Un salarié obtient la reconnaissance de sa maladie en maladie professionnelle après 3 avis négatifs

Dans cette affaire un salarié travaillant dans un organisme agricole d’approvisionnement a été amené à manutentionner, livrer et manipuler des sacs et des bidons de produits phytosanitaires, insecticides, pesticides engrais ….Il a également participé à des essais de ces produits en plein champ.

En 2002 suite au diagnostic d’un cancer (lymphome non hodgkinien) l’intéressé déposait auprès de la MSA une première déclaration de maladie professionnelle appuyé d’un certificat de son médecin traitant. La MSA ne répondant pas il dépose 6 mois plus tard une seconde déclaration de maladie professionnelle en joignant  un certificat provenant d’un médecin spécialiste. La MSA lui notifie un refus en novembre 2004.

Le salarié conteste cette décision devant le tribunal des affaires de sécurité sociale qui ordonne une expertise médicale mais aucun expert n’était spécialiste des lymphomes. Il obtient enfin de pouvoir rencontrer un expert international des lymphomes qui dans son rapport conclut que « le lymphome peut être reconnu comme une maladie professionnelle »

Le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) saisi par la MSA rend un avis défavorable en septembre 2008 en s’appuyant sur la littérature concernant les lymphomes.

La commission de recours amiable saisie par l’intéressé a elle aussi rendu un avis négatif en prenant appui sur celui de CRRMP.

IL décide alors de se faire assister par un cabinet d’avocats, spécialiste de ces procédures. Le TASS de nouveau saisi estime nécessaire de recueillir l’avis d’un autre CRRMP qui rend de nouveau un avis défavorable en août 2011 ! Un des membres du CRRMP étant spécialiste du dos, l’intéressé a contesté cet avis et le TASS a désigné un troisième CRRMP qui donnera lui aussi un avis défavorable.

Le TASS de nouveau saisi a rendu un avis favorable en mettant en avant plusieurs éléments :

  • le tribunal n’est pas tenu par l’avis du CRRMP
  • l’évolution des connaissances scientifiques depuis plusieurs années, la surveillance médicale mise en place, les alertes données …

Le tribunal a reconnu « le caractère dangereux de certains produits phytosanitaires sur la santé, et sur celle des agriculteurs en particulier » et que le lymphome dont était atteint le salarié était « la conséquence de son exposition professionnelle aux produits sanitaires qu’il a utilisés »

Jamais une telle décision n’a été prise après 3 avis négatifs du CRRMP. C’est un vrai parcours de combattant qu’a mené le salarié dont il faut souligner la ténacité et l’énergie sans oublier le travail effectué par les médecins spécialistes et le cabinet d’avocats qui l’ont défendu durant toutes ces années de procédure.

En juin 2013 l’INSERM (institut national de la santé et de la recherche médicale) a présenté devant l’assemblée nationale une expertise collective sur l’impact des pesticides sur la santé. Le rapport met en avant que la population agricole amenée à manipuler massivement de nombreuses substances chimiques était la principale touchée et qu’il existait de fortes corrélations entre l’exposition aux pesticides et le développement de maladies comme la maladie de Parkinson (reconnue maladie professionnelle en 2013), les lymphomes non hodgkiniens, le cancer de la prostate …Il montre également que des molécules chimiques pouvaient être impliquées dans plusieurs autres maladies, que les procédures d’homologation souvent réalisées à partir de substances évaluées individuellement, produit par produit alors que dans les faits les produits sont des combinaisons de poisons (on parle aussi de l’effet cocktail » dont il faudrait tenir compte .

En s’appuyant sur l’état des lieux de la recherche, ses insuffisances et ses lacunes, le rapport tire la sonnette d’alarme sur « les besoins de recherche à la fois en épidémiologie et en toxicologie ». Il recommande la mise en place d’un recueil des données d’usage des pesticides afin d’améliorer les connaissances sur les pratiques des agriculteurs notamment, la mise à disposition des scientifiques de la composition exacte des produits chimiques en créant une base de données de la composition des produits mis en vente.