Un été meurtrier pour nos droits

Faute d’une mobilisation sociale suffisante de nombreux textes de lois s’attaquant à nos droits collectifs ont été adopté cet été à l’initiative du gouvernement avec des implications non négligeables. Parmi ceux-ci la loi renseignement et le renforcement de la surveillance et du contrôle des citoyen-nes, la loi Macron, qui facilite le travail nocturne et du dimanche, déréglemente des professions et secteurs et  la loi sur le dialogue social, portée par l’ex-ministre de l’emploi que nous avions dénoncé, notamment sur la réunion des instances de représentation du personnel, ou la suppression ou la simplification de quelques avancées passées (cv anonyme, données sexuées salariales, compte pénibilité…). Loin de s’arrêter à cela, le premier ministre a affirmé dans ses dernières déclarations que son gouvernement continuera sur cette lancée avec sur la question de l’emploi la poursuite de la déréglementation. Quelques rapports vont sortir en septembre pour servir de points d’appui à ces attaques déjà initiées par le livre de Badinter et Lyon-Caen et venant conforter l’attaque massive sur la hiérarchie des normes (Combrexelle) ou adapter le travail à l’ère numérique (Mettling).

 

Loi Rebsamen, des reculs majeurs pour les CHSCT :

 

La loi relative au dialogue social est désormais promulguée ( JO du 18 août) et le moins qu’on puisse dire est que nos craintes étaient bien fondées car elle revoit totalement la structure de la représentation du personnel dans les entreprises de moins de 300 salariés en intégrant désormais le CHSCT dans la délégation unique du personnel (DUP).

 

Une des principales évolutions de ce texte est donc la mise en place d’une délégation unique du personnel, la DUP, élargie au CHSCT. L’article 13 du projet de loi prévoit à la fois de relever, de 199 à 299, l’effectif maximum pour mettre en place une DUP et d’y intégrer le CHSCT. Ce sont plus de 3 000 entreprises supplémentaires qui vont basculer dans la DUP concernant plus de 600 000 salariés-es.

Une fusion-acquisition :

La loi ne prévoit pas une fusion mais un regroupement des trois instances. Il est ainsi indiqué que « les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT conservent l’ensemble de leurs attributions ». Mais c’est l’employeur seul qui  pourra décider de mettre en place la DUP après consultation des délégués du personnel et, s’ils existent, du comité d’entreprise ainsi que du CHSCT.  C’est donc une décision unilatérale pour les patrons qui pourra être prise lors de la mise en place ou du renouvellement de l’une de ces trois instances. Si une entreprise est composée d’établissements distincts, une DUP sera mise en place pour chaque établissement.

Jeu de DUP :

Le texte précise que CE, DP et CHSCT conserveront leurs règles de fonctionnement respectives mais avec de nombreux aménagements. Important, le rythme des réunions de la DUP sera désormais bimestrielle et plus mensuel, c’est-à-dire tous les deux mois.  Parait-il pour « simplifier » le dialogue social mais dans les faits c’est surtout pour le réduire.  Pour faire mine de préserver les quatre réunions obligatoires du CHSCT, au moins quatre des six réunions obligatoires de la DUP devront porter en tout ou partie sur des sujets relevant des attributions du CHSCT. Tout est dans le « ou partie »… Toujours dans le maquillage et les apparences, si le secrétaire de la DUP assumera la fonction de secrétaire du CE, il y aura un secrétaire adjoint de la DUP qui exercera les fonctions dévolues au secrétaire du CHSCT.  Par contre l’ordre du jour ne sera communiqué aux « représentants ayant qualité pour siéger » que 8 jours au moins avant la séance au lieu des 15 jours prévus dans le fonctionnement normal du CHSCT. On peut faire le lien avec aussi la suppression du délit d’entrave contenue dans la loi Macron.

Silence dans les rangs :

Lorsqu’un point inscrit à l’ordre du jour de la DUP concernera à la fois les attributions exercées au titre du CE et du CHSCT, par exemple une réorganisation ou un projet important, l’employeur pourra recueillir un avis unique et, si une expertise est  décidée, elle sera également commune aux deux institutions et l’avis devra être rendu dans les délais applicables au comité d’entreprise. Il s’agit là d’un recul majeur.

En attente des décrets :

Si la loi est entrée en application le 19 août, il manque encore des décrets importants qui devront préciser le nombre de représentants à élire, les conditions de désignation du secrétaire et du secrétaire adjoint, le nombre et les conditions d’utilisation du crédit d’heures et les conditions de l’expertise commune. Encore de belles possibilités de réduire les droits des représentant-es des salarié-es.

Des IRP façon puzzle:

À partir de 300 salariés, la loi Rebsamen permet, par accord collectif majoritaire,  un regroupement partiel ou total des IRP. Cela concerne environ 7 000 entreprises couvrant 7 millions de salarié-es. Ce regroupement sera à la carte, cela pourra être celui de toutes les instances comme dans la DUP, ou celui de 2 instances (CE et DP, CE et CHSCT, CHSCT et DP). Dans les entreprises ayant des établissements distincts, il pourra y avoir des regroupements différents dans ceux-ci et il pourra même y avoir un accord au niveau d’un seul établissement.  Avec Rebsamen, on disperse, on ventile et au final la situation des IRP devient illisible.

Tout ceci ne fait que renforcer l’urgente nécessité des États généraux de la santé des travailleuses et travailleurs que nous préparons début 2016 !