FICHE N° 15
La pénibilité au travail

Une histoire très mouvementée faite de reculs successifs La loi du 20 janvier 2014 portant réforme des retraites a prévu la création d’un compte personnel de prévention de la pénibilité pour les salariés du secteur privé exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité.
Effectif depuis le 1er janvier 2015, le compte personnel remplace le droit à une retraite anticipée mis en place après la précédente réforme des retraites de 2010, mais ce droit était soumis à des conditions très restrictives. La loi du 9 novembre 2010 avait défini 10 facteurs de risques professionnels répartis en 3 catégories pouvant être pris en compte au titre de la pénibilité et un décret du 30 mars 2011 en a précisé la liste.
Le compte pénibilité est destiné à permettre aux salariés exposés au-delà de certains seuils, d’accumuler des points en vue de partir plus tôt à la retraite, de travailler à temps partiel ou de financer une action de formation.

Depuis la publication de la loi les employeurs n’ont eu de cesse de dénoncer « une usine à gaz », des obligations nouvelles qu’on allait leur imposer et d’exiger une simplification du dispositif envisagé.
Voici quelques exemples de ce que l’on a pu lire en 2014 : « texte inapplicable dont les conséquences seraient désastreuses pour l’économie française », « le compte personnel de prévention de la pénibilité représente un frein à la compétitivité des entreprises et va à l’encontre du pacte de responsabilité », « ce serait criminel d’imposer de nouvelles tracasseries et de nouveaux coûts à travers le compte personnel de prévention de pénibilité », « dispositif jugé inapplicable et anxiogène pour les entrepreneurs »… Le sénat a même supprimé le compte pénibilité au travers d’un amendement le 5 novembre 2014. Face à cette opposition le gouvernement a lancé deux missions, l’une destinée à simplifier le dispositif, l’autre à accompagner les branches. En s’appuyant sur le rapport remis le 26 mai 2015 le gouvernement Hollande a fait des concessions sur de nombreux points : si les facteurs de risques ont été globalement conservés, le gouvernement a supprimé la fiche de prévention, fixé des seuils d’exposition après application des mesures de protection collective et individuelle, redéfini la notion de travail répétitif, revu le niveau d’exposition au bruit à la hausse, revisité la liste des agents chimiques dangereux comme les seuils d’exposition, et enfin différé l’entrée en application de 6 facteurs de risques au 1er juillet 2016…
Mais l’hostilité des employeurs étant toujours aussi forte le gouvernement Macron a de nouveau accédé aux demandes du patronat et revu à la baisse une fois de plus le dispositif de prévention de la pénibilité.
Au 1er octobre 2017 le « Compte professionnel de prévention » (C2P) a remplacé le « compte personnel de prévention de la pénibilité » (C3P) : il ne prendra plus en compte que six facteurs de pénibilité au lieu de dix antérieurement et sera financé par la branche AT/MP, les deux cotisations patronales prévues à l’origine sont ainsi supprimées. Le terme de pénibilité a même disparu du code du travail, il a été remplacé par « facteurs de risques professionnels », ce qui n’empêchera pas Solidaires de continuer à parler de pénibilité.
Cette fiche fait le point sur la réglementation qui s’applique dorénavant en matière de prévention des risques professionnels, elle remplace la fiche n° 15 datée de décembre 2014 et mise à jour en décembre 2016.
Pour connaître de façon plus précise la position de Solidaires sur la pénibilité, se reporter à la fiche N°11 mise à jour en novembre 2016.
Pour éviter de refaire la fiche après le 31 décembre 2019 (généralisation de la mise en place du comité social et économique et disparition du CHSCT) nous avons accolé les 2 sigles CHSCT/CSE en faisant référence à l’ancien article du code du travail pour le CHSCT et au nouvel article pour le CSE.


« Ne pas perdre sa vie à la gagner » !
Pour l’Union syndicale Solidaires la question de la prise en compte de la pénibilité du travail est essentielle.

Si travailler comporte toujours des aspects contraignants, le travail devrait également permettre un épanouissement des travailleurs et des travailleuses.
Dans le système capitaliste, le travail est une marchandise et les contraintes multiples auxquelles sont soumises les salarié-es n’ont pas d’importance face au rouleau compresseur imposé par les marchés financiers. Le capitalisme libéral ne fait qu’aggraver le phénomène au nom du droit d’entreprendre « sans entrave » ».
Le travail est non seulement fatiguant, épuisant parfois, mais aussi dangereux, parfois intenable…
Prendre en compte la pénibilité du travail ce serait donc analyser l’ensemble des facteurs, des procédés, des produits, des organisations qui ont des conséquences néfastes sur la santé.
Travailler aujourd’hui c’est être soumis à l’arbitraire et aux inégalités (inégalités entre les sexes, les catégories sociales, inégalités salariales grandissantes, inégalités dans l’espérance de vie en bonne santé…).
Avec les textes sur la pénibilité, ces inégalités ne sont pas remises en question et la prise en compte de la santé relève du discours et de la communication patronale plutôt que des actes : la pénibilité est limitée aux risques physiques, la pression au travail, l’intensification du travail, le stress professionnel ne sont pas pris en compte.
Pour l’Union syndicale Solidaires, il s’agit d’abord, avec les salarié-es concerné-es de poursuivre l’action collective pour faire reculer la pénibilité mais aussi la fatigue physique et mentale, les multiples atteintes à la santé, les inégalités sociales, les
précarités… Une très grande majorité des salarié-es est concernée par ces questions. Notre objectif est donc de nous appuyer sur les textes quand ils nous permettent d’avancer, d’obtenir des améliorations et de construire des mobilisations. Mais nous voulons aller beaucoup plus loin dans la remise en cause des multiples contraintes qui pèsent sur celles et ceux qui créent et qui produisent des biens et des richesses utiles à la société.


