Qui a peur du CHSCT ?

L’association des cabinets d’experts agréés et intervenants auprès des CHSCT qui regroupe des cabinets de taille modeste, organisait le mardi 19 septembre à Paris, au Zèbre de Belleville un débat sur le thème : « Qui a peur du CHSCT ?« 

Environ 150 personnes étaient présentes à cette soirée où de nombreux intervenants, souvent membres du collectif pour ne plus perdre sa vie à la gagner, se sont succédés contribuant à éclairer les différents aspects des conséquences des ordonnances Macron (des secrétaires de CHSCT, des experts de l’ADEAC, une avocate, une médecin du travail, un inspecteur de travail et une sociologue.

* Annabelle de l’ADEAC a commencé par rappeler les différents aspects des atteintes portées au CHSCT par les ordonnances en termes de moyens (juridiques, alerte DGI décomptée des heures de délég., cumul des mandats dans le CSE – contradiction avec la volonté politique affichée par ailleurs -, etc.) et de régression fatale de la volonté de s’investir dans les instances.

* Stéphane secrétaire de CHSCT CGT, a insisté sur le rapport de force (institutionnel) que le CHSCT a été à même de constituer face à l’employeur, donnant des exemples dans son secteur (la construction). Invoque le L. 4121-1 et 2 qui, toutefois, existeront toujours (cet argument faisant état des « principes généraux de prévention » des risques et de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur qui leur est liée, sont ressortis à deux ou trois reprises dans une perspective de contre-feux possibles aux ordonnances, les moyens de les mettre en œuvre restant à inventer…).

* Judith du SAF, en a appelé également à faire preuve d’invention au niveau de l’expertise : le CSE vise à diviser les experts (expertise économique vs santé au travail) ; d’où l’importance de convaincre le CSE à organiser et à construire des expertises conjointes faisant ressortir les aspects liés à la santé.

* Marie Pascual a montré, a travers son expérience liée à la cellule de consultation souffrance au travail, le paradoxe qu’il y a entre la montée en puissance des problèmes de santé et la disparition du CHSCT. Elle a aussi rappelé l’existence de la permanence santé au travail, tous les premiers vendredi de chaque mois, à la Bourse de du travail, utile plus que jamais.

* Isabelle, secrétaire CHSCT Sud à Orange, a montré, à travers des exemples concrets (en particulier : doc CHSCT qui sont des copier/coller de ceux du CE), comment le patron a toujours cherché à faire primer l’intérêt économique sur la santé. Elle a insisté également sur la sous-représentation des femmes dans l’instance CHSCT (les femmes étant par ailleurs très majoritairement suppléantes dans les instances DP et CE), le cumul des mandats du CSE n’allant faire qu’aggraver les choses.

* Gérald, inspecteur du travail CGT, a en préalable insisté sur la manière de nommer ce qui nous arrive : il s’agit non pas de la fusion du CHSCT dans les instances, mais de la disparition du CHSCT. Après avoir rappelé, déclarations à l’appui, que les IT étaient considérés comme des gauchistes depuis plusieurs dizaines d’années par les gouvernements successifs, souligné le manque de moyens, etc., il en a appelé à ne pas rester sur le plan défensif mais à avoir des exigences revendicatives.

* Frédéric, secrétaire CHSCT et CE CGT, a dit que son CHSCT avait fait reculer, suite à une expertise, la mise en place des compteur Linky.

* Danièle, en tant que sociologue, a mis l’accent sur la « bataille du savoir » qui est selon elle ici engagée. Le patronat a toujours voulu s’arroger le savoir sur les questions de santé, lesquelles sont liées à la connaissance du travail. L’offensive Macron s’inscrit en cohérence avec cette lutte idéologique : la politique systématique du changement propre au néolibéralisme n’est que la continuation de la volonté patronale de déposséder le travailleur de son savoir, mais par d’autres moyens que ceux du taylorisme.

* Thierry, secrétaire CHSCT CGT, en plus de ce qui avait été dit à propos de l’expérience d’élu CHSCT, a parlé des difficultés actuelles à s’investir en tant qu’élu.

* Nicolas (ADEAC) a conclu sur les luttes idéologiques à réinventer en prenant exemples sur les années 1970 et notamment la lutte victorieuse des Penarroya contre le plomb.

Dans le débat plusieurs temps forts et pistes éventuelles :

– le savoir de l’expertise n’est pas un savoir « alternatif » qu’il faudrait défendre face celui de la logique économiciste : c’est LE savoir tout court, il n’y en a qu’un, c’est celui du travailleur. Comment faire entendre cela face aux réductions de l’idéologie dominante ?

– les ordonnances sont une contre-offensive aux avancées jurisprudentielles des années 2000-2010 (allusion aux obligations de sécurité de résultat – amiantes -, arrêt SNECMA, …) ; cette contre-offensive a réussi à réinstaurer la primauté des enjeux liés à l’emploi face à ceux du travail.

– la piste d’une initiative nationale large à lancer sur la défense des CHSCT a commencé à être envisagée. Depuis cette journée de septembre cette initiative s’est précisée et s’organisera le 4 décembre 2017 sous la forme d’une assemblée nationale pour les CHSCT, plus d’infos sur cette initiative ici: http://assemblee-nationale-chsct.org/