Le suicide ou la tentative de suicide d’un-e fonctionnaire sur son lieu de travail est un accident de service

Une nouvelle décision du conseil d’Etat très importante pour les fonctionnaires
Dans cette affaire une fonctionnaire territoriale avait demandé que sa tentative de suicide soit reconnue comme accident de service. Alors que la commission de réforme avait émis un avis favorable, l’employeur avait rejeté sa demande, refus confirmé par le tribunal administratif, ce qui a conduit l’intéressée à se pourvoir en cassation.
Le conseil d’Etat vient de lui donner raison, il a annulé la décision du TA et demandé à l’employeur de « réexaminer sa situation et d’admettre l’imputabilité au service de sa tentative de suicide.»
Au cas particulier la commission de réforme (instance obligatoirement consultée en cas de non reconnaissance par l’administration d’un accident de service ou de maladie professionnelle imputable au service) avait pourtant reconnu l’existence « d’un lien unique, direct et incontestable entre l’accident et le service » et conclu que la tentative de suicide était bien imputable au service.
Dans ses attendus le conseil d’Etat a considéré « qu’un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d’un accident de service ; qu’il en va ainsi lorsqu’un suicide ou une tentative de suicide intervient sur le lieu et dans le temps du service, en l’absence de circonstances particulières le détachant du service ; qu’il en va également ainsi, en dehors de ces hypothèses, si le suicide ou la tentative de suicide présente un lien direct avec le service ; qu’il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d’une décision de l’autorité administrative compétente refusant de reconnaître l’imputabilité au service d’un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l’espèce ».
Par ailleurs le Conseil d’Etat a considéré qu’exiger de la fonctionnaire la preuve que sa tentative de suicide avait eu pour cause certaine un état pathologique se rattachant lui-même directement au service n’était pas fondé dès lors que l’accident était survenu durant le service et sur le lieu de travail. Et que dans ces circonstances il appartenait au juge administratif d’apprécier au vu du dossier « si des circonstances particulières permettaient de regarder cet évènement comme détachable du service ».

Ce jugement est très important car de fait il reconnaît que l’accident d’un fonctionnaire survenu sur le lieu de travail et durant les heures de service est un accident de service, en l’absence de faute personnelle ou de circonstance montrant qu’il n’y a pas de lien avec le service.
Dans le secteur privé l’accident du travail est défini par l’article L411-1 du code de la Sécurité sociale : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. »
Si dans la fonction publique il n’existe toujours pas de définition légale de l’accident, ce qui contraint le fonctionnaire à apporter la preuve du lien avec le service, la jurisprudence la plus récente du Conseil d’État en admettant une conception beaucoup plus large qu’auparavant de l’accident de service (ce que vient confirmer ce jugement) s’est ainsi considérablement rapprochée de la notion d’accident du travail du secteur privé.
En effet dans une précédente jurisprudence le conseil d’Etat avait déjà considéré « qu’un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet accident du service, le caractère d’un accident de service ». Se reporter au bulletin n°27 de juin 2014

Ces différentes décisions devraient amener tout naturellement la fonction publique dans ses trois composantes à modifier les textes et à « Inscrire dans le statut général une définition de l’accident de service et de l’accident de trajet identique à celle du code de la sécurité sociale » comme le recommande le rapport de l’IGAS et du Contrôle général économique et financier remis en juin 2012. Or la direction générale de l’administration de la fonction publique n’a jamais voulu débattre de ce rapport, il va falloir lui forcer la main.

CE 16 juillet 2014 n°361820