Le sexe du télétravail à la DGFIP

Considéré comme emblématique des transformations qui touchent actuellement le monde du travail [Rey, Sitnikoff – 2006], le télétravail à domicile se développe aussi bien dans le secteur privé que dans la fonction publique depuis la loi Sauvadet [1]. Dans l’administration publique, le télétravail est défini comme un mode d’organisation du travail dont l’objectif est de mieux articuler vie personnelle et vie professionnelle [2].

En permettant aux agent-e-s des Finances Publiques de travailler à domicile, la Direction Générale des Finances Publiques a expérimenté, avant de la déployer plus largement, cette nouvelle organisation du travail dès février 2017. Dans son bilan social 2017, elle revient sur cet essai de façon chiffré et l’on apprend que 70 % des travailleurs à domicile sont en réalité des travailleuses à domicile [3].

En effet si l’on considère que l’objectif est de mieux articuler vie personnelle et vie professionnelle , il n’est pas étonnant de constater qu’alors que les femmes consacrent en moyenne 3h30 par jour aux tâches domestiques contre 2h pour les hommes [4], ce sont elles qui se retrouvent massivement parmi les télétravailleurs-euses. Cette inégale répartition des tâches domestiques a pour conséquence entre autre d’augmenter les temps partiels et de freiner les carrières professionnelles des femmes mais aussi de favoriser l’apparition de certaines tensions comme la charge mentale qui a été mise en avant ces derniers temps.

Dès lors il convient de pointer les nombreux risques du télétravail à domicile qui se voient ici renforcés dans le cadre du travail des femmes. Parmi les dangers, on retrouve la tendance à induire une intensification et une durée plus longue du travail (en ne respectant pas les horaires, en écourtant la pause déjeuner) ; le chevauchement entre le travail et la vie privée (avec la possibilité de réaliser des tâches ménagères, de s’occuper des enfants et de reporter son travail en fin de soirée ou plus tard) ; mais aussi la perte de contact avec les collègues. Ces risques ont par ailleurs été dénoncés dans le rapport de l’ONU de février 2017 [5] fondé sur une enquête de l’OIT.

Alors que de tous temps de nombreuses mesures ont ralenti l’insertion des femmes dans les collectifs de travail soit en favorisant leur retour au foyer, soit en les incitant à articuler leur carrière avec leur vie de mères et/ou d’épouses, il est nécessaire de rester vigilent-e-s afin que le télétravail à domicile ne soit pas à nouveau un moyen de désocialiser les femmes, d’induire de nouveaux risques psycho-sociaux en allongeant les journées et de renforcer ainsi les inégalités de genre.


[1] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000025489865&-dateTexte=20190129
[2] Décret n°2016 – 151 du 11 février 2016
[3] Ces statistiques ont été réalisées sur la base du nombre d’agent-e-s ayant participé à l’expérimentation du télétravail à la DGFIP.
[4] https://www.inegalites.fr/L-inegale-repartition-des-taches-domestiques-entre-lesfemmes-et-les-hommes
[5] https://news.un.org/fr/story/2017/02/352322-le-teletravail-estompe-la-limite-entre-travail-et-vie-personnelle-selon-un