FICHE N° 10
CHSCT de coordination, expertises et stratégies syndicales…

CHSCT de coordination, expertises et stratégies syndicales…
L’ANI signé en début d’année 2013 par la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC et transposé par le parlement dans une loi, a des conséquences concrètes sur  les CHSCT. Cette note vise à donner des éléments pour les représentants dans les CHSCT et pour les syndicats Solidaires qui doivent à la fois comprendre les évolutions néfastes du code du travail mais également définir des stratégies pour éviter des dérives supplémentaires des CHSCT.
En effet, en créant une instance temporaire de coordination des CHSCT, le MEDEF avec la complicité des syndicats signataires et l’appui du  gouvernement poursuit deux objectifs essentiels :

  • éloigner du terrain les représentants des CHSCT.
  • opérer des licenciements plus rapidement dans le cas de plans sociaux.
  • effectuer des réorganisations importantes sans entraves.

Pour y parvenir, l’instance de coordination et la modification des délais de recours aux expertises ont été entérinées par la loi. Les articles L4616-1 à L4616-5 du code du travail sont modifiés. Une partie réglementaire complète ces dispositions.

Les nouveaux textes du code du travail sont pour partie mal rédigés et  sont pour l’essentiel incomplets et sujets à des interprétations donc des contentieux possibles sur le plan juridique. Il y a donc un gros intérêt pour les équipes syndicales de Solidaires à ne pas intervenir chacune dans son coin et à définir des stratégies collectives.


Une réflexion collective indispensable

Nous allons revenir dans le détail sur ce que dit le code du travail modifié et sur les stratégies syndicales à développer. Mais nous attirons l’attention sur la nécessité de définir des stratégies collectives à partir d’un exemple.  Le code du travail ne précise pas que les CHSCT ont la personnalité  juridique et donc peuvent agir en justice. C’est la jurisprudence de la cour de cassation qui a précisé : « comme tout groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, le CHSCT est doté de la personnalité civile ». Le CHSCT est une instance représentative du personnel, ce que n’est pas l’instance de coordination qui va être mise en place. Pour contester des décisions prises par l’employeur dans le cadre de cette instance et pour faire trancher les litiges (par exemple sur le recours à l’expertise, sur son périmètre, sur les moyens mis en oeuvre par l’expert etc.), il y aurait deux stratégies juridiques possibles :

  • soit faire reconnaître l’instance de coordination comme personnalité civile et donc faire de cette instance un super CHSCT…
  • soit considérer que seuls les CHSCT doivent garder la personnalité civile, ce qui a pour conséquence que s’il y a litige dans les instances de coordination, un ou plusieurs CHSCT qui sont concernés par les décisions de l’employeur dans cette instance peuvent saisir la justice puisqu’ils ont intérêt à agir.

De fait, les deux stratégies juridiques sont différentes. Dans le premier cas, on va renforcer l’instance de coordination et dans le second cas, on garde la main au niveau des CHSCT. La loi ne dit rien. Il n’y a pas encore de litiges juridiques mais on voit bien que les conséquences sont différentes.

Les arguments juridiques ne manquent pas pour considérer que c’est aux CHSCT (et pas à l’instance de coordination) d’intervenir en justice. Les textes sont vides donc il y aura jurisprudence. La personnalité juridique et la capacité d’ester en justice des CHSCT ne sont pas mises en cause par la création de l’instance de coordination. Si plusieurs CHSCT sont concernés par un projet ou un plan social, chacun des CHSCT n’en reste pas moins « pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites » comme l’a jugé la cour de cassation. En tous cas on peut légitimement soutenir que la loi permet (et ce n’est pas une obligation) de mettre en place une instance qui a pour seul but de donner des avis sur des modifications de conditions de travail et les plans sociaux en désignant les experts. Ce n’est toutefois pas une nouvelle instance représentative du personnel.

Cet exemple illustre la nécessité de réfléchir aux argumentaires à  développer et aux stratégies à mettre en œuvre. Il souligne l’impératif de développer des interprétations cohérentes pour ne pas avoir de  jurisprudences contraires aux intérêts des salariés.

