les procès préjudices amiante

upr-sud-bonDepuis sa création, l’Union des Préretraités et Retraités (UPR) SUD de SNPE et ROXEl, section retraités du syndicat SUD-SME, mène des actions pour que soit rendu justice aux travailleurs de l’amiante. Le site de SNPE St Médard en Jalles (33) (divisé entre ROXEL et SME, puis, aujourd’hui, entre HERAKLES St Médard du groupe Safran et ROXEL), utilisateur de l’amiante dans sa production comme dans son environnement, est entré dans le décret amiante qui ouvre la porte au départ en préretraite amiante.

Outre l’action revendicative et de manifestations, l’adhésion à l’Andeva et à l’association Girondine Allo Amiante, l’UPR est engagé dans des démarches juridiques et des procès aux côtés des ex-salariés pour faire valoir leurs droits :

  • Procès en faute inexcusable de l’employeur pour ceux qui sont atteint par la maladie résultant de leur exposition à l’amiante devant le TASS,
  • Contestation du calcul de la pension de préretraite auprès de la CARSAT, puis procès devant le TASS, depuis que le décret Darcos est venu mettre en cause les décisions juridiques favorables aux victimes de l’amiante.
  • Procès des ex-salariés non-malades, pour faire reconnaître le préjudice d’anxiété et bouleversement des conditions d’existences résultant de l’exposition à l’amiante.

Nous abordons dans cet article ce troisième volet : les procès pour la reconnaissance des préjudices d’anxiété et bouleversement des conditions d’existence.

C’est à partir de deux entreprises, ZF Masson et Ahlstom, qu’ont débuté les procès pour préju­dices amiante. Au départ, la demande consistait à sl_crbst_img_3360faire payer à l’employeur la différence entre le salaire d’activité et le montant de l’allocation de cessa­tion anticipée d’activité (65% du brut) à laquelle s’ajoutait une demande d’indemnisa­tion pour le préju­dice d’anxiété subit par les travailleurs de l’amiante. Ces deux préjudices, économique et anxiété, furent reconnus par les prud’hommes puis par la cour d’appel, mais les patrons ont saisi la cour de cassation.

La cour de cassation valide le préjudice d’anxiété

Le 11 mai 2010, la cour de cassation a reconnu pour la 1ère fois en France l’existence d’un préjudice d’anxiété. La chambre sociale a considéré que « les salariés des entreprises classées amiante se trouvaient par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante, et étaient amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réac­tiver cette angoisse ». Il s’agit d’une décision définitive qui consacre le préjudice d’anxiété pour les travailleurs de l’amiante.

Mais rejette le préjudice économique

Mais cette même cour de cassation a cassé le jugement sur le préju­dice éco­nomique, en considérant que la baisse de revenu des allocataires avait été voulue par le législateur et ne devait donc pas être mise à la charge de l’employeur.

Préjudice d’anxiété et Bouleversement des conditions d’existence

Un an et demi après, les deux affaires ont été rejugés sur le fond par deux cours d’appel de renvoi : celle de Toulouse et celle de Paris autrement constituées. Toutes les deux ont suivi la cour de cas­sation dans son refus d’indemniser le préju­dice économique consécutif au dé­part en préretraite amiante, mais la cour d’appel de Paris a ouvert une se­conde porte en reconnaissant un nou­veau préju­dice : le bou­leverse­ment dans les condi­tions d’existence.

La Cour d’Appel a accordé à chacun des demandeurs de ZF Masson la somme de 15.000 euros à titre de préjudice d’anxiété et 12.000 euros au titre du bouleversement dans les condi­tions d’existence, tout en les déboutant sur le préjudice économique.

Le Préjudice du Bouleverse­ment

Ainsi donc, après la validation du préjudice d’anxiété, une porte s’ouvre sur un second préjudice, celui du bouleversement des conditions d’existence. Pour caractériser ce nouveau préju­dice, la cour d’appel de Paris reconnait que les plaignants ont été vic­times d’une véritable «amputa­tion de leur avenir». La motivation mérite d’être citée :

