Dans cette affaire une entreprise met en place un projet de réorganisation dont le but était d’harmoniser et de simplifier le processus de gestion informatique en développant notamment de nouveaux outils informatiques entre les différentes entités fusionnées. La réorganisation incluait un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) avec 71 suppressions d’emplois, PSE qui avait fait l’objet d’un accord collectif majoritaire validé par la Direccte et non contesté.
Compte tenu de l’existence de risques psychosociaux liés à cette réorganisation le CHSCT avait saisi le TGI en référé afin d’obtenir la suspension du projet. A l’appui de sa démarche le CHSCT avait mis en avant plusieurs faits : 7 arrêts de travail pour burn out, un droit de retrait effectué par 18 salariés refusant d’utiliser le nouveau logiciel, un droit d’alerte du secrétaire du CHSCT ainsi qu’un courrier de l’inspection du travail constatant l’existence de RPS au sein de l’unité. De même le rapport de l’expert agréé chargé d’évaluer les impacts sur la santé, la sécurité et les conditions de travail concluait « à une situation alarmante » était parvenu à cette même conclusion.
Dans un premier temps le juge des référés avait rejeté la demande du CHSCT en se basant sur le fait que les litiges liés au PSE relèvent du juge administratif (article L1235-7-1 du code du travail).
La cour d’appel a quant à elle jugé que l’article susvisé ne prive pas le juge judiciaire de connaitre d’un manquement de l’employeur à « son obligation générale de sécurité commis à l’occasion de l’établissement et de mise en œuvre du plan et résultant notamment d’une insuffisante prise en compte des risques psychosociaux induits par le projet de restructuration ». Elle affirme même qu’il n’appartient pas à l’autorité administrative de contrôler les conséquences du plan de sauvegarde de l’emploi sur la santé et la sécurité des salarié-es.
Enfin elle reconnait à l’appui de tous les éléments fournis que l’employeur n’a pas respecté son obligation de sécurité de résultat « qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés ».
En conséquence « au regard des éléments persistants de risques psychosociaux » les juges interdisent à la société de déployer les outils informatiques du projet dans d’autres régions.
10 ans après l’arrêt « SNECMA » où la cour de cassation avait, pour la première fois suspendu un projet de réorganisation des conditions de travail pour des raisons de sécurité, ce jugement confirme qu’une réorganisation peut être interrompue « afin de prévenir tout dommage imminent sur la santé des salariés ».