’est une offre mobile entièrement digitale, y compris l’assistance, où les clients se dépannent entre eux. « Many to Many » : forum et FAQ pour tout le monde, « One to Many », avec les Webconseiller.ères qui interviennent sur les forums ou en direct avec un.e client.e, « One to One », avec le chat / numéro d’urgence qui, lui, a été fermé, sauf pour les pannes Internet (centres d’appel au Maroc et Tunisie). En résumé, une communauté de client.es pour l’assistance avec « gamification » : le/la client.e gagne des points, selon son niveau d’expertise et son implication. L’humain intervient en complément du digital, en accompagnement et conseil.
Les métiers de la relation client évoluent (programme « prise en charge exemplaire »), en changeant les modes de travail
(« collaboration, autonomie, marges de manœuvre, initiative ». La formation passe par « Orange Learning », qui fait une large place au e-learning, web TV et autre Plazza (réseau social de l’entreprise) et les
« pépinières, l’apprentissage en situation de travail ».