Fiche reconnaissance des Maladies Professionnelles N° 1 : Comment faire reconnaître sa maladie professionnelle dans le secteur privé ?

1- Définitions

Tout d’abord, contrairement à l’accident du travail et à l’accident de trajet, il n’y a pas de définition légale générale de la maladie professionnelle.
« Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractées dans les conditions mentionnées à ce tableau » Art.L.461-1, 2ème alinéa, du Code de la Sécurité Sociale.
« Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime » Art.L.461-1, 3ème alinéa, du Code de la Sécurité Sociale.

1-1- Exemples de maladies susceptibles d’avoir une origine professionnelle et d’être imputées aux agents chimiques : fluor et ses composés (n° 9), mercure et ses composés (n° 80), plomb et ses composés (n° 82), affections causées par les ciments (alumino – silicates de calcium), brucelloses et tétanos professionnels…

1-2- Exemples de maladies susceptibles d’avoir une origine professionnelle et d’être imputées aux agents physiques : rayonnements ionisants, énergie radiante, bruit, vibrations mécaniques…
« Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles, lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’Art.L.434-2 du Code de la Sécurité Sociale, en état d’évolution stabilisée de la maladie ».

1-3- Le taux d’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.

1-4- Exemples de maladies hors tableau susceptibles d’avoir une origine professionnelle : dépression, maladie psychosomatique type psoriasis : action sur la peau et douleurs poly-articulaires…

2 – Ce qu’il faut savoir et retenir de prime abord

Donc, pour être reconnue, la maladie professionnelle doit être inscrite dans les tableaux: articles L.461-1, 2è alinéa, L.461-2, L.461-1, 3ème alinéa du Code de la Sécurité Sociale, à défaut, elle peut l’être sous certaines conditions par le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP), voire en ultime voie de recours et en dernier ressort, par la Cour nationale de l’Incapacité et de la Tarifi cation de l’Assurance des Accidents du Travail (CnITAAT).
Les tableaux de maladies professionnelles défi nissent les conditions que l’on doit remplir pour que le caractère professionnel de la maladie soit reconnu.

2-1- Exemples de conditions :
Pour qu’une affection soit prise en compte 3 conditions doivent être réunies :

  1. La maladie doit être inscrite sur un des tableaux ;
  2. Le salarié doit avoir été exposé au risque, la preuve de cette exposition lui incombant. La liste des travaux est fixée par le tableau, elle peut être indicative ou limitative ;
  3. La maladie doit avoir été constatée médicalement dans un certain délai prévu par les tableaux, dont le point de départ se situe à la fin de l’exposition du risque.

Si l’on remplit toutes les conditions, le caractère professionnel de la maladie sera reconnu. Sinon, si l’on ne remplit pas les conditions fixées par un tableau, on doit prouver que la maladie a été causée par le travail. Au final, comme indiqué précédemment, lorsqu’il y a refus de reconnaissance de la maladie par la CPAM ou à l’instigation directe de la demande par le médecin conseil de la CPAM, c’est le CRRMP (Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles) qui est compétent pour trancher de la décision du caractère professionnel ou pas de la maladie, ainsi que le CnITAAT en dernière voie de recours pour la victime.
Pour les maladies hors tableaux comme les psychopathologies, les pathologies liées au stress (article L.461-1, 4ème alinéa), la reconnaissance n’est possible que si l’on présente un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) au moins égale à 25 %, en état stabilisé de la maladie et sous certaines conditions (article R.461-8 du Code de la Sécurité Sociale).
C’est à l’initiative de la victime qu’il revient de déclarer sa maladie professionnelle à la CPAM, dans les délais précis : envoi du certificat initial à la CPAM de son domicile dans les 24h après constatation de la maladie par le médecin. Tout docteur en médecine doit déclarer une maladie potentiellement d’origine professionnelle dont il a connaissance. Pour autant, en pratique, cette déclaration se heurte à de nombreuses difficultés: absence d’information des salariés, inertie ou refus d’une grande partie du corps médical, menaces patronales sur le déroulement de carrière et de l’emploi, difficulté à intégrer la prise en compte de la santé au travail dans la pratique syndicale quotidienne.
Qu’il s’agisse de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, de la fixation du taux d’incapacité, du montant de la rente, la CPAM doit adresser une décision qui peut, sous certaines conditions, être contestée devant les tribunaux.
La maladie professionnelle, si l’état de la victime le permet, ne doit pas l’empêcher de reprendre son travail, y compris en cherchant des aménagements de poste avec l’employeur et le médecin du travail.
Si le caractère professionnel de la maladie est reconnu, la victime peut bénéficier d’indemnités journalières en cas d’arrêt de travail et, sous certaines conditions, d’une prise en charge des frais de soins et de transports. Une rente (ou dans certains cas un capital) sera attribuée à la victime dès lors qu’une incapacité permanente a été reconnue après consolidation. Sous certaines conditions, les membres de la famille peuvent être indemnisés même après le décès de la personne malade.
L’action en faute inexcusable devant le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale (TASS) permet de démontrer que l’employeur a commis une faute, et obtenir une majoration de l’indemnisation, ainsi que la réparation de préjudices supplémentaires.

