Commençons par les bonnes nouvelles avec le verdict historique pour les victimes de l’amiante du procès de Turin en Italie.
Le 13 février, le tribunal de Turin a condamné à 16 ans de prison Stephan Schmidheiny, ex-propriétaire du groupe Eternit et le baron belge Jean-Louis de Cartier de Marchienne, ancien actionnaire d’Eternit Italie. Une peine de vingt ans de prison avait été requise contre eux par le procureur. Ils ont en outre été condamnés à verser plusieurs dizaine de millions d’euros aux parties civiles qui représentaient environ 6000 victimes. Les deux hommes étaient absents au procès et feront appel.
Par ce jugement sans précédent, le tribunal de Turin a reconnu leur responsabilité dans la mort de plusieurs milliers de personnes en Italie, anciens ouvriers ou habitants vivant à proximité de plusieurs usines d’Eternit-Italie, à Casale Monferrato, Cavagnolo, Rubiera ou Bagnoli. Dans son réquisitoire, en juillet, le procureur de Turin avait évoqué « une tragédie qui s’est déroulée sous une unique responsabilité en Italie et ailleurs, sans qu’aucun tribunal n’ait jamais appelé les responsables à répondre de leurs actes ». C’est aujourd’hui, enfin, chose faite et cela fait suite à une première condamnation en novembre 2011 en Belgique de la même société!
Malheureusement en France, l’instruction du dossier de l’amiante reste elle toujours enlisée au pôle santé de la justice faute que l’état lui donne les moyens de mener à bien ce dossier. Cela fait environ quinze ans. Pour l’heure, malgré les nombres élevés de victimes et de condamnations pour faute inexcusable, aucun procès pénal n’est encore à l’ordre du jour.
Pire, le 16 décembre 2011, la juge d’instruction qui était en charge depuis sept ans de l’enquête sur la mort d’anciens salariés du groupe Eternit a été dessaisie du dossier. La chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris a dessaisi la juge Marie Odile Bertella-Geffroy en décembre sans motiver sa décision et il aura fallu plusieurs semaines avant que cette décision ne devienne publique. Le même jour elle avait également annulé six mises en examen de plusieurs dirigeants, levant en particulier celle de Joseph Cuvelier qui dirigea le premier groupe d’amiante-ciment de 1971 à 1994. Il avait été mis en examen en novembre 2009 pour « homicides et blessures involontaires ». Mme Bertella-Geffroy a été dessaisie de l’ensemble de l’enquête qui concerne cinq usines d’Eternit. La cour d’appel de Paris a annulé, sur des détails de procédure, les mises en examen, de plusieurs hauts responsables d’Eternit, dont celle de son dirigeant historique Joseph Cuvelier, et transféré le dossier Eternit à deux nouveaux magistrats. Cette décision a été suivie de nouvelles mises en examen, prononcées le 9 janvier 2011, visant cette fois-ci quatre des principaux acteurs de la structure de lobbying mise en place par Eternit et les autres industriels de l’amiante : le Comité Permanent Amiante.
On estime que l’amiante tue aujourd’hui 100 000 personnes par an dans le monde. En France l’amiante est jugée responsable de 10% à 20% des cancers du poumon et devrait être responsable d’au moins 100 000 morts d’ici 2025. Son caractère cancérigène est connu depuis les années 1950, mais son interdiction ne date que de 1997. Elle reste présente dans de très nombreux bâtiments publics comme privé.
Si l’Union syndicale Solidaires se félicite de la décision de la justice italienne, elle s’inquiète et exige qu’en France aussi, enfin, les responsables de cet enfer pour des milliers de salariés passent en procès. Elle exige aussi que les textes soient enfin appliqués, trop de salariés sont encore aujourd’hui exposés à l’amiante sans même en être informé. L’Union syndicale Solidaires mettra dans les semaines qui viennent à disposition de tous les travailleurs des outils pour se défendre sur ce sujet.