Un suicide reconnu imputable au travail

Le tribunal des affaires de Sécurité sociale de Saint Brieuc a reconnu le suicide d’un salarié imputable au travail. Le salarié qui travaillait comme chauffeur-livreur dans l’entreprise de nutrition animale Nutréa-Triskalia, s’est  suicidé sur son lieu de travail en laissant un message.


La Mutualité sociale agricole (MSA) estimant que le salarié souffrait d’une affection chronique avait alors refusé de faire un lien avec le travail ;  en outre l’expertise réalisée ultérieurement par un médecin avait conclu qu’il n’y avait pas un lien unique et certain avec le travail.
Les juges ont rappelé les textes: pour reconnaître le caractère professionnel d’un accident, il n’est pas exigé que l’accident soit causé exclusivement par la situation de travail et que pour écarter la présomption d’imputabilité de l’accident au travail, la caisse devait démontrer que le décès avait une cause totalement étrangère au travail ou que son acte était une faute intentionnelle de sa part au sens de l’article 453-1 du code de la sécurité sociale.
Les éléments du dossier et notamment le contexte professionnel particulièrement préoccupant du salarié ont convaincu les juges d’un lien avec le travail :
– le salarié avait été victime d’un accident du travail en début d’année 2014 (3 mois auparavant) alors qu’il déchargeait des éléments médicamenteux pour porcelets ; cette manipulation lui avait provoqué des brûlures au visage et aux yeux. Alors que le certificat médical du centre hospitalier faisait état d’une « conjonctivite allergique réactionnelle aux produits manipulés en temps et lieu de travail », l’employeur déclarait l’accident pour « poussière dans l’œil dû au courant d’air ». Cette intoxication avait eu des répercussions sur son état de santé et le salarié craignait de ne plus pouvoir conduire et donc d’effectuer son travail..
– dans son rapport, l’inspecteur du travail a signalé l’absence de protection sur le lieu de travail (il n’y avait pas de système d’aspiration des poussières contrairement à la réglementation), et qu’en conséquence le salarié a pu être exposé à des poussières de produits médicamenteux. L’inspecteur du travail avait transmis au procureur de la République un procès verbal relevant les infractions constatées notamment en matière de durée du travail.

Ce jugement en faveur de la famille de la victime vient s’ajouter à d’autres décisions concernant cette entreprise où plusieurs autres salariés ont été intoxiqués par des pesticides, deux d’entre eux ont déjà obtenu la condamnation de l’entreprise pour faute inexcusable.

Jugement du TASS de Saint Brieuc le 3 septembre 2015