S’agissant d’articles nouveaux du code du travail, ils sont repris ci après avec des commentaires et des éléments de pratique. Nous nous efforçons de préciser les questions posées par les textes et les points de vue qu’il nous semble indispensable de soutenir.

Ce qui est modifié dans le code du travail

Article L4616 -1
Lorsque les consultations prévues aux articles L. 4612-8, L. 4612-9, L. 4612-10 et L. 4612-13 portent sur un projet commun à plusieurs établissements, l’employeur peut mettre en place une instance temporaire de coordination de leurs comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui a pour mission d’organiser le recours à une expertise unique par un expert agréé dans les conditions prévues au 2° de l’article L. 4614-12 et à l’article L. 4614-13, et qui peut rendre un avis au titre des articles L. 4612-8, L. 4612-9, L. 4612-10 et L. 4612-13.

En écrivant « l’employeur peut mettre en place une instance temporaire de coordination », le législateur n’impose rien. La décision est effectivement du ressort de l’employeur, mais nous pouvons développer une série d’arguments :

  • l’employeur n’a aucune obligation à mettre en place cette instance, il faudra donc argumenter et contester sa volonté d’en installer une en démontrant, par exemple, que celle-ci ne lui permettra pas de répondre à ses obligations de sécurité de résultats ou que si le projet est commun à plusieurs établissements il nécessite qu’il soit étudié au plus près du terrain…
  • il s’agit d’une instance temporaire donc éphémère et elle n’a pas vocation à perdurer au-delà du projet qui a présidé à sa création. Lorsque la consultation est terminée l’instance de coordination devra logiquement être clôturée.
  • l’instance n’a qu’une seule mission reprise dans la loi : organiser le recours à une expertise unique. La conséquence est que l’expertise devient, de fait, obligatoire et logiquement ne devrait pas faire l’objet de contestation en justice. L’employeur devrait donc, pour tous les articles de ce texte renvoie accepter les expertises. Il pourrait par contre contester le contenu de la convention avec l’expert (durée, moyens et donc coût de l’expertise…). Attention : si, pour une raison ou une autre, l’instance ne mettait pas en place l’expertise unique, aucune expertise ne pourrait pour autant être mise en œuvre par les CHSCT concernés par le projet. C’est elle ou rien.
Le CHSCT conserve donc sa capacité d’expertise projet uniquement dans deux cas : si aucune instance de coordination n’est mise en place ou si le projet concerne un seul CHSCT. Pour les expertises « risques graves », chaque CHSCT conserve sa possibilité de décider une expertise.

Article L4616 -2
L’instance de coordination est composée :
1° De l’employeur ou de son représentant ;
2° De trois représentants de chaque comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail concerné par le projet en  présence de moins de sept comités, ou de deux représentants de chaque comité en présence de sept à quinze comités, et d’un au-delà de quinze comités. Les représentants sont désignés par la délégation du personnel de chaque comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en son sein, pour la durée de leur mandat ;
3° Des personnes suivantes : médecin du travail, inspecteur du travail, agent des services de prévention de l’organisme de sécurité sociale et, le cas échéant, agent de l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics et responsable du service de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, agent chargé de la sécurité et des conditions de travail. Ces personnes sont celles territorialement compétentes pour l’établissement dans lequel se réunit l’instance de coordination s’il est concerné par le projet et, sinon, celles territorialement compétentes pour l’établissement concerné le plus proche du lieu de réunion. Seules les personnes mentionnées aux 1° et 2° ont voix délibérative.

Cet article, pour être mis en application, nécessite que l’employeur précise à l’occasion de chaque projet, quels sont les CHSCT concernés (donc qu’il définisse des périmètres de mise en oeuvre des projets envisagés).

Ce texte peut, dans certains cas, être particulièrement compliqué à mettre en œuvre par les employeurs dans certaines grandes entreprises. Sur un projet national, s’il y a 100 CHSCT concernés (ce qui peut être le cas avec des projets qui toucheraient un CHSCT par département par exemple), on voit ce que cela pourrait donner… D’où la nécessité de contester cette loi !
L’article indique « Les représentants sont désignés par la délégation du personnel de chaque comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en son sein, pour la durée de leur mandat », c’est-à-dire que pour un projet et un périmètre donné (et donc en fonction du nombre de CHSCT concernés), une instance de coordination temporaire et spécifique est mise en place. Il peut très bien y avoir au même moment plusieurs instances avec des périmètres différents.

