Inaptitude

La cour de cassation clarifie les compétences des juridictions en matière d’indemnisation…

En présence de deux affaires similaires mais des jugements différents prononcés en appel, la cour de cassation a voulu définir précisément la compétence et la fonction du juge prud’homal.

Dans la première affaire, une salariée licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement à la suite d’un accident du travail avait saisi la juridiction prud’homale pour obtenir des dommages et intérêts. L’intéressée faisait valoir que son employeur avait manqué à son obligation de sécurité et qu’en conséquence son licenciement était abusif car dépourvu de cause réelle et sérieuse. La cour d’appel a rejeté la demande de l’employeur qui soutenait que la demande de l’intéressée relevait du tribunal des affaires de sécurité sociale.

Dans la seconde, un salarié victime lui aussi d’un accident du travail dû à la faute inexcusable de l’employeur, licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement réclamait devant le conseil des prud’hommes une indemnité en réparation du préjudice subi par la rupture de son contrat de travail. La cour d’appel a rejeté cette demande au motif qu’elle tendait à la réparation d’un préjudice né de l’accident du travail.

Compte tenu de ces jugements contrastés la chambre sociale de la cour de cassation a clarifié les compétences respectives du Conseil des prud’hommes (CPH) et du tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) en cas d’inaptitude.

– Le TASS est seul compétent pour déterminer l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Il revient également au TASS de prononcer le cas échéant sur la faute inexcusable de l’employeur qui si elle est reconnue ouvre droit à une indemnisation complémentaire.
– Le CPH quant à lui est seul compétent pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour attribuer le cas échéant une indemnisation au titre d’un licenciement abusif ou sans cause réelle et sérieuse dont le montant est désormais plafonné . Cela signifie que devant cette juridiction les salarié-es pourront plaider la violation de l’employeur de son obligation de sécurité de résultat.

Dans sa note explicative la cour de cassation rappelle que la rente versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle indemnise, d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité et, d’autre part, le déficit fonctionnel permanent. Quant à la perte de l’emploi et des droits à la retraite elle est réparée par l’application des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale.

En conséquence le juge prudhommal ne peut indemniser la perte des droits à la retraite consécutive à un accident du travail.

…et confirme qu’en cas de faute inexcusable le licenciement est nécessairement injustifié.

Au travers de ces deux arrêts la cour de cassation confirme qu’un licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse s’il est démontré que l’inaptitude a pour cause un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

« Le licenciement, même fondé sur une inaptitude régulièrement constatée par le médecin du travail, trouve en réalité sa cause véritable dans ce manquement de l’employeur. Si cette solution n’est pas nouvelle elle est désormais affirmée avec netteté par la chambre sociale et doit être reliée au principe selon lequel il incombe aux juges du fond de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement. »

Cass.soc., 3 mai 2018, n°16-26850 et n°17-10306

Rappel de l’obligation de sécurité de l’employeur
L’obligation de sécurité à laquelle est tenu l’employeur, en vertu de l’article L. 4121-1du code du travail, lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs et lui interdit, dans l’exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés (Soc., 5 mars 2008, Bull.2008, V, n°46, pourvoi n°06-45.888). Le manquement de l’employeur à cette obligation engage la responsabilité de l’employeur (Soc., 19 décembre 2007, pourvoi n° 06-43.918, Bull. 2007, V, n° 216).
Cependant, même s’ils sont intrinsèquement liés à l’exécution du contrat de travail, l’appréciation et l’indemnisation de ces manquements ne relèvent pas nécessairement de la compétence de la juridiction prud’homale.