Sommaire

I – La compensation vue du côté du législateur

  1. Le compte professionnel de prévention
    1. Qui est concerné ?
    2. Le compte professionnel de prévention au 1er octobre 2017
    3. Contenu et utilisation du compte professionnel de prévention
    4. Qui déclare les expositions des salarié-es aux facteurs de pénibilité ?
    5. Les recours des salarié-es
  2. Un financement à la charge de la branche accidents du travail/maladies professionnelles
  3. Les limites de la loi pour l’Union syndicale Solidaires

II- Quelle prévention de la pénibilité ?
Pour Solidaires une approche de la pénibilité trop restrictive car trop normée

  1. Les obligations de l’employeur
    1. Évaluer annuellement l’exposition des salarié-es
    2. Négocier un accord ou établir un plan d’action de prévention
    3. Établir une fiche individuelle de suivi
  2. Les interventions possibles pour les équipes syndicales ?
    1. Agir en CHSCT/CSE
    2. Analyser tous les facteurs de risques professionnels
    3. Solliciter le médecin du travail/de prévention
    4. Recourir à l’expertise

A quand l’extension du compte pénibilité aux fonctionnaires ?

Annexes
– Les facteurs de risques professionnels et les seuils d’exposition
– Les textes de référence


I – La compensation vue du côté du législateur

I – 1 Le compte personnel de prévention

1 – Qui est concerné ?

Le compte professionnel de prévention ne concerne que les salarié-es du secteur privé ainsi que ceux et celles employé-es par des personnes publiques dans les conditions de droit privé. Les intérimaires, les apprentis ou les titulaires de contrats de professionnalisation sont également concernés.
Les salarié-es affiliés à des régimes spéciaux de retraite avec des mesures spécifiques de reconnaissance et de compensation de la pénibilité (la liste est fixée par le décret 2014-1617 du 24 décembre 2014), les salarié-es d’un particulier employeur et les salariés détachés en France sont exclus du dispositif.
Selon le gouvernement, seulement 18% des salariés du privé devraient être concernés ; mais cela risque d’être beaucoup moins, tant le dispositif final de compensation de la pénibilité est réservé aux personnes les plus fortement exposées. Pourtant une publication de la DARES en décembre 2014 portant sur « l’exposition des salariés aux facteurs de pénibilité dans le travail » tirée des résultats de l’enquête SUMER estime que plus de 8 millions de salarié-es soit près de 40% d’entre eux déclarent être exposé-es à au moins un des 10 facteurs de pénibilité en 2010, 10% subissant le cumul d’au moins 3 des pénibilités. Les professions les plus exposées étant les ouvriers et les employés de commerce et de services. Les femmes sont davantage exposées à la pénibilité dans « l’enseignement santé-information » et dans le commerce.
L’écart entre ces deux taux montre l’enjeu du débat autour des questions de pénibilité.

Les facteurs de risques professionnels selon le législateur – article L. 4161-1 du Code du travail

C’est le décret du 30 mars 2011 (modifié par celui du 30/12/2015) qui a défini les facteurs de risques professionnels pris en compte pour bénéficier du compte pénibilité. Il s’agit de risques susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles pour la santé des travailleurs.
Dix facteurs de risques répartis en 3 catégories ont été retenus :

  • Au titre des contraintes physiques marquées: manutentions manuelles de charges, postures pénibles définies comme positions forcées des articulations, vibrations mécaniques ;
  • Au titre de l’environnement physique agressif : agents chimiques dangereux y compris les poussières et les fumées, activités exercées en milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit ;
  • Au titre de certains rythmes de travail : travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif caractérisé par la réalisation de travaux impliquant l’exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte.

NOTA : les facteurs de risques suivants : manutentions manuelles, postures pénibles, vibrations mécaniques, bruit, températures extrêmes et agents chimiques dangereux s’appliquent depuis le 1er juillet 2016. Les 4 autres facteurs de risque sont applicables depuis le 1er janvier 2015.

Pour le détail des expositions et des seuils se reporter à l’annexe en fin de document.

2 – Le compte professionnel de prévention au 1er octobre 2017

A compter du 1er octobre 2017 seuls 6 facteurs de risques seront pris en compte dans le compte professionnel de prévention (C2P) qui remplace le « compte personnel de prévention de la pénibilité » :

Au titre de l’environnement physique agressif :
– Activités exercées en milieu hyperbare ;
– Températures extrêmes ;
– Bruit ;

Au titre de certains rythmes de travail :
– Travail de nuit dans les conditions fixées aux articles L. 3122-2 à L. 3122-5 ;
– Travail en équipes successives alternantes ;
– Travail répétitif caractérisé par la réalisation de travaux impliquant l’exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte.