La dernière phrase pourrait être ambiguë. L’employeur comme les représentants désignés par les CHSCT ont une voix délibérative. Mais, c’est dans les conditions habituelles de fonctionnement des CHSCT c’est à dire que l’employeur a voix délibérative sur le fonctionnement et pas lorsqu’il consulte l’instance en tant que délégation du personnel. Ce principe a encore récemment été rappelé par la cour de cassation dans un litige à Air France, l’employeur ayant participé à un vote pour la désignation d’un expert. Cassation sociale, 26 juin 2013, n° 12-14.788, Société Air France KLM c/ CHSCT Air France KLM et société d’expertise SECAFI : « Mais attendu que la décision de recourir à un expert prise par le CHSCT dans le cadre d’une consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité constitue une délibération sur laquelle les membres élus du CHSCT doivent seuls se prononcer en tant que délégation du personnel, à l’exclusion du chef d’entreprise, président du comité ».

Un peu plus loin la loi indique que l’article L 4314-2 s’applique et celui-ci renvoie à l’article L 2325- 18 du code qui indique que le président ne participe pas au vote lorsqu’il consulte les membres en tant que délégation du personnel.

Il s’agit d’une jurisprudence constante de la cour de cassation mais les employeurs peuvent de nouveau s’appuyer sur l’ambiguïté de la loi pour tenter de voter sur des questions pour lesquelles ils nous consultent. Il s’agit donc d’être extrêmement vigilant pour dès le départ, si nous sommes contraints dans des instances de coordination, refuser le vote des employeurs.

Article L4616 -3
L’expert mentionné à l’article L. 4616-1 est désigné lors de la première réunion de l’instance de coordination. Il remet son rapport et l’instance de coordination se prononce, le cas échéant, dans les délais prévus par un décret en Conseil d’État. A l’expiration de ces délais, l’instance de coordination est réputée avoir été consultée. Le rapport de l’expert et, le cas échéant, l’avis de l’instance de coordination sont transmis par l’employeur aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail concernés par le projet ayant justifié la mise en place de l’instance de coordination, qui rendent leurs avis.

Le texte de cet article précise qu’il y a une possibilité de donner 2 avis :

  • un avis par l’instance de coordination transmis aux CHSCT concernés ;
  • un avis également à chacun des CHSCT concernés qui peuvent également rendre un avis.

Cet article renforce l’argumentaire développé dans la première partie de cette note. Si tous les CHSCT ont un avis à rendre, ils n’ont pas à être dépossédés de leurs possibilités d’intervention en justice. Si la Direction conteste le recours à l’expert ou les conditions de l’expertise, le rapport lui étant au bout du compte destiné, l’intérêt à agir (qui est le fondement de la recevabilité d’une demande en justice) est évident.

Attention : il faut de nouveau particulièrement insister sur ce qu’est un avis…

Un avis ce n’est pas : pour, contre, abstention ou « ne participe pas au vote »… Un avis ce n’est pas un vote ! Un avis c’est un texte qui sera mis au vote et qui s’exprime sur le rapport d’expertise, qui souligne les responsabilités de l’employeur, qui fait des propositions, qui exige des mesures, des réponses et place l’employeur sous sa responsabilité « d’obligation de sécurité de résultat ».

Un avis motivé du CHSCT peut se prolonger par une action en justice au nom du syndicat ou au nom du CHSCT !

Article L4616 -4
Les articles L. 4614-1, L. 4614-2, L. 4614-8 et L. 4614-9 s’appliquent à l’instance de coordination.
Cet article confirme que les principales règles de fonctionnement du CHSCT sont applicables à l’instance de coordination.

La reprise de l’article 4614-8 admet donc l’établissement conjoint de l’ordre du jour par le président et le secrétaire. En application de cet article, la circulaire 93-15 du 25 mars 1993 stipule que le secrétaire rédige les procès-verbaux. On peut donc considérer que la rédaction du PV de l’instance est de la responsabilité du secrétaire.

