La reconnaissance du préjudice d’anxiété, une jurisprudence en cours d’élaboration

Le 11 mai 2010 la cour de cassation a reconnu l’existence d’un préjudice d’anxiété pour prendre en compte le stress que subissent les salariés exposés à l’amiante en dehors de toute maladie professionnelle. La cour de cassation admet ainsi que des salariés bénéficiant de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) encore appelée « préretraite amiante » soient indemnisés du préjudice d’anxiété (leur demande concernant le préjudice économique n’a pas été retenue). Les juges ont estimé que les salariés se trouvaient par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie (dont l’évolution est lente).

Il s’agit là une décision absolument inédite, qui peut être considérée comme une nouvelle déclinaison de l’obligation de sécurité de résultat à laquelle est tenu l’employeur.

Le conseil des prud’hommes de Pau a de son côté reconnu le 24 mai 2011 un préjudice d’anxiété pour deux salariés exposés à l’amiante au cours de leur vie professionnelle.

Enfin, du côté des juridictions administratives, dans un arrêt du 11 décembre 2011, la Cour administrative d’appel a fait droit à la demande d’indemnisation d’un ouvrier de l’Etat relevant du Ministère de la Défense à l’encontre de son employeur au titre du préjudice d’anxiété dont il a été victime. Celui-ci estimait que son espérance de vie a été diminuée notablement du fait de l’absorbation par ses poumons de poussières d’amiante pendant ses années d’activité professionnelle et soutenait vivre depuis dans un état d’anxiété justifiant une réparation à ce titre fondée sur la carence fautive de son employeur.

Pour la Cour administrative de Marseille, le préjudice d’anxiété fait partie du préjudice moral susceptible d’être indemnisés sans que soit nécessairement caractérisé un état pathologique d’anxio-dépression. Le salarié vivant dans la crainte de découvrir subitement une pathologie grave, même si son état de santé ne s’accompagne pour l’instant d’aucun symptôme clinique ou manifestation physique, subit à ce titre un préjudice moral.

En définitive c’est le non respect des obligations liées à la prévention des risques qui peut entraîner la condamnation de l’employeur sans que le salarié ait à prouver un préjudice le concernant. Peu importe la constatation d’une lésion corporelle ou mentale, l’obligation de résultat peut désormais être réparée pour elle-même, indépendamment de ses conséquences.
L’obligation de sécurité de résultat se trouve de plus en plus confirmée par la jurisprudence en étant étendue à plusieurs aspects de la vie au travail. L’obligation de sécurité de l’employeur est une obligation de l’employeur dont le manquement constitue une faute inexcusable.*

*Lorsque la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, le salarié peut obtenir au-delà de l’indemnisation forfaitaire en matière d’accident du travail et de maladie professionnelle, une majoration de sa rente et des indemnisations complémentaires.

Qu’est ce que le préjudice d’anxiété ?

C’est la certitude d’avoir dans les poumons des fibres qui peuvent causer des maladies graves voire mortelles,
C’est l’obligation de devoir vivre au quotidien avec cette épée de Damoclès au dessus de la tête,
C’est le pincement au cœur, chaque fois qu’on va voir un collègue malade de l’amiante à l’hôpital ou qu’on l’accompagne à sa dernière demeure,
C’est l’appréhension ressentie à chaque bronchite, à chaque toux rebelle, C’est l’inquiétude pour son avenir et celui de sa famille.

Sources : Andeva