Faute inexcusable et droit à la retraite

Dans un arrêt important du 26 octobre 2011, publié au bulletin, la chambre sociale de la cour de cassation continue à construire une jurisprudence qui devrait permettre aux salariés victimes d’une « faute inexcusable » de pouvoir désormais obtenir l’indemnisation de la perte de leurs droits à la retraite.

En effet, lorsqu’un salarié est licencié pour inaptitude, l’article L 451-1 du code de la sécurité sociale lui interdit de rechercher la responsabilité de l’employeur selon les règles du droit commun. Toutefois, en cas de « faute inexcusable » de son employeur, il peut obtenir une réparation forfaitaire en réparation de son préjudice professionnel. Cependant cette réparation est loin d’être à la hauteur lorsque, comme c’est le cas le plus fréquent malheureusement, le salarié ne peut retrouver un emploi du fait de cette inaptitude.

Dans un premier arrêt du 14 avril 2010 (n° 09-40357), la chambre sociale a décidé que « lorsqu’un salarié a été licencié en raison d’une inaptitude consécutive à un accident du travail qui a été jugé imputable à une faute inexcusable de l’employeur, il a droit à une indemnité réparant la perte de son emploi due à cette faute de l’employeur », lequel « préjudice résultant de la perte de l’emploi constitue un préjudice distinct de celui donnant lieu à la réparation spécifique afférente à l’accident du travail ayant pour origine la faute inexcusable de l’employeur ». Cet arrêt important ouvrait la voix à la possibilité pour le salarié d’obtenir une indemnisation à la hauteur de sa perte d’emploi.

Cela n’était pas suffisant car le préjudice s’étend aussi aux droits à la retraite réduits du fait de la difficulté ou de la quasi impossibilité de retrouver un emploi de niveau équivalent. C’est cette situation qui est traitée dans l’arrêt du 26 octobre.

M. Hammache engagé par la société Adrien Targe en qualité d’aide cisailleur le 02 mai 2000, avait été victime le 30 mai 2004 d’un accident du travail, sa main gauche ayant été écrasée et ses blessures ayant nécessité l’amputation des doigts. Par décision du 9 juin 2008, le tribunal des affaires de sécurité sociale reconnaissait la faute inexcusable de l’employeur et fixait, par décision du 30 septembre 2008, l’indemnisation de son préjudice personnel par l’allocation d’une rente majorée à son maximum et d’une indemnité pour diminution ou perte de possibilité de promotion professionnelle.

Par ailleurs, M. Hammache qui avait été licencié le 20 avril 2007 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, avait saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes au titre de la rupture en sollicitant notamment des dommages-intérêts en réparation de la perte de son emploi et de la perte de droits à la retraite.

M. Hammache était classiquement débouté par la cour d’appel de sa demande d’indemnisation résultant de la perte de droits à la retraite, au motif que le préjudice allégué résultait du déclassement professionnel du salarié à la suite de l’accident du travail, lequel avait été réparé par le tribunal des affaires de sécurité sociale, en raison de la reconnaissance d’une faute inexcusable. L’arrêt est cassé pour violation de l’ article 1147 du code civil, la haute juridiction retenant que « le préjudice spécifique résultant de la perte des droits à la retraite, consécutif au licenciement, n’avait pas été réparé par la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale ».

Cette décision devrait, dorénavant, permettre à un salarié victime d’une faute inexcusable d’espérer la réparation de son presque entier préjudice.