Ce qui veut dire que les manutentions manuelles de charges, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et les agents chimiques dangereux sont désormais exclus du compte de prévention !

3 – Contenu et utilisation du compte pénibilité

En fonction de son exposition aux facteurs de risques professionnels (se reporter à l’encadré pour les critères retenus) le ou la salarié-e verra son compte crédité de 4 points par an en cas d’exposition à un facteur de risques professionnels ou de 8 points par an en cas d’exposition à plusieurs facteurs de risques professionnels.
Le nombre de points est plafonné à 100, ce qui correspond à 25 ans d’exposition à un seul facteur. Pour les salarié-es né-es avant le 1er juillet 1956, les points sont doublés.
Les points peuvent être utilisés d’une ou plusieurs manières pour :

  • financer une formation en vue d’une réorientation professionnelle permettant d’accéder à un emploi non exposé ou moins exposé: les points acquis seront convertis en heures de formation (un point ouvre droit à 25 h) et abonderont le compte personnel de formation.
  • financer un départ anticipé en retraite avant l’âge légal (62 ans pour les personnes nées à partir du 1er janvier 1955) dans la limite de 2 ans ; 10 points ouvrent droit à un trimestre de majoration d’assurance vieillesse.
  • réduire son temps de travail et financer un complément de rémunération : 10 points peuvent permettre un passage à mi-temps sans baisse de salaire pendant 3 mois.

Le compte professionnel de prévention sera une des rares composantes du compte personnel d’activité (CPA) tant vanté par les pouvoirs publics !
Au-delà du dispositif en vigueur pour bénéficier d’une retraite anticipée (exposition aux 6 facteurs de pénibilité) d’autres modifications ont été apportées au compte pénibilité à partir du 1er octobre 2017 :

  • Les salarié-es pouvant justifier d’une incapacité permanente d’au moins 10 % reconnue au titre d’une maladie professionnelle résultant de l’exposition à un ou plusieurs des 4 facteurs de risques professionnels exclus du compte professionnel de prévention pourront bénéficier d’une retraite anticipée.
    Précision importante : aucune condition particulière de durée d’exposition n’est exigée…
    L’arrêté du 26 décembre 2017 fixe la liste des maladies professionnelles ouvrant droit à ce dispositif.
  • Le ou la salarié-e victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle et atteint d’une incapacité permanente d’au moins 10 % pourra bénéficier d’un abondement de 500 heures de son compte personnel de formation pour aider à sa reconversion professionnelle.
4 – Qui déclare les expositions des salarié-es aux facteurs de pénibilité ?

C’est la responsabilité de l’employeur de déclarer les expositions auxquelles sont exposé-es les salarié-es, ces expositions étant appréciées en moyenne sur l’année et delà des seuils définis en tenant compte des mesures de protection collectives et individuelles appliquées (article D 4163-2 du code du travail). Précédemment cela se faisait via une fiche de prévention qui a été supprimée sauf pour certaines catégories de personnels (voir ci-après).
Pour les intérimaires, c’est l’entreprise de travail temporaire qui déclare l’exposition des salariés à partir des informations communiquées par l’entreprise utilisatrice.
La déclaration s’effectue de manière dématérialisée via la déclaration sociale nominative (DSN) au terme de chaque année civile. C’est la caisse qui informera le salarié du nombre de points acquis au titre de l’année précédente.
Les informations contenues dans cette déclaration sont confidentielles et ne peuvent pas être communiquées à un autre employeur auprès duquel le travailleur sollicite un emploi.

Le médecin du travail peut demander communication des informations déclarées et dans ce cas le dossier médical en santé au travail du salarié est complété de ces informations.
En cas d’erreur l’employeur peut modifier la déclaration :

  • pendant une période de 3 ans si la rectification est en faveur du salarié ;
  • jusqu’au 5 ou 15 avril de l’année qui suit celle au titre de laquelle la déclaration a été effectuée.

D’où l’intérêt pour le salarié de vérifier de très près les déclarations faites par son employeur chaque année.

5 – Les recours des salariés

La CARSAT (Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail) informera chaque année les salarié-es du nombre de points obtenus au titre de l’année précédente. Les recours relatifs au compte professionnel de prévention sont du ressort du contentieux général de la sécurité sociale. Le salarié peut contester l’absence d’ouverture du compte de prévention ainsi que le nombre de points pendant une durée de 3 ans.

Le ou la salarié-e peut se faire assister ou représenter par la personne de son choix. En cas de différend sur l’exposition aux facteurs de risques professionnels, le salarié doit d’abord contester auprès de son employeur avant de saisir la caisse. Si l’employeur oppose un refus, le salarié peut saisir la Carsat : dans le cas où le dossier est recevable et que la caisse ne répond pas dans les 6 mois, la réclamation est réputée rejetée. Ce délai est porté à 9 mois si la caisse estime nécessaire de procéder à un contrôle sur place.

Ces décisions peuvent être contestées par le salarié et par l’employeur devant le tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS)1 dans le délai de 2 mois.

Le contrôle des déclarations et des expositions est de la compétence des Carsat.

I – 2 Un financement à la charge de la branche accidents du travail/maladies professionnelles

Depuis le 1er janvier 2018 le financement du dispositif est à la charge de la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Les deux cotisations imposées précédemment aux employeurs ainsi que le fonds de gestion chargé du financement du compte personnel de prévention de la pénibilité sont supprimés.

