Deux expertises justifiées par la cour de cassation

  • l’une pour risque grave

Dans cette affaire le CHSCT a voté une expertise pour risque grave dans un service confronté à un sous-effectif et où les salarié-es effectuaient un nombre important d’heures supplémentaires. Le CHSCT demandait à l’expert d’analyser la charge de travail, l’adéquation entre les effectifs et la charge de travail, les facteurs de risques psychosociaux induits par la situation. Pour faire valoir le risque grave le CHSCT s’est appuyé sur une précédente expertise datant de 2012, ses multiples alertes ainsi que sur les observations du médecin du travail qui estime les salarié-es exposé-es à un risque d’épuisement.

L’employeur a contesté l’expertise aux motifs que le seul constat d’une surcharge de travail et d’un sous-effectif (qui certes pouvait générer des risques psychosociaux) ne suffisait pas à caractériser un risque identifié et réel dans le service en l’absence d’arrêts de travail et d’un taux d’absentéisme anormal.

La cour d’appel comme la Cour de cassation en ont jugé autrement en s’appuyant sur les éléments suivants :

  • la charge de travail très importante au cours de certaines périodes mentionnée dans le rapport d’expertise de 2012,
  • l‘importance des heures supplémentaires rapportées au nombre de salariés en 2013 et 2014,
  • les propos tenus par le médecin du travail lors de la réunion du CHSCT « le nombre d’heures supplémentaires effectuées expose les salariés à un risque d’épuisement ».
  • l’activité au sein de la direction était soumise à de nombreux projets de réorganisation.

Rappel  pour justifier une expertise le risque grave doit être actuel et identifié, il n’est pas nécessaire qu’il se soit réalisé ou qu’il ait occasionné un accident.

Cass.soc., 25 octobre 2017, n°16-15265

  • l’autre pour projet important

En présence d’une réorganisation portant sur la mise en place de la sous-traitance d’opérations ferroviaires et qui entrainait la suppression de sept postes à la SNCF, le CHSCT a décidé de recourir à une expertise estimant être en présence d’un projet important modifiant les conditions de travail des personnels.

Dans sa délibération le CHSCT demandait au cabinet d’expert « d’analyser les situations de travail actuelles, de déterminer l’existence et la nature des facteurs de risques induits par le projet d’organisation et d’apporter l’aide nécessaire au CHSCT pour lui permettre de faire des propositions dans le domaine de la prévention des risques, professionnels et de l’amélioration des conditions de travail ».

L’employeur a contesté le recours à l’expertise jugeant cette dernière inutile « puisqu’un dispositif d’accompagnement des personnels dont le poste a été supprimé est prévu et qu’ainsi, les articles L. 4612-2 (analyse des risques professionnels) et L. 4612-5 (recours à l’enquête) du code du travail donnent au CHSCT des outils pour lui permettre de faire des propositions dans le domaine de la prévention des risques professionnels et de l’amélioration des conditions de travail »;

Les juges de la cour de cassation ont donné gain de cause au CHSCT pour deux motifs :

-la contestation de l’employeur ne peut concerner que le point de savoir si le projet litigieux est un projet important modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail ; peu importe donc le dispositif d’accompagnement prévu par l’employeur ;

– la décision de suppression d’un site avec nécessité d’organiser la reconversion de 7 salariés constituait un projet important modifiant les conditions de travail des dits salariés.

Cass.soc., 25 octobre 2017, n°16-12084