Et voilà ! Bordeaux aussi a fait ses journées sur la santé au travail !
Réunissant 140 participantes et participants à la MPS d’Artigues près de Bordeaux, où l’interprofessionnel était la règle avec Sud CT, Sud Rail, Sud PTT (poste, orange et télé performance), Sud Santé Sociaux, Sud CAM, solidaires finances Publiques, sud métaux, Sud Safran, Sud GFI, Sud Intérim, mais aussi avec un équilibre entre privé et public. Nous avons également élargi à d’autres militants avec la présence de trois militants CGT et un militant CNT. Parmi les intervenants extérieurs, on a pu compter sur les apports très enrichissants de Damian Kawe (Inspecteur du travail), d’Adrien Mazière (qui écrit une thèse sur les centres de télé performances), Marie Pascual (Médecin du travail), Elodie Pelletier (Ergonome), Nicolas Spire (Sociologue) et les débats ont été nombreux. Eric Beynel est également venu dans la capitale Girondine pour nous prêter main forte. Les acteurs étant en place, passons au déroulé.
Deux films ont ponctué cette 1ere demi-journée. Le film sur Carglass, un des opus de la mise à mort du travail a entrainé quelques réactions épidermiques de la salle. Le sujet plus difficile du suicide avec le témoignage combatif de la veuve d’un salarié de France Telecom qui s’est immolé par le feu il y a 4 ans, film vibrant mais déterminé réalisé par Gilbert Hanna, a interpellé chacune et chacun sur cette terrible réalité. Denis Grabot psychologue spécialisé sur les questions de suicide est intervenu ainsi que Marie Pascual sur les symptômes allant de la boule au ventre jusqu’au burn-out.L’après-midi a été principalement consacré aux 3 ateliers : « le scandale des centres d’appels, télé performance et open-space », « le CHSCT lieu de débats d’experts ou contre-pouvoir », et « le lean management et le benchmarking ».
De l’atelier CHSCT, il est ressorti certains constats et certaines idées maitresses : le besoin d’un retour au collectif, la vigilance inquiète des salariés. L’idée que tous étaient concernés quand il y a un problème dans un service et que l’on doit rendre compte à tous quand un problème ressort d’un service. Egalement le problème des restructurations dans les entreprises avec les baisses d’effectifs qu’elles entrainent et la détérioration des conditions de travail. Les problèmes inhérents aux CHSCT ont été évoqué tels que le délit d’entrave dont les élus sont souvent victime, les tentatives de récupération par l’employeur, les problèmes de l’après expertises, les commissions qui doivent restées dépendantes des CHSCT, le burn-out de l’élu (auquel on doit rester attentif), les actions de préventions de la CARSAT (à laquelle il faut faire appel), l’arbre des causes qui n’est pas mieux que la communication avec les salariés concernés, l’idée que le conjoint peut demander la reconnaissance en accident du travail même quand le suicide du salarié a lieu à son domicile. Des problématiques autour du fait qu’un médecin ou un inspecteur du travail qui s’implique trop est souvent muté. Différents leviers ont été évoqués : se servir du danger grave et imminent, du droit de retrait, rappel que le CHSCT peut lui-même faire une enquête.
Dans l’atelier centre d’appels et open space nous avons eu l’apport d’un camarade du Bénin qui nous a parlé de la situation du travail au Bénin en replaçant ses analyses dans le contexte historique du pays. On constate que les mêmes recettes sont utilisées partout : La précarisation du travail, l’intérêt de l’employeur à faire de l’économie d’espace, de faire de l’autorégulation, d’avoir une meilleure surveillance sur les salariés. Les conséquences de travail en open space et centres d’appels : les Arrêts de travail qui augmentent de 80%, les difficultés de concentration, différents troubles physiques qui s’expriment. Du coup le turn-over est important, la durée moyenne d’un emploi est d’1 an, les managers sont déshumanisés et intrusifs, les primes individuelles ou collectives font marcher la concurrence. Les indicateurs et les objectifs sont variables, les organisations flexibles, les plannings changent souvent, l’exigence est forte et le chantage à l’emploi et à la délocalisation est la règle. Le salarié qui ne produit pas assez est reçu individuellement mais sur la plateforme afin que tout le monde puisse voir et entendre, ce qui crée une pression supplémentaire car les incivilités au téléphone des gens appelés sont déjà la règle. Le salarié qui est dans le collimateur est victime de stratégies d’isolement et son planning est souvent changé. A la question « Que font les IRPs ? L’atelier a répondu qu’il est difficile de mener des actions syndicales avec un turn-over si important, les IRPs sont souvent les potes de la direction. Une stratégie développée pour les gens qui reçoivent les appels a été donnée : 1- Où avez-vous eu mon numéro de téléphone ? Et 2- Demander la suppression du téléphone de la liste. Au Crédit Agricole on assiste à une généralisation des open space et des accueils partagés avec les nouveaux concepts agence. A Orange, les openspace : c’est l’avenir ! On voit bien que les méthodes sont standardisées dans le monde entier. Un salarié de plateforme a scotché tout le monde en parlant de son manager qui a demandé à toute l’équipe de venir gratuitement un dimanche pour repeindre les locaux !
