Pénibilités : les arnaques du gouvernement et du patronat

Les six décrets d’application sur le compte pénibilité ont été, enfin,, publiés le 10 octobre 2014 au Journal Officiel, ils auraient dû l’être fin juillet… Pour Solidaires, nous sommes et restons de manière importante critique sur le dispositif mis en place après la nouvelle contre-réforme des retraites et qui ne répond absolument pas aux enjeux de la prise en compte de la pénibilité au travail. Comme si cela ne suffisait pas, répondant aux exigences du Medef (et à son « amour » des entreprises) quelques jours avant la « grande conférence sociale » que nous avons boycotté, le gouvernement a décidé de repousser l’entrée en vigueur pour six facteurs de pénibilité… Alors même que les premiers maigres bénéfices du compte pénibilité ne seront effectifs pour les salarié-es que
dans plusieurs années.
Les pénibilités dues à des « contraintes physiques marquées » (manutention, postures pénibles, vibrations), à l’exposition à des agents chimiques dangereux, à des températures extrêmes et au bruit, devront attendre 2016 pour être prises en compte. Le Medef peut bien faire mine de crier au scandale, il a réussi à réduire à leurs portions congrues les
maigres avancées pour les salarié-es exposé-es.

Les quatre facteurs

Ce compte pénibilité ne concernera donc au 1er janvier 2015 que quatre facteurs : travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif et risque hyperbare. L’employeur sera tenu de consigner l’exposition du salarié à la pénibilité dès lors que ce dernier aura été exposé à un ou plusieurs de ces facteurs de risques au-delà de certains seuils (C. trav., art. L. 4161-1).
Par exemple, pour être reconnu exposé au travail de nuit, il faudra une heure de travail entre 24 heures et 5 heures pendant 120 nuits par an alors même que l’article L. 3122-29 du Code du Travail définit le travail de nuit comme celui s’exerçant dans la tranche 21 h – 6 h. Prémisse de la volonté du gouvernement de s’attaquer aux protections des salarié-es sur le travail de nuit ?
Enfin, l’exposition des salariés sera appréciée après application des mesures de protection collective et individuelle. Cela risque d’engendrer un nombre important de contentieux en ce qui concerne les expositions aux bruits ou aux agents chimiques dangereux.

Une déclaration de l’employeur

Toujours pour répondre aux demandes du patronat, l’évaluation de l’exposition est annualisée et sa déclaration dématérialisée. L’exposition de chaque travailleur devra être évaluée par l’employeur au regard des conditions habituelles de travail caractérisant le poste occupé, appréciées en moyenne sur l’année. L’employeur se fondera notamment sur les données collectives jointes au document unique d’évaluation des risques
professionnels. Ainsi, ce dernier devra jouer un rôle clé dans le calcul de l’exposition.
L’employeur sera, en effet, désormais tenu de consigner, en annexe du document unique, les données collectives utiles à l’évaluation des expositions individuelles, notamment à partir de l’identification de situations types d’exposition, ainsi que la proportion de salarié-e-s exposés aux facteurs de pénibilité au-delà des seuils prévus.
L’employeur devra aussi établir une fiche de prévention des expositions, qu’il transmettra aux travailleurs exposés en cas d’arrêt de travail d’au moins trois mois, ou d’au moins trente jours si cela fait suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle. La fiche est tenue à la disposition du salarié « à tout moment ». L’employeur doit les conserver durant cinq ans.

Recours ?

Les salariés connaîtront le 30 juin 2016, au plus tard, les premiers points qui leur auront été attribués au titre de la pénibilité. Ils pourront contester cette attribution auprès de leur employeur s’ils l’estiment nécessaire. Les Carsat pourront également procéder à des contrôles de la réalité de l’exposition aux facteurs de risques.

Report et réduction de cotisations :

Pour les employeurs, deux cotisations sont prévues :

  • la cotisation de base qui concerne tous les employeurs, son taux est fixé à 0,01 % de la masse salariale et elle ne s’appliquera qu’à compter du 1er janvier 2017.
  • la cotisation « additionnelle » ou « spécifique », pour les employeurs dont au moins un salarié est exposé à la pénibilité, entre en vigueur dès 2015. Elle sera égale à 0,1 % des rémunérations des salariés exposés pour les années 2015 et 2016, puis portée à 0,2 % à compter de 2017. Cette cotisation sera doublée pour les salariés en situation de polyexposition (0,2 ou 0,4 %). Ces taux sont en dessous de ce qui était prévu par
    la loi. En effet, celle-ci indiquait que cette cotisation additionnelle « est égale à un pourcentage fixé par décret et compris entre 0,3 % et 0,8 % ». Cette réduction n’est sans doute pas sans lien avec d’une part la pression du Medef et d’autre part l’affaiblissement des critères de prise en compte de la pénibilité.
Point trop n’en faut…

Marisol Touraine et François Rebsamen ont confié le 10 octobre à Michel de Virville une mission pour accompagner la mise en œuvre des quatre premiers facteurs de pénibilité et préparer celle des six autres facteurs, en relation étroite avec les branches professionnelles (et surtout le patronat…). « Cette mission d’appui opérationnel a pour objectif de rendre le dispositif le moins coûteux et le plus simple possible, en particulier pour les TPE et PME » selon eux. Rappelons que Michel de Virville qui est conseiller maître à la Cour des comptes et surtout ancien
DRH de Renault avait déjà travaillé sur la préparation de ces décrets qui réduisent déjà considérablement les « droits » des salarié-e-s. Son objectif est de livrer à l’été 2015 des propositions d’adaptations concernant les seuils, leur mesure et leur mise en œuvre.
S’il en était besoin cette situation prouve encore combien la mobilisation large et déterminée des salarié-e-s est nécessaire pour que soient enfin prises en compte les pénibilités qu’ils subissent dans leur chair. Décidément, les capitalistes nous coûtent chers !