Autopsie d’un audit socio-organisationnel

L’Office National des Forêts est un EPIC (Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial, ou encore opérateur de l’Etat, ou encore Agence de l’Etat selon les rapports) créé en 1965 sur les bases de l’ancienne administration des eaux et forêts, chargé entre-autre de la gestion des forêts publiques. L’ONF est en majorité composé de personnels fonctionnaires.
Depuis plusieurs années, une succession de réformes et la mise en place d’une RGPP avant l’heure ont mis les salariés de l’établissement en situation de mal-être.

1- Initiative et lancement

Nous avions réussi à obtenir un premier audit, social uniquement, en 2005. Cette enquête, commandée par la direction avait été réalisée par l’institut IPSOS. Face aux résultats catastrophiques, l’administration de l’époque avait fait traîner le plan d’action proposé, sensé résoudre les soucis. La rupture du dialogue social intervenue peu après avait fini d’enterrer ce plan d’action unilatéral et non négocié. A l’époque, les syndicats s’étaient relativement peu investis dans le pilotage de l’audit.

Le 30 septembre 2010, à l’occasion de discussions suite à plusieurs suicides de salariés de l’ONF, les représentants du personnel au Comité Central Hygiène et Sécurité proposent et votent unanimement une motion. Cette motion demande entre-autre la réalisation d’une expertise socio-organisationnelle nationale par un cabinet externe. Nous souhaitions aller plus loin qu’un simple état des lieux social, en faisant étudier aussi le fonctionnement et l’organisation de tout l’établissement, par un cabinet externe pour avoir la vue la plus objective possible.

Lors du CCHS du 11 janvier 2011, face à l’incertitude de la direction, les représentants du SNUPFEN-Solidaires proposent une nouvelle motion précisant le mode opératoire :

« Le SNUPFEN-Solidaires s’inscrit dans la nécessité d’organiser un audit socio organisationnel pour les raisons suivantes :
a) Constat …b) Conséquences …
C’est pourquoi nous demandons :
– La création d’un comité de pilotage qui sera composé de représentants des personnels et de l’administration, d’assistants sociaux et médecins du travail ainsi que d’experts.
– Un cahier des charges qui se fera avec l’appui d’un consultant externe
– Le choix du prestataire après appel d’offre sera validé par le comité de pilotage
– La mise en place d’un échéancier
– L’analyse des résultats précédera la définition des axes de travail
– Les réflexions sur les thèmes dégagés se feront en partenariat avec le prestataire et en concertation avec les instances compétentes
– Le suivi des décisions prises et des mesures mises en place sera fait par le comité de pilotage qui deviendra alors un comité de suivi. »

Le comité de pilotage (COPIL) est effectivement mis en place dans la foulée, composé en majorité de représentants syndicaux (dont peu, en réalité, ont su et ont voulu s’investir efficacement). Sa première phase de réunions porte sur son mode de fonctionnement, son périmètre et la réalisation du cahier des charges pour la consultation des entreprises à lancer. Dès ce moment, un cabinet a été engagé par la direction pour appuyer le comité dans la réalisation de ce cahier des charges. Plusieurs projets font l’aller et retour entre le comité de pilotage, le CCHS et le Comité Central technique Paritaire qui valide ou non les propositions.

Le 12 septembre 2011, 16 entreprises ont soumissionné au marché (14 retenues). Le choix du consultant se fait à l’aide du barème réalisé en COPIL et discussion interne à ce Comité. Dès que cette liste nous a été communiquée, nous avons tenté de rechercher les références de chacune, pour affiner notre position dans les discussions du COPIL. C’est finalement le cabinet CAPITAL SANTE qui est choisi, et ce choix nous paraît le « moins pire ».

2- Déroulement et résultats de l’ASO

Le COPIL s’attache alors à suivre les travaux de CAPITAL SANTE. Rapidement, il apparaît que ce cabinet discute souvent en amont avec la direction en bilatérale. Les travaux semblent néanmoins avancer dans le bon sens et une première phase de questionnaires dite « quantitative » est déployée entre le 3 et le 27 janvier 2012 auprès de tous les personnels. La phase « qualitative » d’entretiens et d’observation se déroule entre le 28 février et le 13 avril 2012.

Les résultats de la première partie nous sont communiqués, oralement uniquement, lors du CTC du 3 mai 2012 et lors du CHSCT du 15 mai suivant. Ces résultats sont évidemment catastrophiques, comme en 2005. Malgré nos demandes le cabinet et la direction refusent de nous les communiquer par écrit. Une présentation globale est donnée, intégrant les résultats de la 2ème phase, lors du CCHSCT du 5 juillet 2012, puis au CTC et au Conseil d’administration.

Dès cette restitution nous soupçonnons un manque de transparence, puisqu’avec ces résultats, CAPITAL SANTE fourni une liste de chantiers prioritaires. Dans le même temps la direction nous soumet ses propres axes de travail identiques à ceux du cabinet. Nous ne pouvons que cautionner les résultats objectifs de l’audit, mais nous annonçons ne pas accepter la moindre proposition qui ne ferait pas suite à une analyse commune syndicats/direction. Il nous est également impossible d’en avoir une version écrite, que nous n’aurons finalement que courant juillet, en pleines vacances.

3- Et finalement

Depuis cet été, le COPIL a été dissout pour être remplacé par un comité de suivi. La direction de l’ONF n’est pas revenue sur l’analyse et le choix de pistes de travail, qui, au miracle, s’inscrivent parfaitement dans le contrat de plan signé entre l’ONF et l’état pour la période 2011-2016.

Ce comité comprend beaucoup plus de membre de l’administration que durant le COPIL et il est évident que les syndicats n’y ont plus de force de proposition, mais n’y sont présent que pour cautionner les travaux.

Quant à la restitution auprès de personnels, elle est déployée unilatéralement par la direction dans tous les territoires par ceux-là même dénoncés par l’ensemble de salariés dans l’enquête, ce qui la décrédibilise fortement.

Un nouveau bras de fer est donc en cours à ce jour, et il est clair que cet Audit, que nous avons cru pouvoir contrôler au début, nous a peu à peu échappé, avec la complicité de CAPITAL SANTE qui assiste encore la direction en ce moment. Cette expérience souligne la nécessité pour les équipes syndicales d’avoir la maîtrise des expertises via les institutions représentatives du personnel, comme le CHSCT.