I – 3 Les limites de la loi pour l’Union syndicale Solidaires

Le compte pénibilité que ce soit l’ancien ou le nouveau ne prend en compte les expositions qu’à compter du 1er janvier 2015 ou du 1er juillet 2016 ce qui exclut de fait toutes les expositions antérieures. Les salarié-es qui pendant des années ont travaillé de nuit, manipulé des charges lourdes, été exposées à des produits cancérogènes, au bruit… devront continuer de travailler dans ces mêmes conditions difficiles, en étant usées et pour certain-es d’entre eux plus en capacité de travailler. En outre limiter la compensation à seulement 2 années n’est vraiment pas à la hauteur des altérations de l’espérance de vie en bonne santé liées à la pénibilité. Les salarié-es exposé-es ne pourront au mieux, partir qu’à 60 ans au lieu de 62 ans. Nous sommes loin d’un progrès social.

Pour Solidaires les solutions sont à rechercher du côté d’une réduction de la durée de travail tout au long de la carrière, de reconversions ou de reclassements dans des métiers moins pénibles voire un départ anticipé à 55 ans et bien entendu du côté de la prévention des risques liés au travail.

Certes le dispositif retenu pour tenter de compenser la pénibilité est plus intéressant que celui mis en place après la réforme des retraites de 2010 et qui était particulièrement scandaleux. En effet précédemment seul-es les salarié-es atteint-es d’une incapacité d’au moins 20%, reconnue au titre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ouvraient droit à un départ anticipé à l’âge de 60 ans. Au 30 juin 2013, seulement 5 300 personnes en avaient bénéficié.

La question de la pénibilité est régulièrement évoquée à l’occasion des réformes des retraites sous l’angle de la réparation par un départ anticipé à la retraite mais sans que l’on se mette d’accord sur une définition de la pénibilité, ni sur le niveau de la réparation (combien de trimestres accordés, faut-il exiger une durée d’exposition…).

Historiquement la pénibilité est liée au travail physique : si ce concept comporte des éléments objectifs (réduction de l’espérance de vie ou dégradation de la santé) et subjectifs (expression d’une situation de souffrance au travail), il recouvre des réalités diverses selon l’appréciation des travailleurs eux-mêmes. Mais il parait légitime aujourd’hui de prendre en considération les profondes transformations des organisations du travail au cours de ces trois dernières décennies. L’intensification du travail, la pression de la concurrence entraînent de nouvelles contraintes sur les salariées, notamment dans le secteur des services et sont à l’origine de fatigue physique et mentale, d’usure physique et psychique.

Alors que depuis plusieurs années l’âge de la retraite est sans cesse reculé, la situation des salarié-es qui ont des conditions de travail particulièrement difficiles mais exclu-es du dispositif prévu, va s’aggraver en les maintenant de force dans leur travail alors qu’ils et elles ne peuvent plus faire face aux exigences de leur métier.

II – Quelle prévention de la pénibilité ?

Au-delà d’une possible compensation en matière de départ anticipé, nous devons exiger des employeurs qu’ils réduisent l’exposition aux risques et à la pénibilité au travail tout au long de la carrière des salarié-es, pour éviter une usure prématurée, une inaptitude (partielle ou totale) pouvant déboucher sur l’invalidité et l’exclusion de l’emploi…

    Pour Solidaires, tout dispositif de prévention doit comprendre au moins deux volets :

  • Un volet relatif à la prévention des risques professionnels le plus en amont possible pour agir sur les facteurs susceptibles d’altérer la santé: aménagements des postes de travail et des horaires ; évaluation des risques, suppression des risques à la source, suivi médical renforcé… ce qui passe par une analyse objective du travail réel.
  • Un volet relatif à la gestion des carrières des travailleurs et des travailleuses en envisageant de façon anticipée pour les métiers fatigants et usants des reconversions, des reclassements pour permettre aux salarié-es de parvenir à la retraite en bonne santé ou en moins mauvaise santé.
Une approche de la pénibilité restrictive car enfermée dans des normes

Selon les textes l’exposition de chaque salarié doit être évaluée au regard des conditions habituelles de travail du poste occupé, et appréciées en moyenne sur l’année. Les seuils sont appréciés après prise en compte des moyens de protection individuelle (casque, appareils de protection respiratoire…) et collective (isolation phonique, engins de levage mécanique…) pris par l’employeur.