3- En résumé : les premières actions pratiques à engager par la victime pour la déclaration et vers la reconnaissance en MP

3-1- Rencontrer les délégués du personnel et militants syndicaux dignes de confiance, qui vous orienteront et vous épauleront dans vos actions et dans vos démarches. Pourquoi et comment ?

  • Ils sont sur le terrain et connaissent les conditions de travail dans l’entreprise et peuvent apporter une aide précieuse et importante à la déclaration et à la reconnaissance d’une maladie professionnelle ;
  • En faisant un travail de repérage des salariés et des retraités concernés, mais aussi d’information et de conviction auprès d’eux et de leur famille ;
  • En donnant des indications pratiques sur la façon d’opérer de déclaration de maladie professionnelle ;
  • De retrouver la mémoire des expositions professionnelles et autres cas de M.P. (témoignages, enquêtes, procès-verbaux, documents techniques, CR CHSCT, CE et DP), et démontrer ainsi, preuves à l’appui, que l’employeur avait conscience du danger et qu’il n’a pas rempli ses obligations de sécurité pour protéger les salariés ;
  • De recommander au besoin les conseils d’un juriste ou d’un avocat spécialisé et expérimenté dans ce domaine.

Dès lors, dans ce travail d’aide et de soutien dans l’intérêt du salarié, le syndicat d’entreprise peut disposer de documents, de points d’appui en travaillant avec le syndicat des retraités, l’association des victimes, la mutuelle, renseigner sur les démarches à entreprendre auprès des instances médicales et de consultations de pathologies professionnelles, conseiller l’intéressé pour agir également auprès de l’inspection du travail et du médecin inspecteur du travail et permettre ainsi, avec des arguments et pièces complémentaires à l’appui, à consolider et valoriser le dossier MP, en particulier auprès de la CPAM. L’existence d’administrateurs syndicaux dans les différentes instances de la sécurité sociale devrait aussi pouvoir aider.

3-2- Faire constater son problème de santé auprès du service de santé de l’entreprise, accompagné du délégué du personnel et syndical. Le service de santé doit enregistrer la demande du salarié, rédiger une déclaration en MP, ça c’est moins sûr, d’où l’intérêt d’être accompagné par un délégué syndical si problème. Au mieux, le service de santé dirige la personne vers son médecin traitant. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il ne faut pas se laisser influencer par les informations du service de santé de l’entreprise. L’expérience montre l’inertie des médecins du travail dans ce domaine, parfois très en retrait dans leurs prérogatives envers les salariés, et qui se heurtent également aux pressions de l’employeur à ne pas déclarer de MP.

3-3- Consulter son médecin traitant pour rédiger une déclaration en MP + un certificat initial et l’adresser à la CPAM de son domicile dans les 24 heures (se reporter en fiche 2 au point 4-1 Médecin traitant).

3-4- En réponse, dans les 3 semaines qui suivent la réception de la déclaration MP, la CPAM adresse à la victime un questionnaire à remplir, et à renvoyer rapidement (indiqué sur le courrier). Bien documenter ce questionnaire en ajoutant des pièces à l’appui au besoin.
Exemple de questions posées :

  • Coordonnées du médecin du travail
  • Décrire les travaux que vous réalisez et la cadence de vos travaux
  • Décrire les gestes que vos exécutez, votre lieu et votre poste de travail
  • Citez les outils et les produits que vous utilisez
  • Identifier vos employeurs successifs
  • Pourquoi, à votre avis, serait-elle d’origine professionnelle ?
  • Par quels travaux, produits ou outils, serait-elle survenue ?
  • Dans quels types de gestes ou de postures cette maladie est-elle mise en évidence ?
  • Commentaires ? Nom, adresse, N° de Tél., signature.

