Au congrès de juin 2011 de Solidaires nous avons adopté le texte suivant (extraits):
« Le contexte de concurrence exacerbée par une baisse des profits liés au travail a non seulement eu comme conséquence l’émergence de la « financiarisation » de l’économie mais une transformation de l’organisation du travail…
… L’organisation moderne du travail demande désormais à chaque salarié, y compris les cadres (surveillés notamment par leurs micro-ordinateurs), de se transformer en bureau du temps et des méthodes pour soi-même, sachant que ni les objectifs fixés par la hiérarchie ni les moyens ne sont négociables. Dit autrement, le management moderne exige que chacun fasse de soi l’usage le plus productif possible…
…Les réorganisations des entreprises privées et publiques, ainsi que l’organisation du travail (généralisation du benchmarking), ne doivent pas se faire au détriment des salarié-e-s, par la dégradation de leur santé physique et mentale. Dans la théorie patronale, ces processus s’accompagneraient de phases, en particulier de dépression, dont les conséquences mènent des salarié-e-s à se bourrer de médicaments et au suicide. Nous devons combattre ces pratiques. »
Le 30 janvier 2014 à Paris, la commission santé et conditions de travail organisait une journée d’échanges et de travail sur l’analyse nécessaire que nous devions en avoir pour construire et déployer l’action syndicale)
Le nombre d’équipes syndicales de Solidaires confrontées à la mise en place de nouvelles formes d’organisations du travail ne cesse d’augmenter dans tous les secteurs. Preuve en est plus de 200 inscrits pour cette journée avec une bonne répartition entre les invités (experts CHCT, médecins du travail, sociologues, chercheurs, ergonomes, préventeurs, etc.) et nos équipes militantes de Solidaires (2/3 des présents) avec de nombreuses délégations du privé (Chimie, Industrie, Télécom, Thalès, CHU, Finances, Banques, etc.).
La matinée était consacrée à l’intervention de deux chercheurs, à partir de perspectives conceptuelles singulières, Danièle Linhart et Sidi Mohammed Barkat qui ont tenté d’éclairer différents versants du travail pris dans l’étau des organisations actuelles.
Danièle Linhart est sociologue du travail, travaille sur les politiques managériales, et leurs impacts sur les salariés, ainsi que sur la place du travail dans notre société. Directrice de recherches émérite au CNRS, membre du GTM-Cresppa (unité de recherche associée a l’université de paris 8 et paris 10 et au CNRS).
Sidi Mohammed Barkat est chercheur et chargé d’enseignement au CEP ergonomie et écologie humaine de l’université Paris I / Panthéon-Sorbonne. Après de nombreuses années d’enseignement à l’université, où il s’est occupé essentiellement de questions d’épistémologie des sciences sociales, il a dirigé de 1998 à 2004 un programme de recherche au Collège international de philosophie, à Paris, sur des questions liées à la colonisation.
Ces deux chercheurs qui travaillent et développent depuis de nombreuses années des analyses sur les nouvelles organisations du travail et leurs évolutions, notamment vis à vis du Taylorisme et en lien avec les évolutions du capitalisme, ont pu pendant la matinée déployer leurs analyses et confronter leurs points de vue sur la question d’une rupture ou pas avec le Taylorisme. Un riche débat s’en est suivi avec la salle dont nous publierons l’essentiel.
L’après midi a permis d’avoir des échanges sur les situations concrètes avec des interventions d’équipes syndicales confrontées à l’arrivée dans leurs entreprises du « lean management » sous ses différentes formes qui nous ont expliqué leurs stratégies syndicales pour y faire face. Plusieurs invités ont pu aussi apporter leurs éclairages, cabinet d’expertise CHSCT, chercheurs, préventeurs Belges. Nous aurons des échanges et débats sur les pistes et outils à définir et construire et les campagnes à mener.
Nous avons ainsi eu des éclairages sur les situations à la SNCF, Renault, Thalès, l’APHP, à La Poste et la définition de quelques pistes d’actions concrètes. Parmi celles-ci retenons notamment la nécessaire mise en visibilité des stratégies patronales qui avancent souvent masquées. Exemple caricatural à la Poste où le Lean a été camouflé sous l’appellation «Elan». Pour se faire, il n’est pas inutile de faire appel à des expertises mais en y associant pleinement les personnels afin de permettre leur mobilisation.
Une publication de la commission santé et conditions de travail reprendra l’ensemble de cette journée de manière plus complète dans les mois qui viennent.