Pour Solidaires les 10 facteurs de risques retenus sont insuffisants d’autant que les seuils d’exposition retenus sont particulièrement élevés. Les critères arrêtés sont loin de tenir compte de la pénibilité vécue au quotidien par les salarié-es :

  • Seuls quelques facteurs physiques précis sont retenus mais à condition de dépasser des seuils d’exposition très élevés et après prise en compte des protections individuelles. De nombreux autres sont ignorés et notamment les troubles musculo squelettiques (TMS) qui ont pour origine à la fois des contraintes corporelles et des contraintes mentales.
  • Les risques psychosociaux pourtant « susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur la santé » sont totalement absents. Les connaissances scientifiques sur ces questions sont aujourd’hui assez bien documentées même si le patronat déploie une énergie considérable pour tenter de mettre en cause le lien avec le travail en renvoyant sur des « facteurs personnels », et contester aux médecins du travail leur rôle qui consiste à faire le lien entre santé mentale et travail.
  • L’établissement de seuils d’exposition exclut de fait les salarié-es qui se situent juste en dessous alors que ces expositions ont et auront pourtant des effets sur leur santé. D’une façon générale dès qu’un seuil est déterminé il engendre des effets pervers.
  • La poly exposition n’est pas prise en compte : les facteurs de pénibilité sont appréhendés de manière segmentée c’est-à-dire dissociés les uns des autres. Dans la réalité ils sont multiples (par exemple dans une entreprise de nettoyage : détergents, humidité, charge, horaire atypique, postures s’ajoutent les uns aux autres) et surtout leurs effets ne sont pas simplement cumulatifs mais provoquent une pluri exposition ce qui est un facteur aggravant.
  • La pénibilité vécue est ignorée (ex. l’usure, la fatigue).
  • La reconnaissance de cette pénibilité est strictement individuelle.
  • Des situations de travail où les pressions sont de plus en plus fortes, où les marges de manoeuvres réduites, vont aussi potentialiser les risques.
  • Les salarié-es aux parcours hachés (sous-traitant, précaires…) auront de grandes difficultés à faire valoir et reconstituer leurs expositions.
  • Les critères et les seuils définis concernent essentiellement l’emploi masculin. Les métiers du soin ou de l’entretien majoritairement féminins ne sont pas concernés alors qu’ils sont pénibles physiquement et psychiquement.
  • Il n’y a pas de prise en compte des années d’exposition antérieures à la loi, c’est une profonde injustice pour une large part des salariées.

II – 1 Les obligations de l’employeur

1 – Évaluer annuellement l’exposition des salarié-es
    L’évaluation des expositions à la pénibilité doit se faire :

  • en lien avec la démarche globale et annuelle de l’évaluation des risques professionnels intégrés dans le document unique.
    Il est important de rappeler l’article R4121-1-1 : en annexe du DU l’employeur doit consigner les données collectives utiles à l’évaluation des expositions individuelles aux facteurs de risques, le cas échéant à partir de l’identification de postes, métiers ou situations de travail figurant dans un accord collectif étendu ou un référentiel professionnel de branche homologué. Cette même annexe doit préciser la proportion de salariés exposés aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1.
  • en s’appuyant sur des accords collectifs étendus – Article L4163-2, I
    Lorsqu’un accord de ce type existe, l’employeur doit l’utiliser pour déclarer les expositions sauf s’il avait avant la conclusion de l’accord mis en place son propre dispositif.
  • à partir des référentiels professionnels de branche – Article L4163-2, II
    En l’absence d’accord de branche étendu, l’employeur peut utiliser les référentiels de branche homologués par les ministres du travail et des affaires sociales pour définir les postes, métiers ou situations de travail comportant des facteurs de pénibilité. Le référentiel ne peut être établi que par une organisation professionnelle représentative dans la branche concernée, il doit présenter l’impact des mesures de protection collective et individuelle sur l’exposition des salarié-es à la pénibilité.
L’établissement d’une fiche de prévention individuelle a été remplacé par la seule obligation de déclarer à la caisse nationale d’assurance maladie via la déclaration sociale nominative l’exposition de chaque salarié-e. Toutefois elle subsiste pour certaines catégories de salariés mais pas sous la même forme (voir ci-après).
Il faut souligner que la suppression de fiche de prévention représente un grave recul pour les salarié-es. Car non seulement elle aurait permis d’avoir une connaissance fine des expositions individuelles (elle précisait les périodes d’exposition, les mesures de prévention prises), mais elle aurait pu aussi être un outil de traçabilité des expositions, la fiche étant par ailleurs transmise au service de santé au travail et intégrée dans le dossier médical de santé au travail de l’intéressé-e.
Mais au nom de la simplification de la vie des entreprises, la santé et la sécurité des personnes au travail est sacrifiée.

2 – Négocier un accord ou établir un plan d’action de prévention

Sont concernés tous les employeurs de droit privé quel que soit leur statut juridique, les entreprises publiques et établissements publics à caractère industriel et commercial, les établissements publics à caractère administratif pour leur personnel de droit privé. Au 1er janvier 2019 cette obligation concernera les entreprises d’au moins 50 salariés ou appartenant à un groupe de cette taille :

  • employant au moins 25 % de salarié-s exposé-es aux 6 facteurs de risques liés à la pénibilité,
  • ou dont le taux de sinistralité en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles est supérieure à 0,25 (rapport pour les 3 dernières années entre le nombre d’AT/MP -sauf accidents de trajet-et l’effectif de l’entreprise).

Pour les entreprises de plus de 300 salarié-es déjà couvertes par un accord de branche il n’y a pas lieu d’engager des négociations.

La fixation d’une proportion minimale de salariés à 50% au départ était en fait très élevée et exonérait de très nombreuses entreprises de toute obligation de négocier un accord ou d’établir un plan d’action.

Mais il n’en reste pas moins que l’employeur devra au préalable recenser les salariés exposés aux facteurs de pénibilité pour savoir s’il est soumis à l’obligation de négocier et à ce titre l’intervention du CHSCT/CSE sera déterminante.