Si nécessaire, il faut faire voter la délibération suivante : « Les représentants des CHSCT de la coordination mandatent le secrétaire pour rédiger un projet de PV de la réunion qui sera transmis à chaque membre. Le secrétaire disposera du temps nécessaire à sa rédaction. »

En tous cas, à partir du moment où les règles de fonctionnement de cette instance de coordination sont prises à la majorité des membres présents, ce sont les représentants du personnel qui ont la main. A défaut d’informations, de moyens, les CHSCT peuvent saisir l’inspection du travail et la justice. Là encore, la stratégie peut être de demander des demandes de CHSCT extraordinaires pour assigner l’employeur pour non application des articles L. 4614-2, L. 4614-8 et L. 4614-9 au sein de l’instance.

Article L4616 -5
Un accord d’entreprise peut prévoir des modalités particulières de composition et de fonctionnement de l’instance de coordination, notamment si un nombre important de comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sont concernés.

Attention. Il s’agit à notre avis d’un piège…

Le risque est celui de déposséder les CHSCT de leurs prérogatives. Le texte pointe la difficulté que nous avons soulevée plus avant pour les projets nationaux. Dans ce cas, la proposition des employeurs des grandes entreprises peut être de donner des prérogatives à des instances (facultatives) actuellement en place et qui ne sont que consultatives. Ils peuvent dégager des moyens en temps, en moyens de fonctionnement, en budget, etc. pour renforcer le « dialogue social » et les « partenaires sociaux ».

Signer de tels accords d’Entreprise risquerait de déposséder un peu plus les CHSCT de leurs prérogatives. L’illusion de pouvoir changer avec des discussions et des instances nationales est un leurre. Il faut être cohérent. Combattre les politiques patronales nécessite de mobiliser sur le terrain. Sur les questions du travail c’est à ce niveau que cela se joue. Les instances de coordination ou/et nationales sont poussées par le MEDEF pour éloigner les représentants. A nous de voir où se trouve l’intérêt des salariés.

Article R4616 -1
Lors de la première réunion suivant la désignation des représentants du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, la délégation du personnel choisit en son sein trois représentants, par ordre de priorité, susceptibles de siéger au sein de l’instance de coordination prévue à l’article L. 4616-1 selon les modalités définies à l’article L. 4614-2 et au 2° de l’article L. 4616-2.

Lorsque un CHSCT se réunit la première fois, il établit une liste de trois membres classés un, deux et trois qui pourront être susceptibles de participer à une instance temporaire de coordination si leur CHSCT rentre dans le périmètre d’un plan de licenciement (PSE) ou d’un projet ayant une incidence sur les conditions de travail. Ils sont appelés ensuite à y participer, à un, deux ou trois, si un projet les concerne (et selon le nombre de CHSCT concernés). Une fois l’expertise terminée, l’instance cesse son activité. Rien n’empêche donc qu’il y ait plusieurs instances s’il y a plusieurs projets. Les listes ne sont que préparatoires à la mise en place d’éventuelles instances de coordination. La question qui peut se poser est celle de l’intérêt à développer une stratégie d’obstruction de ces désignations sachant que le tempo entre celles-ci et la mise en place d’une instance n’est pas du tout le même.

Par ailleurs, l’article L4613-4 du code du travail reste applicable : « Dans les établissements de cinq cents salariés et plus, le comité d’entreprise détermine, en accord avec l’employeur, le nombre des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail devant être constitués, eu égard à la nature, la fréquence et la gravité des risques, aux dimensions et à la répartition des locaux ou groupes de locaux, au nombre des travailleurs occupés dans ces locaux ou groupes de locaux ainsi qu’aux modes d’organisation du travail. Il prend, le cas échéant, les mesures nécessaires à la coordination de l’activité des différents comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. En cas de désaccord avec l’employeur, le nombre des comités distincts ainsi que les mesures de coordination sont fixés par l’inspecteur du travail. Cette décision est susceptible d’un recours hiérarchique devant le directeur régional du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. »

Les Comités d’Entreprise ne doivent pas se laisser déposséder de leurs prérogatives à l’occasion de la mise en place des CHSCT. On pourrait objecter qu’il s’agit là aussi de CHSCT de coordination… sauf que dans un cas c’est l’employeur qui décide seul, qui éloigne les expertises du terrain pour pouvoir restructurer et modifier les conditions de travail sans faire de vagues alors que les coordinations proposées par les CE ne dépossèdent pas les CHSCT de leurs prérogatives. Les mesures de coordination dont il est question peuvent être par exemple des coopérations sur des enquêtes, des échanges, des propositions qui s’additionnent… Le lien avec les choix économiques (prérogatives des CE) peut par exemple démontrer les dégâts des politiques sur la santé !

Il y aura intérêt sur ces modalités à se mettre d’accord avec les autres membres du CHSCT. L’article précise en effet que la désignation des membres dans l’instance de coordination se réalise sur la règle de la majorité des membres présents. Ce n’est donc pas une élection. Il faut donc désigner à la majorité, ce qui signifie que même dans le cas de 3 membres désignés, une organisation syndicale majoritaire peut rafler les 3 sièges.

Il semble nécessaire de raisonner en tenant compte aussi de ceux qui ont voté pour cet accord et de ceux qui l’ont combattu…

Article R4616 -2
Lorsque, pendant la durée normale de son mandat, un représentant du personnel d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail à l’instance de coordination cesse ses fonctions, il est remplacé à l’occasion de la réunion suivante du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail concerné, pour la période du mandat restant à courir. Il n’est pas pourvu à son remplacement si la période restant à courir est inférieure à trois mois.

Toutefois, dans le cas où une instance de coordination est mise en place pour un projet commun concernant son établissement avant la réunion suivante du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, une réunion extraordinaire du comité est tenue en urgence pour désigner ce nouveau représentant.

Voir commentaire sur l’article R4616-1 précédent

Article R4616 -3
Lorsqu’une instance de coordination est mise en place, la liste nominative de ses membres est affichée dans les locaux affectés au travail de chaque établissement concerné par le projet commun. Elle indique la qualité, les coordonnées et l’emplacement de travail habituel des membres de l’instance.

On en revient ici à une notion de « projet commun » ce qui confirme la nécessité qu’il existe un projet commun pour mettre en place cette instance.

Par ailleurs, si l’employeur n’affiche pas dans les locaux affectés au travail (ce qui est souvent le cas), il y aurait entrave au fonctionnement des CHSCT.

Cet article doit permettre de fait aux membres de cette instance de se rendre dans d’autres établissements que le leur pour rencontrer les salariés (avec les moyens de l’employeur, voir plus haut) puisque ce sous-tend ce texte c’est qu’ils peuvent être contactés par des membres du personnel (sinon à quoi servirait cet article?)

Article R4616 -4
Les représentants du personnel au sein de l’instance de coordination choisissent parmi eux le secrétaire.

Voir commentaire sur l’article L4616-4 précédent

Article R4616 -5
L’ordre du jour des réunions de l’instance et, le cas échéant, les documents s’y rapportant sont transmis par le président aux membres de cette instance quinze jours au moins avant la date fixée pour la réunion, sauf cas exceptionnel justifié par l’urgence.
Toutefois, lorsque l’instance est réunie dans le cadre d’un projet de restructuration et de compression des effectifs mentionné à l’article L. 2323-15, l’ordre du jour et, le cas échéant, les documents s’y rapportant sont transmis sept jours au moins avant la date fixée pour la réunion.

La deuxième partie de cet article est le plus inacceptable. Elle concerne les plans de licenciements (appelés « plan de sauvegarde de l’emploi »).
Attention, les Directions risquent d’appliquer ce délai de 7 jours pour toutes les situations. Or, il s’agit des plans de compression d’effectifs ! On ne voit d’ailleurs pas bien ce qui justifierait le cas exceptionnel justifié par l’urgence.

Il faut évidemment tout faire pour gagner du temps pour mobiliser les salariés .

Article R4616 -6
Les réunions de l’instance ont lieu dans un local approprié et, sauf exception justifiée par l’urgence, pendant les heures de travail.

On ne voit d’ailleurs pas, là encore, ce qui justifierait l’exception justifiée par l’urgence.