Dans l’atelier Benchmarking et Lean Management on est vite passé de la définition des concepts et du constat à la mise en place d’idées pour contrer ces systèmes et donc quelles pratiques syndicales mettre en place face à ces méthodes. Plusieurs pistes ont été explorées parmi lesquelles : le besoin de se réapproprier les moments de convivialité avec un temps pour le café et l’importance de prendre des repas hors de l’entreprise. Remettre l’humain dans l’action syndicale est apparu comme une idée importante tout comme le travail sur le terrain. La pratique d’enquête pas seulement en cas de soucis, le compte rendu aux salariés, la diffusion des tracts de la main à la main, occasion de discussions et d’échanges, l’importance de l’humour et d’utiliser tous les supports de communication sont autant de pistes qui sont apparues comme essentielles. L’idée de faire des passerelles aussi a été émise, un salarié a parlé de cycle ciné débats qu’il a introduit avec les salariés de son entreprise. Des pistes d’actions ont été apportées avec des exemples qui ont déjà fonctionné comme le boycott de boites à clics, la désobéissance collective, le développement de lexique incorrect. Dans cet atelier aussi des camarades ont insisté sur l’importance du travail collectif au sein même du syndicat
Pour la soirée Leila Rossi nous a fait une flamboyante conférence gesticulée sur le RSA. La Confédération paysanne s’est chargée d’un apéritif aux couleurs locales, et après le repas quelques petits pas de danse ont brulé le dance-floor aux rythmes des playlists des uns et des autres.
Le lendemain, les comptes rendus des ateliers développés ci-dessus, ont été relayé par une interaction entre la salle et les intervenants « experts ». Ces échanges ont été nécessaires pour réussir à prendre du recul et lier ces problèmes à la campagne « les capitalistes nous coûtent cher » et au contexte social et politique actuel avec les projets de loi Macron et de dialogue social. Les interventions de la salle qui se sont peu à peu débridées ont permis de construire des pistes d’actions pour renforcer notre syndicalisme interprofessionnel. Au sortir de ces journées un bon nombre des participantes et participants nous ont exprimé à chaud leur satisfaction
Parmi les nombreuses pistes envisagées on trouvera pèle mêle :
- La mise en place d’une mailing list EtvoilàleW33 pour tous les participantes et participants,
- Élargir d’avantage à la région Aquitaine, pas assez de participants des autres départements
- La mise en place d’une commission locale des conditions de travail,
- La construction de nouveaux modules de formations syndicales, notamment sur des actions concrètes de désobéissance civile,
- Le renfort de l’équipe d’animation de Solidaires33,
- L’organisation de nouvelles journées mi-avril 2016,
- Une réflexion sur le tiers temps syndical (1/3 sur les IRP, 1/3 avec les salarié-es, 1/3 dans l’interpro)
- Organiser des prises de parole dans des lieux publics pour aller à la rencontre des salarié-es mais pas seulement.
- Préparer et organiser une action sur la Bourse de Bordeaux pour le premier mai, et reprendre le rôle des Bourses de travail pour faire de notre rue de la Course un lieu d’échanges et de formation populaire.
- Prendre appui sur le travail fait sur les conditions de travail pour syndiquer dans le privé et élargir la base sociale de Solidaires