De nouvelles condamnations d’employeurs pour faute inexcusable

1- Le tribunal des affaires de Sécurité Sociale des Yvelines dans une décision du 27 juin 2013 vient d’affirmer une nouvelle fois que le décès d’un salarié était dû à la faute inexcusable de l’entreprise.

La faute inexcusable de l’entreprise Renault est donc reconnue pour la troisième fois, qui plus est pour un suicide survenu au domicile du salarié.

Le TASS a rappelé et cité un arrêt de la chambre civile de la Cour de cassation selon lequel « un employeur ne peut ignorer ou s’affranchir des données médicales afférentes au stress au travail et ses conséquences parfois dramatiques pour les salariés qui en sont victimes ». (Cass. 2ème civ., 8 novembre 2012, n°11-23.855. Le jugement indique par ailleurs « l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur ne peut qu’être générale et en conséquence ne peut exclure le cas, non exceptionnel, d’une réaction à la pression ressentie par le salarié ».

En attente, la décision de la Cour de cassation sur un autre suicide intervenu en janvier 2007

2- Le tribunal des affaires de Sécurité Sociale d’Orléans dans une décision du 27 août 2013 vient de condamner l’entreprise EDF en tant qu’employeur pour faute inexcusable après le décès d’un de ses salariés des suites d’un cancer broncho-pulmonaire.

Le salarié avait été exposé à des rayons ionisants pendant 30 ans, l’origine professionnelle (tableau 6 des maladies professionnelles) du cancer avait été reconnue par la caisse primaire d’assurance maladie après le décès du salarié. Concernant sa responsabilité, l’entreprise EDF faisait valoir qu’elle avait toujours respecté la réglementation, notamment la limitation des doses d’exposition aux rayonnements et que par ailleurs le salarié fumait.

Sur la responsabilité, les juges ont reconnu que l’entreprise avait bien pris les mesures de prévention que lui impose la réglementation mais que ces procédures ne font que limiter le risque sans l’exclure. Les éléments (documentation scientifique) apportés par l’entreprise n’ont pas démontré « qu’une exposition à de faibles taux de rayonnement ne pouvait concourir à engendrer la survenance d’un cancer broncho pulmonaire ».

Pour les juges « même si assurément le tabagisme est un des facteurs concourant incontestablement à la même maladie, il n’exclut nullement au contraire le facteur résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants, les facteurs se cumulant et augmentant les risques ».

Enfin les juges estiment« qu’il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié mais il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage et la faute de la victime n’a pas pour effet d’exonérer l’employeur de la responsabilité qu’il encourt en raison de sa faute inexcusable ».

TASS Orléans, 27 août 2013, n°0123/2012

Cette décision est à rapprocher de celles déjà prises au regard de l’obligation de sécurité de résultat en matière d’amiante

Ce jugement est important pour les salariés, car même si l’employeur a mis en place un dispositif de prévention, en cas de maladie professionnelle la faute inexcusable à l’encontre d’un employeur peut être retenue.

Un projet de décret en préparation prévoit d’obliger les entreprises condamnées pour faute inexcusable à assumer les conséquences financières d’une majoration de rente ou de capital. Les sommes recouvrées par les caisses de Sécurité Sociale le seraient sous forme de capital et non plus de cotisations supplémentaires. Inutile de préciser que les représentants des employeurs de la commission des AT/MP ont à l’unanimité voté contre ce texte.

3 -Un suicide au domicile du salarié reconnu comme accident du travail

Le tribunal des affaires de Sécurité Sociale des Hauts de Seine a reconnu le 18 juin 2013 le suicide d’un salarié à son domicile comme accident du travail.

La caisse primaire d’assurance maladie avait refusé de reconnaître le suicide au titre des accidents du travail en 2010, tout comme la commission de recours amiable qui faisait valoir que l’accident étant survenu « hors du temps et du lieu de travail, ses ayants droit ne bénéficient pas de la présomption d’imputabilité », de plus le médecin conseil a émis un avis défavorable estimant que les éléments mis en avant par la famille n’étaient pas probants.
Il est à noter dans cette affaire le comportement des responsables de l’entreprise qui ont tardé à annoncer que le décès était un suicide, ont refusé de faire une enquête et n’ont fait de déclaration d’accident que sur la demande expresse de l’inspection du travail plusieurs mois après les faits. De plus ils ont expliqué au CHSCT qu’il était trop tard pour connaître les conditions de travail du salarié qu’une enquête créerait un traumatisme chez les salariés et ont donc tout mis en œuvre pour éviter l’enquête du CHSCT alors que la famille avait produit des documents faisant état d’un état de stress important.
Le TASS a conclu que le salarié était dans une situation de stress du au travail depuis plusieurs mois en raison de changements importants dans l’organisation du travail (fusion d’entreprise, plan de sauvegarde de l’emploi…).