« Indépendamment de l’inquiétude face au risque de dévelop­per à tout moment une pathologie grave (…) les an­ciens salariés, cons­cients de la diminution de leur espé­rance de vie, sont effective­ment am­putés pour une part, de la pos­sibilité d’anticiper se­reinement leur avenir et sont ainsi direc­tement et dès à présent con­traints dans leur vie quo­tidienne de tenir compte de cette réa­lité au regard des orientations qu’ils sont amenées à donner à leur exis­tence (…) « Il s’en suit que leurs projets de vie dans de nombreux domaines autres que maté­riels ou économiques sont affec­tés par cette ampu­ta­tion de leur ave­nir. Le préju­dice en ré­sultant est en lien direct avec leur conta­mination et doit également faire l’objet d’une in­demnisa­tion spéci­fique dès lors qu’il découle directe­ment de leur ex­posi­tion aux fibres d’amiante et aux ca­rences de l’employeur au regard de l’obligation de sécu­rité de résul­tat lui incom­bant. »

Toutefois, contrairement au préjudice d’anxiété, celui concernant le bouleversement des conditions d’existence fait l’objet de jugements contradictoires, certaines cours le reconnaissent et l’indemnisent, d’autres rejettent la demande, d’autres, enfin, valident la demande mais estiment qu’il n’y a pas assez de justificatifs individuels pour l’indemniser. L’arrêt de la cour de cassation saisi par les patrons était donc très attendu pour ce 25 septembre 2013.

L’arrêt de la cour de cassation du 25 septembre 2013

Celui-ci vient d’estimer que « L’indemnisation accordée au titre du préjudice d’anxiété répare l’ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d’existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante« . La Cour de cassation ne conteste donc pas l’existence de ce préjudice lié au bouleversement des conditions d’existence, mais elle demande à ce qu’il soit inclus dans le préjudice d’anxiété et pas dans la reconnaissance d’un nouveau préjudice. Nous connaitrons dans les jours et mois à venir l’incidence de ce jugement sur l’indemnisation réelle des travailleurs qui ont été exposés à l’amiante.

Les résultats dans notre Entreprise

Au total sur l’entreprise SNPE/ROXEL/HERAKLES ST MEDARD, ce sont près de 400 ex-salariés qui ont saisi le tribunal pour faire valoir ces préjudices. Ces procès ont lieu par groupes de plaignants, c’est dire qu’il y en a plusieurs en cours.

sl_crbst_solidaires33_992_dxowAu moment ou nous écrivons ces lignes un seul procès est terminé pour les premiers plaignants de Roxel qui ont obtenu chacun 10000 € d’indemnisation pour le préjudice d’anxiété, 500 € pour l’article 700, mais le bouleversement des conditions d’existence n’a pas été reconnu. La société ROXEL qui avait fait appel du jugement s’est désistée consacrant un résultat final à ce procès.

Pour ce qui concerne les premiers plaignants de SME, ils avaient obtenus 8000 € d’indemnisation pour le préjudice d’anxiété, somme augmentée à 10000 € en appel. Toutefois Herakles (qui a pris la suite de SME) a saisi en juillet la cour de cassation. Rien n’est encore définitif, pas plus que pour les premiers plaignants cadres qui eux ont eu reconnaissance du préjudice d’anxiété et du bouleversement des conditions d’existence mais dont on attend le procès en appel pour le mois de janvier 2014.

La prescription contre les droits des travailleurs

En modifiant la loi et en instaurant la prescription quinquennale en 2008, l’ancien gouvernement a mis un frein à ces procédures. Et le nouveau gouvernement s’est empressé de valider cette mesure. La prescription détermine le temps qu’a un salarié pour at­taquer l’employeur de­vant les prud’hommes. Avant la loi du 17 juin 2008, un sala­rié avait 30 ans pour faire un pro­cès à son employeur. De­puis cette loi il n’a plus que 5 ans…

Non seulement le nouveau gouvernement n’est pas revenu sur cette loi éditée par Sar­kozy, mais il n’a pas non plus accédé à la demande d’exclure l’amiante de la pres­cription. Si cette pres­cription ne concerne pas la mala­die (mais attention il y a aussi des délais), elle s’applique par contre aux procès en préjudices d’anxiété. Comme une loi n’est pas rétroactive, c’est la date de la loi qui sert au dé­compte du temps qu’il reste pour engager le procès.

Au-delà du 17 juin 2013, il n’est donc à priori plus possible de faire valoir ces préjudices, sauf si des juges l’estiment dans certains cas (quel est le point de départ de la prescription de 5 ans ? Si c’est la date de connaissance du danger cela pourrait ouvrir un espace par exemple aux établissements récemment inscrits sur les listes).

Il y a actuellement une recherche, en particulier des avocats, pour passer cet obstacle, mais au jour où parait cet article il n’y a pas eu de réelle évolution sur cette question et de nombreux travailleurs qui ont été exposés à l’amiante se voient privés de manière injuste et scandaleuse de ce recours.

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