« Ma vie de famille n’a pas été bouleversée, nous nous sommes simplement adaptés ». « Les avantages…le salaire plus un aller retour par mois vers Douai, pour limiter les frais j’ai trouvé un appartement en collocation ». C’est ainsi que Renault vante auprès de ses salariés de Douai la GPEC basée sur le principe du « volontariat », limitée dans le temps, mais dans les faits renouvelable sans limite.
Cette vision idyllique est loin de ce que vivent aujourd’hui plus d’un millier de salariés des usines Renault, qui pour certains ballottés d’usines en usines depuis 2008, vont de Sandouville à Flins, en passant par Douai, tout en logeant dans des mobile-homes sur des terrains de camping souvent boueux une bonne partie de l’année. Afin de limiter les coûts ils partagent souvent leur logement à plusieurs, et se contentent au mieux d’un rapide Aller Retour dans leur famille le Week-End. Même si financièrement ces salariés s’y retrouvent, leur situation au quotidien n’est pas plus enviable que celle de travailleurs immigrés entassés dans des logements insalubres ou celle de travailleurs saisonniers de l’agriculture.
En programmant la diminution de charge de ses usines Françaises, Renault ajuste ainsi les effectifs de chaque site à ses propres besoins stratégiques, et par ce jeu de déplacement des salariés une usine pourra discrètement se mettre au ralenti pour être fermée dans quelques années « en douceur ».
L’accord interprofessionnel de janvier, non seulement élargit à l’ensemble des entreprises la notion de «mobilité interne» (art15) mais permet à une société comme Renault de renforcer sa stratégie en faisant sauter la carotte financière pour motiver ses employés: en cas de refus ce sera un licenciement pour motif personnel!
La mobilité géographique (mais aussi professionnelle) pourra être programmée par un plan triennal. Et rien n’interdira donc une entreprise de déplacer son personnel tous les trois ans en éliminant ceux qui refusent de suivre, elle pourra également ponctuellement utiliser «l’accord de maintien dans l’emploi» (art18) pour ajuster les salaires et de nouveau éliminer les récalcitrants, puis si nécessaire s’appuyer sur l’article 23 de ce même projet définissant «l’ordre des licenciements»…
Il s’agit bien d’une précarisation des emplois, avec l’impossibilité pour un salarié d’envisager de s’établir de façon durable sur un bassin géographique, empêchant toute réelle insertion dans la vie locale. Les difficultés pour se loger, ou tout simplement l’impossibilité pour le/la conjoint(e) de suivre renforceront l’isolement des travailleurs concernés au détriment notamment de leur vie sociale et familiale et de l’éducation des enfants.
Cette mobilité interne forcée nous renvoie au vécu des salariés de France Télécom dans les années 2000: restructurations multiples, changements de métiers…. jusqu’aux suicides. Toutefois c’est en toute légalité que pourra s’établir ce nouveau harcèlement non seulement des salariés mais de leur proches. Finalement les auteurs de cet accord en offrant sur un plateau au Medef une plus grande précarité des salariés, ne feront que casser en quelques mois ce que d’autres ont construit en plusieurs décennies.