Article R4616 -7
Les procès-verbaux des réunions et les avis de l’instance sont conservés au siège social de l’entreprise. Ils sont transmis, par l’employeur, aux membres de la délégation du personnel des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail concernés par le projet commun. Ils sont communiqués, à leur demande, aux médecins du travail, aux inspecteurs du travail, aux agents des services de prévention de l’organisme de sécurité sociale et, le cas échéant, aux agents de l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics des établissements concernés.

Nous avons intérêt systématiquement à transmettre aux médecins du travail, inspecteurs du travail et CARSAT.

Dans ce cas, il faut accompagner de commentaires sur les liens sur la santé, les questions de prévention, de réglementation etc.

Article R4616 -8
Lorsque l’employeur met en place, en application de l’article L. 4616-1, l’instance de coordination, celle-ci indique lors de la première réunion si elle rendra un avis. Cet avis est, le cas échéant, rendu dans un délai de quinze jours après la remise du rapport d’expertise. Toutefois, lorsque cette expertise est organisée dans le cadre d’un projet de restructuration et de compression des effectifs mentionné à l’article L. 2323-15 et selon les modalités définies à l’article L. 4614-12-1, l’avis est, le cas échéant, rendu dans un délai de sept jours après la remise du rapport de l’expert.

Il faut évidemment indiquer systématiquement que nous rendrons un avis. Ce texte est d’ailleurs contraire à d’autres textes de loi. Si le code du travail prévoit que le CHSCT est « consulté » cela signifie qu’il doit donner un avis !

Là encore il y a un double délai et c’est totalement scandaleux que pour un plan de licenciements, les délais soient réduits. On connaît en effet les effets prévisibles sur la santé de plans de licenciements :

  • pour ceux qui sont licenciés ce sera la galère et des risques graves de dépressions et troubles de tous ordres ;
  • pour ceux qui restent ce sera de nouveau intensification du travail, reconversions, mutations etc.

La bataille à mener est importante pour pouvoir donner des arguments au CE : le plus souvent les employeurs ne donnent pas toute l’information demandée, ils ne répondent pas aux questions posées par les rapports d’expertise et si nous prouvons les atteintes à la santé, ce sont des arguments pour contester en justice un plan social (voir par exemple les jugements obtenus à la FNAC).

Dans tous les cas, les membres du CHSCT ont été désignés pour représenter les intérêts et le respect des prérogatives de leur comité. Ils ont donc la possibilité d’amener leur CHSCT d’établissement à contester en justice tout ce qui à leurs yeux constitue une entrave à leur CHSCT d’appartenance, notamment l’impossibilité d’avoir eu une information entière et non faussée dans le cadre de l’instance de coordination.

Attention, selon qu’il s’agit d’une expertise projet modification importante des conditions de travail ou d’une expertise projet de restructuration avec compression des effectifs et plan de sauvegarde de l’emploi, les délais et voies de recours sont différents.

Il y a donc deux cas :
Premier cas : l’expertise modification importante des conditions de travail (qui peut être une restructuration sans licenciements) :

Article R4616 -9
L’expertise unique organisée par l’instance en application de l’article L. 4616-3 est réalisée dans le délai d’un mois à compter de la désignation de l’expert. Ce délai peut être prolongé pour tenir compte des nécessités de l’expertise sans excéder soixante jours.

Dans le cas d’expertise « projet », modification importante des conditions de travail, les délais pourraient être prolongés (de 45 jours maxi pour un CHSCT à 60 jours pour une instance de coordination). Mais il faut beaucoup anticiper car le délai court à partir de la désignation de l’expert et ne part plus, comme auparavant, à partir de la signature de la convention entre l’employeur et l’expert.

Cela implique que les contacts avec les experts soient pris dès que l’on a connaissance d’une restructuration possible et d’une consultation envisagée, qu’il faut préparer avec lui l’avis de la coordination des CHSCT, qu’il faut faire signer à l’employeur le jour de la désignation une convention et à défaut indiquer dans la délibération de la coordination des CHSCT que « la désignation de l’expert sera effective le jour de la signature par l’employeur de la convention »

Les Directions risquent de contester les conventions et les délais (30 jours à 60 jours). Si c’est le cas, il faut donc se préparer à des délibérations dans chaque CHSCT composant la délibération pour mandater des avocats (qui seront payés par l’employeur) pour imposer une expertise dans de bonnes conditions.

