La Part variable destructrice des conditions de travail…

48-sud-bpceEn janvier 2014, les CHSCT siège et réseau de la Caisse d’Epargne Ile De France (CEIDF) demandaient une expertise portant sur les impacts sur les conditions de travail, de santé et de sécurité du dispositif de part variable. La restitution du rapport par les experts a eu lieu le 20 janvier 2015 pour le CHSCT réseau en présence DRH qui présidait pour la première fois l’instance.

 

En dépit des demandes convergentes des experts et des représentants du personnel qui préconisaient l’envoi d’un questionnaire à l’ensemble des salariés, c’est une centaine de collègues, choisis par la direction, qui ont participé à des entretiens individuels ou collectifs. Malgré les efforts déployés par le DRH afin de limiter la portée de l’expertise, le rapport démontre sans ambiguïté que la part variable est destructrice de nos collectifs de travail et a une incidence sur notre santé et nos conditions de travail. Bien entendu, la direction n’en fait pas la même lecture, allant même jusqu’à reprocher aux experts leurs décalages de perception ainsi que les verbatims des salariés interrogés.

Pour le DRH, si certains collègues n’adhèrent pas à la part variable, c’est tout simplement qu’ils n’en comprennent pas les règles : il n’est donc pas envisageable de la remettre en cause mais seulement d’en simplifier le règlement (sic).

Les constats sont alarmants, sauf pour une direction toujours dans le déni. Nous vous livrons quelques extraits du rapport :

Absentéisme

Expertise  : « L’absentéisme est très important, à la CEIDF, atteignant un taux de 11,03% en 2012. Il se maintient en 2013, avec un taux de 11,05%…soit l’équivalent de 645,19 ETP en moins. »

Sous-effectif

Expertise : « Pour le réseau, nous avons demandé aux agents les effectifs théoriques et les effectifs réels au jour de notre rencontre. Dans beaucoup d’agences, l’effectif théorique n’était pas atteint, avec parfois des distorsions très inquiétantes en termes de conséquences sur les conditions de travail. »

Salarié : « On est censé être 12, on est 7. On a du « prêter » 2 personnes pour aider à ouvrir des agences qui étaient moins de 2 pour ouvrir ».

Turn-over

Expertise : « Le turnover est élevé en 2012, à la CEIDF, atteignant un taux de 11%. En 2013, il reste aussi élevé, avec un taux de 11%. Avec une part importante de départs aux motifs de démissions (24% en 2013), de ruptures de fin de période d’essai (10%). »

Risques Psychosociaux – Dérives – Mobbing*

Expertise : « Nous attirons l’attention du CHSCT sur le fait que certains salariés sont parfois décrits par leurs collègues de travail comme non impliqués, non investis dans leur travail alors qu’ils considèrent avoir une vision différente du métier, effectuer un nombre important de tâches, délaissées dans l’agence car ne rapportant pas de points, par exemple. Ils peuvent se sentir stigmatisés, mis à l’écart, être victimes de propos discriminatoires. Le management a pour rôle de réguler ces écarts de comportements, recadrer les agissements qui pourraient engendrer des situations à risque. »

Salarié : « Cela peut être malsain, surtout quand les résultats de tout le monde sont affichés, alors que normalement c’est confidentiel, alors ceux qui ont eu des mauvaises performances sont en stress, ils sont montrés du doigt, c’est le mouton noir »

Pression Commerciale et conflit éthique

Expertise: « C’est aussi le conflit éthique, encouragé par la récompense à la vente, qui peut également mettre certains commerciaux en difficulté. Plusieurs salariés évoquent la difficulté qu’ils ont à maintenir des objectifs contradictoires à savoir : vendre à tout prix, quel que soit le contexte, et respecter son devoir de conseil auprès des clients. »

Salarié  : « Parfois, quand on doit boucler les temps forts ou qu’on n’a pas atteint le quota des ventes, on a la consigne de vendre x produits dans la journée, le premier client qui arrive dans l’agence est alors l’heureux gagnant du produit x ! »

Différentes situations de travail

Expertise : « Aussi, d’une agence à une autre, d’un service à un autre, même si le travail prescrit est le même, la réalité des situations de travail quotidiennes est différente et inégale. »

Salarié : « Les objectifs individuels sont définis de manière identique par métier. Ils ne tiennent pas compte des contextes, des situations, des potentiels etc. Sentiment d’iniquité en fonction de l’agence dans laquelle on travaille. »

Ce nouveau rapport d’expertise s’ajoute dans ses constats aux précédents ainsi qu’à ceux des médecins du travail. Tous alertent l’employeur sur les effets néfastes de la part variable sur les conditions de travail et la santé des salariés. Malgré tout, la direction se refuse à tout changement. Combien de rapports lui faudra-t-il encore avant d’agir ?

Expertise : « Le dispositif de la part variable tel qu’il est constitué aujourd’hui à la CEIDF fait débat. Il génère, nous le voyons à travers ce rapport, des comportements à risque pour la santé physique et mentale des salariés, en particulier avec un culte de la performance et de la compétition, des sentiments d’injustice et de démotivations dans certains cas, des tensions dans les collectifs de travail et des comportements de mise à l’écart de certains salariés, qui constituent aujourd’hui des facteurs de risques psychosociaux ».

« Aussi, il parait nécessaire de poser les conditions pour un débat apaisé sur la pertinence de maintenir le dispositif actuel de part variable dans le réseau comme au siège, afin de valider les critères d’adhésion de l’ensemble des salariés à ce type de dispositif; avec une réflexion, le cas échéant sur une solution alternative à la rémunération variable au siège et au réseau. »

Salarié : « S’il n’y avait pas de part variable, alors on travaillerait avec moins de stress, on irait plus dans le sens du client. A ce rythme on va vers un suicide collectif. Le client a été saigné. Les ventes ne sont pas adaptées à la clientèle »

Sud BPCE a toujours été opposé à la part variable en ce qu’elle a de destructeur tant pour les collectifs de travail que pour la santé des salariés de la CEIDF. Malheureusement ce énième rapport conforte notre position.

A la solution alternative suggérée par l’expert, le syndicat Sud BPCE répond : le versement d’une prime correspondant à un mois de salaire brut moyen dans l’entreprise qui serait plus juste et nous permettrait, à tous, de travailler plus sereinement.

 

*Le mobbing est une forme d’harcèlement particulier parce qu’il s’exerce par un collectif sur une victime. Il se caractérise par des confrontations, brimades, sévices, dédain de la personnalité et répétition fréquente des agressions sur une assez longue durée. Dans ce cas, les agresseurs peuvent être des subordonnés agressant leur supérieur hiérarchique ou des collègues.

Selon l’expression de Heinz LEYMANN, La persécution au travail, éd. Du Seuil, 2002.