L’employeur a le choix soit de négocier un accord, soit de réaliser un plan d’action, mais en tout état de cause l’employeur a une obligation de résultat.

A compter du 1er janvier 2019 ces accords seront renommés « accords en faveur de la prévention des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels ». Si aucun accord n’est conclu deux obligations sont imposées à l’employeur :

  • celle de dresser un PV de désaccord ;
  • et celle d’arrêter un plan d’action au niveau de l’entreprise ou du groupe après avis du Comité Social Economique (CSE).

Précision importante : s’il y a négociation elle doit porter sur l’ensemble des 10 facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L4161-1 et non sur les seuls 6 facteurs de risques pris en compte dans le compte professionnel de prévention (C2P).

Les entreprises dont le nombre de salarié-es est au moins de 50 et au plus de 300 sont dispensées d’accord ou de plan d’action si elles sont déjà couvertes par accord de branche étendu portant sur les thèmes obligatoires.

Des thèmes devront être obligatoirement traités dans l’accord ou le plan d’action :

  • au moins 2 des thèmes suivants : la réduction des polyexpositions aux 10 facteurs de risques, l’adaptation et l’aménagement du poste de travail, la réduction des expositions aux 10 facteurs de risques.
  • au moins 2 des thèmes suivants : l’amélioration des conditions de travail, notamment au plan organisationnel ; le développement des compétences et des qualifications ; l’aménagement des fins de carrière ; le maintien en activité des salariés exposés aux facteurs de pénibilité.

En outre, l’accord ou le plan d’action précise les mesures de nature à permettre aux titulaires d’un compte professionnel de prévention d’affecter les points à la formation ou à la réduction du temps de travail. L’accord ou le plan d’action doit :

  • reposer sur un diagnostic préalable des situations de travail,
  • prévoir les mesures de prévention et les modalités de suivi de leur mise en oeuvre (commission de suivi, état des lieux réguliers…).

Si lors d’un contrôle, l’inspection du travail constate que l’entreprise n’a pas respecté ses obligations, elle la met en demeure d’y remédier dans un délai de 6 mois.

Les accords ou plans d’action en place avant le 1er janvier 2019 iront à leur terme.

La signature d’un accord sur ces questions mérite un vrai débat. Dans de nombreux cas, cela peut « dédouaner » les patrons, c’est donc à prendre avec beaucoup de précautions mais cela peut aussi être un moyen pour les équipes syndicales de contraindre l’employeur à aborder autrement ces questions.

Sans être systématiquement opposés à tout accord avec les employeurs, les équipes de Solidaires ne peuvent qu’être très réservées sur les méthodes utilisées pour définir les expositions aux facteurs de pénibilité qui risquent de se révéler très éloignées des situations réelles de travail et d’exposition des salarié-es. En effet l’évaluation des risques par le biais d’un accord de branche ou d’un référentiel sera globalisante, bien moins précise et bien moins contraignante pour les employeurs qu’une identification individuelle. La plus grande vigilance des équipes est de mise autour des méthodes employées et de leurs résultats.

3 – Établir une fiche individuelle de suivi

L’article D 4163-4 (différé) du code du travail prévoit que pour les salariés qui ne sont pas susceptibles de bénéficier du compte professionnel de prévention mais sont exposés à des facteurs de risques au-delà des seuils fixés, l’employeur doit établir une fiche individuelle de suivi indiquant les facteurs de risques auxquels ils sont exposés, ces éléments devant être en cohérence avec le contenu du document unique (L 4121-3).

La fiche individuelle va permettre de tracer les expositions à la pénibilité des salarié-es autres que ceux et celles qui peuvent prétendre au compte professionnel de prévention. Sont notamment concernés :

  • Les salariés détachés en France ;
  • Les agents des trois fonctions publiques ainsi que les travailleurs affiliés à un régime spécial de retraite comportant un dispositif spécifique de reconnaissance et de compensation de la pénibilité (le décret n°2014-1617 du 24 décembre 2014 énumère les régimes concernés). Toutefois les salarié-es relevant du régime spécial des industries électriques et gazières ne sont pas concerné-es par cette fiche.

La fiche est transmise au salarié chaque année ou au terme de son contrat et doit être conservée 5 ans par l’employeur.

Le médecin du travail peut demander communication de la fiche individuelle, le dossier médical en santé au travail du salarié peut être complété avec ces éléments.

Pénalités en cas de non respect
Ne pas remplir la fiche de suivi ou ne pas l’actualiser est puni d’une amende de 1 500 € par salarié concerné (R 4741- 1-1).

Une protection accrue de l’employeur
L’employeur qui applique les dispositions de l’accord de branche étendu ou du référentiel de branche pour déclarer l’exposition des salariés est « présumé de bonne foi ». Il ne peut se voir appliquer les pénalités prévues en cas d’inexactitudes (L 4163-2).
En outre l’article L 4161-3 protège l’employeur d’éventuels recours liés à la reconnaissance d’une faute inexcusable : le seul fait d’avoir déclaré l’exposition d’un travailleur aux facteurs de pénibilité ne pourra constituer une présomption au manquement de son obligation de sécurité de résultat.

II – 2 Les interventions possibles pour les équipes syndicales ?