Dans ce deuxième cas : l’expertise restructuration et projet de licenciements (comportant donc un PSE):

Article R4616 -9 (suite)
Toutefois, lorsque cette expertise est organisée dans le cadre d’un projet de restructuration et de compression des effectifs mentionné à l’article L. 2323-15 et selon les modalités définies à l’article L. 4614-12-1, le rapport d’expertise est remis à l’employeur au plus tard quinze jours avant l’expiration du délai prévu à l’article L. 1233-30. L’absence de remise du rapport de l’expert désigné n’a pas pour effet de prolonger le délai prévu à l’article L. 1233-30.

Lorsqu’il y a plan de licenciements, ce sont les délais du CE qui sont applicables. Les rapports des experts doivent être remis à l’employeur 15 jours avant l’expiration du délai ou ? le CE doit donner un avis. Ce délai s’impose, dans tous les cas (instance de coordination ou CHSCT). Cela veut dire par exemple que pour un plan de licenciement de 80 salariés le délai sera de 45 jours maxi pour faire l’expertise et rendre le rapport même si le plan concerne plusieurs sites et que, par ailleurs, de très nombreux salariés sont « impactés » (c’est leur terme mais on peut dire victimes de ce plan). Puisqu’un « accord collectif de travail peut prévoir des délais différents » il faut se battre pour imposer d’autres délais.

Ce texte signé par la CFDT, la CFTC et la CGC est évidemment crapuleux !

Dans ce deuxième cas seulement ( cadre d’une expertise projet de restructuration et de compression des effectifs) :

Article R4616 -10
Les contestations relatives à l’expertise prévue à l’article L. 4614-12-1 doivent être dûment motivées et adressées au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi territorialement compétent, par tout moyen permettant de conférer une date certaine :
1° Par l’employeur, s’agissant des dispositions de l’alinéa 2 de l’article L. 4614-13;
2° Par les membres de l’instance lorsque les conditions fixées par l’alinéa 3 de l’article L. 4614-13 ne sont pas réunies.
Le directeur régional se prononce dans un délai de cinq jours à compter de la date de réception de la demande. Une copie de la décision est adressée aux autres parties.

La loi renvoie les contestations relatives aux expertises « plans de licenciements » au directeur régional du travail. Cet article s’applique dans tous les cas de recours à l’expert dans ce cadre de licenciements. (instance de coordination ou CHSCT) .

Les litiges concernant cette décision seraient de la juridiction administrative : « L. 1235-7-1. Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.».

Lorsque le cas se présentera, il est impératif que nous nous ne laissions pas passer… Les CHSCT (qui a priori ont seuls la « personnalité civile ») devraient donc aussi avoir la possibilité d’intervenir en justice s’il s’avère qu’une décision leur est défavorable. L’intérêt à agir (qui est le fondement de la recevabilité d’une demande en justice) et dont nous parlions précédemment paraît là aussi pouvoir être mis en avant.

Les possibilités d’intervention en justice auprès des tribunaux d’instance resteront à étudier. Selon les pratiques patronales développées, des procédures pour entrave aux fonctionnements des CHSCT peuvent peut-être être envisagées.

Dans le premier cas d’expertise « projet », modification importante des conditions de travail, c’est le président du tribunal de grande instance qui doit être saisi (C. Trav. Art. R.4616.10).

Article R4614 -3
L’ordre du jour de la réunion du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et, le cas échéant, les documents s’y rapportant sont transmis par le président aux membres du comité et à l’inspecteur du travail quinze jours au moins avant la date fixée pour la réunion, sauf cas exceptionnel justifié par l’urgence.

Mais dans le second cas (cadre d’une expertise projet de restructuration et de compression des effectifs) :

Toutefois, lorsque le comité est réuni dans le cadre d’un projet de restructuration et de compression des effectifs mentionné à l’article L. 2323-15, l’ordre du jour et, le cas échéant, les documents s’y rapportant sont transmis trois jours au moins avant la date fixée pour la réunion. L’ordre du jour est transmis dans les mêmes conditions aux agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale qui peuvent assister aux réunions du comité.

Cet article concerne les CHSCT (et reprend les mêmes dispositions que celles imposées pour les instances de coordination). Il dégrade les conditions de consultation pour les CHSCT où est présenté un plan de licenciement.

