Donner la parole aux salariés, une expérience concrète à l’UT de la DIRECCTE* du Val de Marne

Le contexte :

L’Unité Territoriale de la DIRECCTE du Val de Marne réunit plusieurs services. Outre les services de l’inspection du travail, souvent très syndiqués, s’y trouvent ceux du secteur Emploi qui sont à l’inverse très peu syndiqué, qui subissent de plein fouet un rythme incessant de réformes et servent souvent de variable d’ajustement.

La genèse :

A l’origine, les équipes syndicales de Sud Travail Affaires Sociales effectuaient, comme d’autres, un travail syndical à base d’Ag, d’heures d’informations syndicales, de tournée de services. A ces occasions, en 2009, ces équipes avec celle de la CGT se sont rendu compte d’une multiplication des comportements hiérarchiques inappropriés.
Elles ont donc décidé de demander une expertise sur les Risques Psycho Sociaux via le CHS. Dans la fonction publique d’Etat, le CHS ne choisit pas le cabinet d’expertise, c’est la
direction qui rédige un cahier des charges et ensuite procède à un appel d’offres. Sans surprise, dans le Val de Marne, la direction a proposé au CHS un cahier des charges centré sur les techniques de management et l’adaptation aux changements. Sud TAS et la CGT ont alors décidé de retravailler ce cahier des charges et l’ont présenté aux agents avant un nouveau CHS au cours duquel l’administration a opposé un silence radio.

L’expérimentation :

Rapidement l’objectif de l’intersyndicale fut, pour pouvoir construire une réponse collective face à ce refus d’expertise, de donner la parole et le pouvoir aux agents.
Or, dans la fonction publique, contrairement au privé, il n’existe aucun texte organisant le droit d’expression des salariés, seul existe de devoir de réserve ! En dehors des cadres syndicaux, il est donc impossible pour un agent de s’exprimer.
L’intersyndicale voulait initier des Etats Généraux afin de recueillir des cahiers de doléances et donc réunir sur une journée ou une demi-journée les agents. Mais quel cadre légal utiliser, l’administration refusant que les agents puissent être couverts par une absence syndicale ?
L’intersyndicale Sud CGT a alors eu l’idée de créer une instance intersyndicale : « l’observatoire intersyndical départemental du mal-être au travail », avec pour la faire fonctionner un abondement en droits syndicaux des syndicats y participant. Du coup, s’agissant d’une réunion d’instance intersyndicale départementale, sous réserve des nécessités de service, tous les agents pouvaient y participer en étant « couverts » par des droits syndicaux.

Les résultats :

L’intersyndicale, sous couvert de cet observatoire, a permis aux agents de l’UT du Val de Marne de se réunir et de pouvoir s’exprimer sur leur travail pendant plusieurs journées ou demi-journées. A chaque fois, les syndicats sont restés en retrait afin de laisser les agents s’exprimer et s’approprier cet outil de la manière la plus large possible.
Cela a abouti à la rédaction de cahiers de doléances portant sur les conditions de travail, les moyens matériels, humains, le temps de travail, le fonctionnement des services, le management et le sens du métier.

Plus largement, ce qui est revendiqué par les salariés c’est la réappropriation du travail et un droit de regard sur celui-ci, le plus souvent ils ne peuvent pas le mener jusqu’au bout.

Ces cahiers permettent :
– de mesurer l’absence de décalage entre les doléances et les revendications,
– favorisent la saisine des syndicats par les salariés,
– en renforcent le rôle de porte-parole,
– cassent l’isolement et reconstruisent de la solidarité,
– permettent une expression au plus proche des salariés.
Les agents se sont réorganisés collectivement grâce à cette maturation revendicative.

* Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi