Dans son guide des droits des précaires de l’enseignement supérieur, la Fédération SUD Éducation relève une zone d’ombre concernant les contractuel·les dont le contrat est d’une durée d’un an ou plus. Selon l’article 2 du décret no 86-83, en effet, les prestations dues « sont servies par l’administration employeur ».
On peut s’interroger sur le sens de cette disposition. Peut-être que cela signifie que l’État prend ses responsabilités et finance lui-même le risque pour cette catégorie d’agents. Mais peut-être y a-t-il aussi l’idée sous-jacente que le risque d’accident du travail ou de maladie professionnelle est inexistant dans la fonction publique d’État. On constate qu’il n’y a rien de tel dans les deux autres versants de la fonction publique, l’hospitalière et la territoriale.
En Franche-Comté, nous avons été confrontés au cas d’une jeune contractuelle qui travaillait à la direction des ressources humaines de l’université, soit dans un service hautement sensible pour l’administration.
En butte aux remontrances constantes et injustifiées de la DRH adjointe, sa supérieure hiérarchique, la collègue contractuelle a subi, en février 2017, une crise de panique lors d’un entretien houleux qui l’a conduite aux urgences psychiatriques.
Conseillée par SUD Éducation Franche-Comté, l’agente administrative contractuelle a déclaré un accident du travail. Il s’est ensuivi alors un long périple administrativo-juridique au cours duquel l’université a mis en place toute une procédure ad hoc dans le but de parvenir au résultat escompté : il n’y avait pas d’accident du travail, et surtout pas à la DRH ! Pendant ce temps, la CPAM refusait obstinément de s’occuper du dossier.
Après avoir perdu en première instance devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, la cour d’appel de Besançon (arrêt no 20/280) a fini par donner raison à la collègue en septembre 2020, soit trois ans et demi après les faits. Mais le jugement ne comble pas vraiment le vide juridique.
Il affirme la compétence de la juridiction de sécurité sociale (et non administrative) mais il existait déjà deux jurisprudences du Conseil d’État sur cette question. Il dit que la caisse primaire d’assurance maladie n’était pas compétente pour instruire l’affaire. Par contre, il s’abstient de se prononcer sur la procédure inventée de toutes pièces par l’université.
Il aurait pu aller plus loin et affirmer que si l’administration, dans la mesure où elle verse les prestations afférentes aux accidents du travail, se substitue à la CPAM, elle doit le faire en respectant le code de la sécurité sociale qui s’impose à celle-ci.
Car si tel n’est pas le cas, cela signifie que les contractuel·les sur des contrats d’un an et plus ne peuvent bénéficier ni des garanties offertes aux fonctionnaires par la consultation de la commission de réforme, ni de celles dont jouissent les salariés relevant du régime général (et, de fait, les contractuel·les sur des contrats courts).
Néanmoins, la Cour s’est appuyée sur la définition de l’accident du travail telle qu’elle est formulée à l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail » et non sur celle de l’accident de service figurant à l’article 21 bis de la loi no 83-634 qui ménage toujours une porte de sortie à l’administration par l’ajout de la formule « en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service ».
Ce jugement représente tout de même une avancée pour les contractuel·les de la fonction publique d’État.