Article R4614 -18
L’expertise faite en application du 2° de l’article L. 4614-12 est réalisée dans le délai d’un mois. Ce délai peut être prolongé pour tenir compte des nécessités de l’expertise. Le délai total ne peut excéder quarante-cinq jours.

Mais dans le cadre d’une expertise projet de restructuration et de compression des effectifs :

Lorsque cette expertise est organisée dans le cadre d’un projet de restructuration et de compression des effectifs mentionné à l’article L. 2323-15 et selon les modalités définies à l’article L. 4614-12-1, l’absence de remise du rapport de l’expert désigné n’a pas pour effet de prolonger le délai prévu à l’article L. 1233-30. En cas de contestation, les dispositions de l’article R. 4616-10 s’appliquent.

Idem que l’article précédent.
Pour faciliter les plans de licenciements, c’est le directeur du travail qui décide.
On peut le répéter : c’est scandaleux !

Quelques réflexions complémentaires
Faut-il demander des instances de coordination?

Il est important de souligner qu’il n’y a pas à ce stade d’application dans les fonctions publiques et, bien entendu, aucune demande de Solidaires dans ce sens.

Le conseil général est plutôt de ne pas être demandeur d’une telle instance pour ne pas déposséder les CHSCT locaux de leurs prérogatives. En même temps, là où les Directions l’imposeront, l’obstruction ne servirait
à rien puisque la loi s’appliquera.

Les expertises.

Au final, la mission de l’expert pourra être plus compliquée et il conviendra donc de bien définir avec lui les priorités et les questions les plus importantes. Dans le cas d’une expertise sur plusieurs établissements avec une instance de coordination CHSCT, ce qui peut-être sera déterminant, ce sont les moyens mis pour l’expertise. La convention proposée peut par exemple très bien proposer une équipe de 6 experts (exemple au hasard), voire plus, en argumentant sur le périmètre. Au bout du compte l’enjeu sera d’obtenir les moyens d’expertise qui restent centrés sur l’activité concrète et le terrain alors que les patrons voudraient du «général»…

Les questions juridiques et les contentieux…

Un gros travail juridique va devoir être fait pour tenter de construire une nouvelle jurisprudence favorable aux travailleurs. Comme nous l’indiquons dès le début de cette note, il s’agit de ne pas se louper. Les équipes syndicales confrontées à des difficultés peuvent prendre contact avec la commission sur le mail : etvoilaletravail@solidaires.org

Cette note est un outil pour les équipes syndicales. Il s’agit de textes nouveaux qu’il faut comprendre pour combattre ce qui n’est pas acceptable, souligner les incohérences et les contradictions, utiliser certaines failles et les possibilités de recours pour défendre la place des CHSCT qui ont un rôle incontournable au plus près des salariés. S’il s’agit
de tout faire pour éviter la mise en place d’instances de coordination pour garder la main dans des CHSCT, quand l’employeur imposera cette instance, nous devons être très attentifs pour limiter les dégâts voire utiliser les textes à notre avantage.

Si l’employeur impose un CHSCT de coordination, la mise en place d’expertises devrait par exemple devenir quasiment automatique puisque c’est l’objet même de cette coordination. Il faudra que chaque CHSCT composant une coordination délibère sur les points incontournables à prendre en compte dans les expertises pour imposer les délais maximum (2 mois) mais aussi des moyens conséquents pour les experts (nombre d’experts, de journées d’expertises, d’entretiens etc. importants).

En définitive il sera nécessaire d’agir à deux niveaux:

  • une contestation de l’instance de coordination en expliquant aux salariés les objectifs patronaux derrière cette initiative… tout en imposant une expertise la plus efficace possible ;
  • mais aussi, pendant l’expertise en nourrissant l’expertise de tout ce que nous avons à mettre en avant au plus près du terrain, en intensifiant pendant les deux mois d’expertise le travail avec les salariés et en construisant un rapport fructueux avec les experts.

Une expertise n’est jamais neutre, instance de coordination ou pas, elle peut être utile ou dangereuse selon le choix de l’expert et le rapport de l’équipe syndicale avec l’équipe d’experts.

 

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