En parallèle, normalement et déjà à ce moment là, et même pour une aide à la victime à documenter le questionnaire, la CPAM devrait engager une enquête administrative, dans le respect de la charte AT-MP de la CNAMTS. Sur ce point, on voit bien l’intérêt apporter par l’enquête auprès du médecin conseil, et des progrès encore à faire dans l’application de la charte, car bien souvent, l’enquêteur ne rencontre pas la victime ou bien longtemps après, alors que le médecin conseil a déjà statué sur son sort. Donc le principe du contradictoire n’est pas respecté (se reporter en fiche 2 au point 4-3 CPAM).

3-5- Réception d’un courrier de convocation pour rencontrer le médecin conseil de la CPAM
La date de convocation est fixée environ 2 mois après la première date de la déclaration MP, sachant que la victime est informée 8 à 10 jours avant, à se présenter à la convocation du médecin conseil. On peut faire décaler cette date, mais il faut que la demande soit bien argumentée.
Le processus est en marche. Le médecin conseil dispose des éléments tels que la déclaration MP, les réponses au(x) questionnaire(s). Le jour de la convocation, il faut apporter les ordonnances du médecin traitant, les résultats de radios, les certificats médicaux des docteurs : médecin traitant et médecin du travail (s’il existe). A noter que l’on peut se faire accompagner et assister de son médecin traitant ou d’un expert médical. (coût d’intervention et de déplacement à prévoir à la charge de la victime). Suite à l’entretien et à l’examen sur place, le médecin conseil statue sur la reconnaissance de la MP et décide ou pas si le dossier mérite d’être transmis au CRRMP (se reporter en fiche 2 aux points 4-3 CPAM et 4-4 Médecin Conseil, et fiche 3 au point 5-1 Médecin Conseil).

3-6- Refus de la CPAM à reconnaître la MP et les voies de recours possibles : dans cette hypothèse, se reporter à la fiche 3.

3-7- Informations complémentaires : Il faut retenir aussi que l’on peut (doit) demander au :

  • service santé au travail de l’entreprise : de se faire transmettre la copie de son dossier médical. En effet, la communication de ce document médical sous un délai de 8 Jours est prévue par l’article L.1111-7 du Code de la Santé Publique (loi Kouchner).
  • service médical de la CPAM : de se faire transmettre également la copie du rapport médical d’évaluation correspondant, sous un délai de huit jours, toujours selon l’article L.1111-7 du Code de la Santé Publique.

Dans les faits et par expérience, ne pas hésiter à relancer les demandes déjà formalisées, notamment auprès de la CPAM pour obtenir les documents médicaux (les délais à répondre ne sont pas toujours respectés, loin de là).
A réception, ces dossiers médicaux seront à analyser par la victime et des éléments pourront être mis en évidence, en rapport avec la demande en reconnaissance MP, dans les voies de recours.
D’autre part, s’assurer si la caisse a bien respecté la procédure pour donner un avis de reconnaissance MP dans les délais. Dans le cas contraire, se reporter à la fiche 2 au point 4-3 CPAM. Important à savoir pour la victime ou le patient.
En outre et dans tous les cas, faire des photocopies et avoir toujours un double des éléments du dossier transmis. De surcroît, précautions élémentaires de réflexe à avoir : ne pas laisser ces dossiers confidentiels à la vue de tous, notamment sur son lieu de travail, au risque de divulguer des éléments et des arguments dans les dossiers, et compromettre ainsi sa défense contre l’employeur.

Lexique des abréviations

MP : Maladie professionnelle
AT : Accident du Travail
CRRMP : Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles
CNITAAT : Cour Nationale de l’Incapacité et de la Tarification de l’Assurance des Accidents du Travail
CPAM : Caisse Primaire d’Assurance Maladie
CNAMTS : Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés
TASS : Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale
IPP : Incapacité Permanente Partielle (c’est un taux évalué)
CHSCT : Comité Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail
DP : Délégué du Personnel
CE : Comité d’Établissement
CR : Compte rendu
PV : Procès verbal

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