1 – Agir en CHSCT/CSE

Le CHSCT/CSE joue un rôle essentiel puisqu’il doit analyser les « effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels » (article L4612-2/article L2312-9). Les CHSCT dans les fonctions publiques sont également concernés.

Au regard de l’exposition aux facteurs de risques professionnels le CHSCT/CSE doit s’assurer que :

  • là où elle est prévue la fiche individuelle de suivi pour chaque salarié-e exposé-e a bien été établie, de s’assurer de l’efficacité et de la pertinence des mesures de prévention mises en œuvre par l’employeur, des suites données aux propositions du médecin du travail ou du médecin de prévention…
  • dans le document unique d’évaluation des risques professionnels, les risques liés à la pénibilité ont bien été évalués, que l’employeur y a fait figurer en annexe les données collectives utiles à l’évaluation des expositions individuelles ainsi que la proportion de salariés exposés (Article R 4121-1-1).
  • les deux rapports annuels (bilan annuel et programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail) comportent bien des éléments sur la prévention de la pénibilité (comme pour le travail de nuit) et détaillent de façon spécifique les mesures de prévention prises en cas d’exposition aux facteurs de risques professionnels (L4612-16/L 2312-27).

L’action du CHSCT/CSE doit conduire :

  • À mettre en visibilité toutes les expositions professionnelles des salarié-es du fait de leur travail qui ont un impact sur leur santé ;
  • Et à exiger de tout employeur le respect de son obligation d’assurer la sécurité et de protéger la santé des salarié-es et de respecter les principes de prévention.
2 – Analyser tous les facteurs de risques professionnels

En observant les postes de travail pour repérer les facteurs de risques, engager la discussion avec les salariés pour revendiquer ensuite des améliorations précises des conditions de travail. Il est essentiel de ne pas se cantonner aux risques définis ni aux seuils fixés, les effets du travail sur la santé sont le plus souvent différés et cumulatifs. La démarche d’analyse nécessite de ne prendre aucun risque isolément mai bien d’appréhender globalement la situation de travail, de tenir compte des différents risques et de leurs liens entre eux. Il faut marteler que les seuils déterminés ne sont pas des seuils relatifs à la santé mais des seuils au-delà desquels des droits à compensation sont ouverts.

En enquêtant auprès des salarié-es : en s’appuyant sur leur expérience, sur leurs conditions de travail et les facteurs de pénibilité qu’ils subissent, les représentants du personnel pourront rendre visibles des contraintes jusque là ignorées.
Enquêter auprès des salarié-es et avec leur participation active sur les organisations du travail, sur leur vécu, sur les traces sur leur santé permet d’envisager des initiatives collectives pour la prise en compte de la pénibilité réelle et de ne pas s’enfermer dans des dispositifs restrictifs.
En effet la pénibilité peut résulter de difficultés de plus en plus importantes à tenir son poste de travail, à travailler en raison de son état de santé lié ou non avec le travail, des contraintes subies dans le travail qui peuvent se révéler pathogènes ou invalidantes à long terme.

3- Solliciter le médecin du travail/de prévention

Le médecin du travail/de prévention a un rôle primordial dans la prévention d’une façon générale (examens médicaux, visites des lieux de travail…). En cas de nécessité il doit proposer à l’employeur des mesures de prévention individuelles. Il faudra donc le solliciter le plus possible par écrit.

Par ailleurs le médecin du travail est en droit de s’adresser à l’employeur s’il « constate la présence d’un risque pour la santé des salariés, il propose par écrit motivé et circonstancié des mesures visant à la préserver. L’employeur devra prendre en considération ces propositions, et en cas de refus il devra faire connaître ses motifs ». Tous ces éléments sont transmis au CHSCT/CSE (article L 4624-9)

Les propositions et les préconisations du médecin ainsi que la réponse de l’employeur sont communiquées au CHSCT, à l’inspecteur du travail et à tout organisme de prévention, ce qui peut donner des possibilités nouvelles d’intervention aux représentants syndicaux.

Enfin le médecin du travail peut demander communication des informations déclarées par l’employeur à la CARSAT et dans ce cas le dossier médical en santé au travail du salarié est complété de ces informations.

4 – Recourir à l’expertise

Le CHSCT/CSE peut également faire appel à un expert agréé pour analyser les situations d’exposition et mieux comprendre tous les facteurs de risques pouvant porter atteinte à la santé et à la sécurité des salarié-es et décider ensuite des mesures de prévention pour supprimer, réduire ou encore compenser une activité pénible.

Toutefois l’analyse des facteurs de pénibilité n’ouvre pas un droit automatique à l’expertise laquelle ne peut être décidée que lorsque les conditions visées à l’article L. 4614- 12 /L 2315-96 du code du travail sont réunies, c’est-à-dire en cas de risque grave identifié et actuel ou en cas de projet important.
Arrêt n° 2048 du 25 novembre 2015 (14-11.865) – Cour de cassation – Chambre sociale

A quand l’extension du compte pénibilité aux fonctionnaires ?

Le rapport de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale de l’administration sur la prévention et la prise en compte de la pénibilité dans la fonction publique publié en mars 2016 conclut : « la transposition du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) aux agents publics, bien que souhaitable, est pour l’heure prématurée, au vu notamment de la mise en oeuvre incomplète de leurs obligations par les employeurs publics et des difficultés actuelles de mise en place de celui-ci dans le secteur privé ».

