Alors même que le travail est l’une des préoccupations premières des salarié-es (les conditions dans lesquelles il s’effectue, son organisation et ses conséquences pour la santé des travailleurs et travailleuses), cette thématique est restée en dehors des moments de campagne politique récents. Pire, ce sujet n’a été quasiment pas été abordé dans la conférence sociale de juillet et la conférence environnementale de septembre. Trente ans après les lois Auroux, c’est pourtant urgent.
Démocratie et droits nouveaux pour les salariés dans les entreprises et les fonctions publiques
Ce qui est considéré comme juste et démocratique dans la société (élection des « dirigeants », possibilité de donner la parole au peuple, conseils de quartiers etc.) cesse de l’être dans l’entreprise ou dans les fonctions publiques où la règle est « le lien de subordination à l’employeur ».
L’idée de la nécessité d’une extension de la citoyenneté à la sphère de l’entreprise : « citoyens dans la cité, les travailleurs doivent l’être aussi dans leur entreprise » n’est pas nouvelle et les dispositions qui concernent le droit d’expression dans le code du travail datent de 1982. « Les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail…»
Ce droit est très peu appliqué et nécessite de nouvelles négociations dans les entreprises ou il doit s’exercer au plus près du terrain et de manière spécifique pour chaque caté- gorie de personnel confrontée aux politiques managériales. Ce droit est à l’opposé des méthodes « Toyota » et relayées par le capitalisme anglo-saxon (Lean management, Kaisen, etc.). Sous couvert de discours participatifs il s’agit en effet, de méthodes de domination des salariés.
Redonner du pouvoir d’agir pour les salariés nécessite de recréer des espaces d’expressions et de délibérations sur le travail. Le droit d’expression des salariés qui doit « définir les actions à mettre en œuvre pour améliorer leurs conditions de travail, l’organisation de l’activité et la qualité de la production dans l’unité de travail » est un droit fondamental a remettre à sa vraie place, un droit à améliorer et à développer.
Le CHSCT : une instance à renforcer avec des droits supplémentaires et un pouvoir réel
L’Union Syndicale Solidaires exige un renforcement des droits et des pouvoirs des CHSCT et notamment :
• Le droit d’alerte du CHSCT, étendu aux risques liés à l’organisation et l’intensification du travail ainsi qu’aux méthodes de management ;
• Des moyens supplémentaires pour les CHSCT pour enquêter et obtenir des aides d’experts, de spécialistes sur les risques pour la santé des salariés ;
• Les CHSCT des entreprises utilisatrices doivent pouvoir défendre les questions qui concernent les salarié e s des entreprises sous-traitantes ;
• Le CHSCT doit être constitué dans les entreprises (et non les établissements) de plus de 20 salarié-e-s. Dans les entreprises en dessous de 20 salariés, les délégués du personnel doivent avoir les mêmes prérogatives et les mêmes moyens que les CHSCT. Pour les TPE (en dessous de 11 salariés) la création de CHSCT de sites compétents sur une zone commerciale ou industrielle doit être mise en place ;
• L’élection du CHSCT doit être faite au scrutin direct, sur listes présentées par les organisations syndicales en même temps que les élections des autres représentants du per- sonnel ;
• Alignement des prérogatives des CHSCT des Fonctions Publiques sur le code du travail.
Les réorganisations proposées par les employeurs et les organisations du travail mises en place sont le plus souvent nocives pour les salariés et altèrent leur santé. Actuellement, les CHSCT ont seulement la possibilité de donner leur avis sur des restructurations. Il est extrêmement rare que les employeurs tiennent compte de cet avis.
Les CHSCT doivent donc avoir le pouvoir de refuser les restructurations nocives. A la pratique actuelle d’information-consultation des CHSCT qui laisse le pouvoir en totalité dans les mains des employeurs, il faut substituer des dispositions qui imposent un avis majoritaire du CHSCT pour modifier l’organisation du travail, réorganiser ou restructurer une en- treprise ou un service.
Les employeurs publics et privés et leurs responsabilités dans la dégradation de la santé des salariés
Selon les dispositions du code du travail « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Il doit notamment :
« 1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, (…) ».
La jurisprudence de la cour de cassation a notamment précisé : « En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers ce dernier d’une obligation de sécurité de résultat notamment en ce qui concerne les accidents du travail ».
Mais dans les faits, ces obligations légales des employeurs sont très loin d’être respectées et de très nombreux salariés de tous secteurs d’activité subissent des atteintes graves à leur santé. De plus la justice va être fort clémente avec les employeurs qui commettent des délits de mise en danger de la vie d’autrui, tels que prévus par le code pénal. En Italie, deux dirigeants de la société Eternit, poursuivis pour leurs responsabilités dans le drame de l’amiante ont été condamnés le 13 février 2012 à seize ans de prison. En France, l’instruction se poursuit alors que d’ici 2025, l’amiante aura fait 100 000 morts.
L’Union Syndicale Solidaires exige un renforcement des sanctions pénales à l’encontre de tous les employeurs qui ne respectent pas le code du travail et leur obligation de sécurité de résultat. Cela nécessite notamment :
• Des sanctions renforcées (ou parfois à créer), pour non respect des obligations des employeurs ;
• Des moyens renforcés pour l’inspection du travail (moyens humains et renforcement des pouvoirs) ;
• Des moyens renforcés pour la justice avec des tribunaux spécialisés dans la délinquance patronale au travail avec des délais de jugements réduits.
Aujourd’hui comme il y a trente ans, les salariés n’acceptent plus de perdre leur vie à la gagner.