A la demande du gouvernement, une négociation s’est engagée depuis septembre, réunissant les organisations syndicales représentatives et le patronat autour, d’un projet de réforme des seuils sociaux censé « faciliter la vie des entreprise et les aider à embaucher ».
Les seuils sont les limites d’effectifs salariés à partir desquels une entreprise se voit imposer de nouvelles obligations, de type comptable, légale ou sociale. Les principaux seuils se situent à 10, 20 ou 50 salariés. A compter de 11 salarié-e-s, une élection de délégués du personnel doit être organisée, ces derniers disposant alors d’un crédit de dix heures par mois pour exercer leur mandat. Au cinquantième salarié, l’entreprise est alors obligée d’accepter une éventuelle désignation d’un délégué syndical, doit mettre en place un CE (comité d’entreprise) et un CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité, et des conditions de travail).
Le patronat, le gouvernement et un certain nombre d’instituts libéraux prétendent qu’une modification de ces seuils permettrait de créer 100 000 emplois. Or une étude de l’INSEE, de décembre 2011, l’une des rares sur le sujet, contredit largement cette hypothèse dans cette note ayant pour titre : « Les seuils de 10, 20 et 50 salariés : un impact limité sur la taille des entreprises ». En partant des déclarations annuelles de données sociales, l’INSEE montre qu’il n’y a aucune rupture quant à la probabilité qu’une
entreprise augmente ses effectifs de part et d’autre des trois seuils de 10, 20 et 50 salariés.
Une attaque dissimulée
Si l’un des objectifs apparents du patronat semble être celui d’obtenir un relèvement des seuils sous le prétexte fallacieux de l’emploi, un certain nombre d’éléments montre qu’il s’agit aussi de s’attaquer au principe même des instances représentatives du personnel et notamment à l’une d’entre elles : le CHSCT.
En effet, plusieurs rapports sortis opportunément ces derniers temps vont dans ce sens. C’est le cas par exemple de celui de la fondation très social-libérale Terra Nova, proche du PS et dirigée, entre autres, par F. Chéréque,
ancien secrétaire général de la CFDT. Dans une note du 22 septembre 2014, celle-ci propose l’expérimentation sur trois ans du projet Belem, du nom du trois mats. Ce projet propose tout simplement de fusionner le comité d’établissement, les délégués du personnel et le CHSCT. Selon Terra Nova : « cette fusion, qui se ferait à moyens et à prérogatives constants, permettrait de décloisonner les responsabilités et d’économiser des réunions » mais aussi que « la multiplicité des demandes d’expertises pourrait être réduite et l’argent réorienté vers des actions de formation
des élus ». Espérons simplement que ce sinistre bateau du patronat coule.
Dans le même ordre d’idée, l’ASMEP-ETI qui regroupe les entreprises de taille intermédiaire (entre 250 et 5 000 salariés) a publié cet été un rapport sur le dialogue social comportant dix propositions pour « simplifier les procédures ». La première de celle-ci préconise, elle aussi, pour les établissements de moins de 300 salarié-e-s la fusion du CE, des postes de DP et du CHSCT. Les mandats seraient regroupés en un seul et même mandat. Bien entendu là où subsisteraient quand même des CHSCT, le patronat propose de limiter les doubles procédures d’information/consultation et de rationaliser les recours aux expertises.
Il ne s’agit là que de deux exemples récents de prises de position à l’encontre de l’existence même des CHSCT mais celles-ci se multiplient ces derniers mois sans que certaines organisations syndicales ne s’en inquiètent.
Un outil indispensable
Pourtant, trente ans après sa mise en place dans le secteur privé et trois ans après sa généralisation dans le secteur public, le CHSCT a largement démontré à la fois son utilité dans la défense de la santé et des conditions de travail des salarié-e-s et sa capacité à mettre en cause de manière forte la responsabilité des employeurs dans les atteintes physiques et
psychiques aux travailleurs.
Pour souligner l’utilité et la nécessité de préserver cet outil syndical indispensable, il suffit par exemple, de consulter la note de la DARES
de septembre 2013 relative à la prévention des risques professionnels vue par les médecins du travail. Dans celle-ci l’étude démontre que les
dispositifs formalisés de prévention des risques professionnels sont plus fréquents dans les établissements dans lesquels existe un CHSCT. De plus, la qualité de la prévention des risques physiques, chimiques et biologiques apparaît meilleure en présence des dispositifs de prévention.
Autres exemples, de nombreuses jurisprudences porteuses de progrès pour les salarié-e-s sont issues de l’action des CHSCT, comme par exemple l’arrêt sur le Benchmark ou la construction jurisprudentielle du préjudice d’anxiété sur les expositions à l’amiante. Dans de nombreux cas où des salarié-e-s vont devant les tribunaux pour faire reconnaître leur exposition à des risques professionnels, ceux -ci s’appuient sur les actions des CHSCT.
Ensuite, le CHSCT possède en propre un certain nombre d’outils importants pour l’action syndicale : le droit d’enquête suite à accident du travail, le délit d’entrave, le droit d’alerte ou l’appel à l’expert du CHSCT. L’ensemble de ces outils permet le développement d’une pratique syndicale tournée sur le terrain au plus proche et à l’écoute des salarié-e-s et ces outils de révèlent de puissants moyens d’actions pour
contrecarrer l’exploitation capitaliste des corps et des esprits. Les projets déployés par le patronat et ses officines visent au contraire à éloigner
les représentants syndicaux des travailleurs.
Face aux risques graves pesant sur cette instance, Solidaires invite l’ensemble du mouvement syndical et du mouvement social à se mobiliser pour la sauvegarder et la conforter.