Voilà des arguments qui ne tiennent pas la route (les entreprises privées seraient elles exemplaires en matière de prévention des risques professionnels) n’est-ce pas plutôt le moyen d’évacuer un débat gênant pour les employeurs publics ?

Les auteurs du rapport formulent 13 recommandations qui sont toutes très théoriques et renvoient aux calendes grecques le respect par les employeurs publics de leur obligation de protéger la santé et la sécurité des personnels. Car comme le mentionne le rapport : « les employeurs publics ne mettent en oeuvre que très partiellement leurs obligations relatives à la traçabilité des expositions aux risques professionnels et à la prévention de la pénibilité (documents uniques d’évaluation des risques professionnels, fiches individuelles d’exposition aux risques professionnels…), méconnaissant pour certains les textes parus depuis maintenant depuis plusieurs années ».

En guise de conclusion

L’objectif premier de Solidaires est de faire disparaître ou a minima de réduire les pénibilités liées au travail et donc d’obtenir la mise en place de vraies mesures de prévention.
Or le dispositif retenu par le gouvernement sous la pression des employeurs encourage la réparation – largement insuffisante par ailleurs – de la pénibilité plutôt que sa prévention. Certes il faut réparer mais avant tout il faut prévenir c’est-à-dire diminuer les risques en adaptant le travail aux travailleurs et travailleuses et non l’inverse.
C’est pourquoi nous devons reprendre la main sur la question des conditions de travail sans se laisser enfermer dans des limites arbitraires qui écartent de nombreux-ses salarié-es d’une véritable amélioration de leur situation de travail.

En dépit des fortes restrictions et limites apportées à une véritable prise en charge de la pénibilité au travail, les équipes syndicales doivent néanmoins investir ce champ des risques professionnels, notamment pour élargir le débat et retenir d’autres facteurs de pénibilité, obtenir des vraies compensations à la pénibilité comme un repos compensateur ou une réduction de la durée du travail…

Le CHSCT/CSE peut jouer un rôle important s’il réussit à mobiliser les salarié-es sur ces questions.
Il est d’autant plus important d’intervenir le plus en amont possible sur les pénibilités liées au travail afin d’éviter à plus ou moins long terme une usure prématurée, un accident, une maladie professionnelle, une inaptitude (partielle ou totale) pouvant déboucher sur l’irréversible, l’invalidité et l’exclusion de l’emploi…
L’enjeu est bien d’une part d’obtenir de l’employeur – qui n’y verra qu’une contrainte supplémentaire -, une véritable réflexion sur l’organisation du travail et d’autre part, de construire avec les salariè-es les mobilisations nécessaires pour ne pas perdre sa vie à la gagner.

Annexes

Les facteurs de risques professionnels et les seuils d’exposition : article D4161-2

1° Au titre des contraintes physiques marquées

2° Au titre de l’environnement physique agressif

3° Au titre de certains rythmes de travail

NOTA : les facteurs de risques manutentions manuelles, postures pénibles, vibrations mécaniques, bruit, températures extrêmes et agents chimiques dangereux s’appliquent depuis le 1er juillet 2016 et les 4 autres facteurs depuis le 1er janvier 2015. Les contraintes physiques marquées n’ouvrent plus droit au compte professionnel de prévention depuis le 1er octobre 2017.

Les textes de référence

  • Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites
  • Décret no 2014-1155 du 9 octobre 2014 relatif à la gestion du compte personnel de prévention de la pénibilité, aux modalités de contrôle et de traitement des réclamations
  • Décret n° 2014-1156 du 9 octobre 2014 relatif à l’acquisition et à l’utilisation des points acquis au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité.
  • Décret n° 2014-1157 du 9 octobre 2014 relatif au Fonds de financement des droits liés au compte personnel de prévention de la pénibilité.
  • Décret n° 2014-1158 du 9 octobre 2014 relatif au document unique d’évaluation des risques et aux accords en faveur de la prévention de la pénibilité.
  • Décret n° 2014-1159 du 9 octobre 2014 relatif à l’exposition des travailleurs à certains facteurs de risque professionnel au-delà de certains seuils de pénibilité et à sa traçabilité.
  • Décret n° 2014-1160 du 9 octobre 2014 relatif aux accords en faveur de la prévention de la pénibilité.
  • Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi.
  • Décret n° 2015-1885 du 30 décembre 2015 relatif à la simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité.
  • Décret n° 2015-1888 du 30 décembre 2015 relatif à la simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité et à la modification de certains facteurs et seuils de pénibilité.
  • Circulaire 2016-10 du 5 février 2015 de la caisse nationale d’assurance vieillesse
  • Instruction DGT/DSS/SAFSL n°178 du 20 juin 2016 relative à la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité.
  • Ordonnance 2017-1768 du 22 septembre 2017.
  • Décrets 2017-1766, 2017-1768 et 2017-1769 du 27 décembre 2017.
  • Décrets 2017-1814 et 2017-1815 du 29 décembre 2017.
  • Arrêté du 26 décembre 2017.

1 La loi du 12 octobre 2016 supprime les TASS et transfère leurs compétences aux TGI.