Plusieurs camarades de Solidaires ont participé à ces journées qui marquaient le 10e anniversaire de l’association.
La 1ère journée a été consacrée à la lutte des irradiés des armes nucléaires, et tout particulièrement ceux de l’Île longue à Brest.
Jusqu’en 1996, les salariés de l’atelier pyrotechnique ont travaillé sur les têtes nucléaires des missiles, sans aucune protection, ni information sur les dangers des rayonnements de ces armes. À partir de 1996, c’est une très longue bataille qui va s’engager pour faire reconnaitre la nocivité des émissions des rayonnements neutroniques, ainsi que l’origine professionnelle des maladies développées par plusieurs salariés. D’un côté, il y a le comportement de la DCN (direction des constructions navales) qui s’est abrité derrière le secret défense pour masquer les incidents, accidents et risques sanitaires. De l’autre, la science officielle qui entretient des mensonges sur les effets de la radioactivité. Si trois types de cancers sont aujourd’hui reconnus comme maladie professionnelle, 23 le sont dans le cadre de la loi Morin d’indemnisation des vétérans des essais nucléaires. Aux États Unis, la liste de maladies professionnelles radio-induites comporte 27 localisations de cancer. Selon Annie Thébaud-Mony, une conclusion s’impose : « L’État français ne connaît que ce qu’il reconnaît. Et il ne reconnaît que très peu de maladies professionnelles radio induites chez les travailleurs du nucléaire militaire ou civil. » Une étude conduite par un chercheur de l’université de Bretagne est actuellement en cours pour connaitre les conditions d’exposition des anciens salariés de l’Île longue de Brest.
Autre temps fort de la journée, la présentation de l’expertise votée par le CHSCT suite à l’accident survenu à la centrale de Paluel (76) qui a mis en évidence les conséquences d’une sous-traitance généralisée à l’ingénierie. Selon Nicolas Spire, qui a réalisé l’expertise, avec la sous-traitance, il n’y a pas seulement transfert des risques mais aussi aggravation des risques ou création de risques.
La 2e journée a permis des échanges en ateliers qui devront être approfondis. On peut toutefois en tirer quelques éléments saillants : l’incertitude scientifique ne doit pas être un obstacle à l’action. Nous devons prendre le contrepied de fausses études épidémiologiques, remettre en cause les méthodes utilisées, déconstruire la représentation dominante.
Durant la 3e journée, s’est tenue l’assemblée générale de l’association, avec notamment un retour d’expériences des actions conduites par le cabinet d’avocats (TTLA) ; Me François Lafforgue est ainsi revenu sur les victoires en matière civile concernant l’amiante, les pesticides, les algues vertes et la pollution de l’air. À contrario, il a souligné l’échec de la justice pénale sur ces questions.
Plusieurs autres affaires en cours ont été évoquées : le procès des ex-dirigeants de France Télécom, la première déclaration de maladie professionnelle en lien avec le chlordécone, le procès qui a débuté le 1er octobre pour mise en danger de la vie d’autrui de l’entreprise Saft (16) (exposition au Cadmium).
Inverser la charge de la preuve dans le cas des maladies professionnelles, montrer que ce n’est pas lié à l’exposition, arriver à produire des argumentaires pour aider les personnes privées de preuves, montrer les chaines de causalité est une ligne forte qui ressort de ces journées. Pourquoi effectivement la charge de la preuve qu’il n’y a pas de lien avec une exposition professionnelle n’incomberait pas à l’employeur comme dans les cas de harcèlement moral ou de l’accident du travail ? Un arrêt de la cour de justice de l’U.E. du 21 juin 2017 ouvre la voie à d’autres approches par les tribunaux. Dans cette affaire, la C.J.U.E. a considéré qu’ « en l’absence de consensus scientifique, le défaut d’un vaccin et le lien de causalité entre celui-ci et une maladie peuvent être prouvés par un faisceau d’indices graves, précis et constants. »
En conclusion, des journées passionnantes avec des personnes très investies en dépit des multiples obstacles. De plus, il est intéressant de signaler l’extension du réseau créé par l’association (un collectif sur les cancers des dockers est en cours de création) qui engrange des victoires juridiques.