Au ministère du travail, on se tue au travail !

Les agents en grève le 7 février 2012 ont remis leurs cahiers de doléance.
De nouveau en grève le 15 mars 2012, les agents continuent la mobilisation.

Romain Lecoustre s’est pendu le 18 janvier 2012. Il avait fait une première tentative de suicide en juillet 2011. Depuis, il se battait pour faire reconnaître sa tentative de suicide comme accident de service (équivalent de l’accident de travail dans la fonction publique). Il estimait, en effet, que son geste trouvait ses causes dans ses conditions de travail : pression de la hiérarchie pour faire du chiffre, manque de moyens.

Le 4 mai 2011, Luc Béal-Rainaldy, 52 ans, inspecteur du travail et militant du SNU-TEFF-FSU s’était suicidé dans les locaux de l’administration centrale (DAGEMO), quai de Javel à paris. L’administration n’a toujours pas reconnu ce suicide comme accident de service.

Mobilisation le 7 février suite au suicide d’un collègue à l’inspection du travail

Suite au suicide de leur collègue Romain Lecoustre, inspecteur du travail de 32 ans et militant syndical Sud-Travail, les agents du ministère du travail ont manifesté leur émotion et leur colère le 7 février 2012, jour où se tenait un CHSCT ministériel. L’ordre du jour de ce CHSCT portait sur le suicide de Romain Lecoustre et la « présentation » du rapport de la commission d’enquête du CHS sur le suicide, en 2011, de Luc Béal-Rainaldy, inspecteur du travail.
600 agents ont manifesté à Paris face à la direction du travail, quai de Javel. L’administration a fait venir les CRS (!). La presse était présente.

D’autres rassemblements ont eu lieu dans toute la France, 200 personnes à Lyon, 150 à Marseille, 60 à Rennes, 50 personnes à Montpellier, 40 à Toulouse… Selon le ministère, il y avait 25% de grévistes.

Les agents obligent leur direction nationale à les recevoir

Ce 7 février, les agents ont demandé à être reçus par les représentants de leur administration centrale, dont Joël BLONDEL, Dagemo (Directeur de l’administration générale et de la modernisation des services, équivalent du Directeur des ressources humaines du ministère du travail) qui présidait le CHSCT ministériel. Ceux-ci, devant la mobilisation et la détermination des agents ont fini par accepter.

Ces échanges directs entre les agents et les quatre représentants du ministère siégeant au CHSCTM dont Monsieur BLONDEL ont été très houleux. Mais les agents ont ainsi pu exprimer leur colère et leur dégoût à la direction, et ont dans le même temps pu apprécier la vacuité des réponses apportées à leurs questions.

Un exemple des « réponses » apportées : Monsieur BLONDEL a reconnu l’existence d’une note qui prévoit le retrait d’1/30e de salaire (un jour de salaire) pour les agents qui boycotteraient les remontées statistiques !

Les cahiers de doléances de juin 2011 remis le 7 février

Ce 7 février les agents ont également remis à Joël BLONDEL, les cahiers de doléances qu’ils avaient consignés lors de journées organisées en juin 2011 par les syndicats, dont SUD Travail, suite au suicide de leur collègue Luc Béal-Rainaldy.

Suite à cet évènement tragique, les organisations syndicales avaient demandé à l’administration l’organisation de réunions hors hiérarchie pour permettre aux agents de s’exprimer librement. Devant l’inertie de l’administration, les organisations syndicales ont alors organisé, en juin 2011, ces demi-journées de discussion entre les agents, hors hiérarchie.

Il s’agissait de permettre aux agents de se retrouver, d’échanger en toute liberté et de s’exprimer sur cet évènement mais aussi sur la souffrance qu’ils pouvaient éprouver dans l’exercice de leur travail…Les agents ont massivement participé à ces rencontres. Leur expression a été recueillie dans des cahiers de doléances.

De ces cahiers de doléances, il ressort que les agents n’en peuvent plus : Pression de la hiérarchie, pression du chiffre, management par objectifs chiffrés, manque de reconnaissance professionnelle, perte de sens dans le travail qu’ils effectuent, stress généré par la difficulté à répondre aux demandes des usagers du service public, souffrance générée par une hiérarchie sourde à leurs malaise et ignorante de la réalité du travail… Le manque d’effectif, le stress généré par les entretiens professionnels (entretien individuel d’évaluation basé sur des objectifs chiffrés) sont pointés du doigt.

De nouvelles mobilisations ont eu lieu depuis la rentrée, autour de ces cahiers de doléances, afin de les remettre aux directions régionales et demander des comptes à l’administration.
Ainsi, en Ile-de-france, près de 300 agents se sont massivement mobilisés le 2 février pour remettre les cahiers de doléances franciliens à leur directeur régional, Laurent VILBOEUF et l’ont interpellé directement pour lui faire part des problèmes qu’ils rencontraient et lui demander de prendre des mesures immédiates sur leurs conditions de travail (arrêt des entretiens professionnels, refus de la prime de fonction et de résultat, des effectifs notamment d’agents de catégorie C, des moyens pour travailler …)

La mobilisation continue en mars

Les agents restent mobilisés. Une nouvelle journée de grève est organisée le 15 mars 2012 à l’appel de l’intersyndicale SUD Travail – CGT – SNUTEFF FSU – FO.
Les revendications sont les mêmes que le 7 février :
– la reconnaissance immédiate en accident de service du suicide de Romain Lecoustre et de celui de Luc Beal Rainaldy
– l’abandon immédiat de tous les objectifs chiffrés
– l’arrêt des suppressions d’emplois et de missions de service public
– le retrait de la note sur la ligne hiérarchique (note visant à renforcer le flicage dans les sections d’inspection du travail)
– l’arrêt de la dévalorisation et la déstabilisation des agents comme mode de relations hiérarchiques.

En outre, l’intersyndicale appelle les agents :
– à se retirer du processus d’évaluation individuelle (les entretiens professionnels) qui est un outil visant à faire exploser les collectifs et à individualiser la pression sur chaque agent
– à cesser les remontées chiffrées (sur lesquels sont basés les objectifs chiffrés assignés à chaque agent).

Le 15 mars est prévue une nouvelle montée nationale à Paris (Assemblée Générale à partir de 10h30 à la Salle Eugène Henaff à La Bourse du travail à Paris et Manifestation à 14h00 depuis Montparnasse jusqu’au ministère (rue de Grenelle) où il sera demandé qu’une délégation soit reçue par le ministre.

La lutte continue …

Ces cahiers de doléances sont consultables sur http://doleances.libremail.net.
SUD travail a consacré son bulletin à destination des agents du mois de février à la souffrance au travail dans les services.
Vous pouvez consulter le TVM 58 ici.