Les propositions de reclassement
– elles n’ont pas à être présentées par écrit
Contrairement au licenciement économique le reclassement consécutif à une inaptitude qu’elle soit d’origine professionnelle ou non, n’a pas être formalisé par écrit.
Dans cette affaire un salarié reconnu inapte après une maladie non professionnelle avait reçu par courrier une première proposition de reclassement qu’il avait déclinée. L’employeur avait alors réuni les délégués du personnel et le salarié pour examiner ensemble les postes disponibles qui pouvaient être occupés par l’intéressé mais que celui-ci a refusés en réunion (ce qu’un PV de la réunion attestait). La cour d’appel avait donné gain de cause au salarié qui n’avait pas reçu de propositions écrites de reclassement.
La cour de cassation a annulé la décision de la cour d’appel au motif que cette dernière a ajouté une condition à la loi et rappelé « qu’aucun texte n’exige que la proposition de reclassement faite au salarié déclaré inapte soit effectuée par écrit ».
Cass.soc., 31 mars 2016, n°14-28314
– elles peuvent être présentées oralement pendant l’entretien préalable au licenciement
« Les dispositions de l’article L. 1226-2 du code du travail n’exigent pas que les propositions de reclassement effectuées par l’employeur revêtent la forme d’un écrit et ne prohibent pas la formulation de telles propositions lors de l’entretien préalable ».
Cass.soc., 22 septembre 2016, n°15-15966
– elles peuvent être limitées aux exigences du salarié
Jusqu’à présent lorsqu’un-e salarié-e était déclaré-e inapte par le médecin du travail l’employeur devait rechercher tous les postes de reclassement dans l’entreprise et dans le groupe même si le ou la salariée avait refusé un ou plusieurs postes. Par deux arrêts du 23 novembre 2016 la cour de cassation a abandonné cette jurisprudence. Dans ces deux affaires, les salarié-es faisaient valoir que l’employeur n’avait pas élargi ses recherches de reclassement au niveau des sociétés européennes du groupe. L’employeur quant à lui fait valoir que dans un cas le salarié avait refusé d’être reclassé sur un emploi éloigné de son domicile, et que dans l’autre, l’employée n’avait pas répondu aux propositions de postes situés en France et qu’en conséquence il avait jugé inutile de proposer des postes encore plus éloignés.
Cass.soc., 23 novembre 2016, n°14-26398 et n°15-18092
La justification de l’impossibilité de reclassement
Selon l’article L1226-12 du code du travail, en cas d’inaptitude d’origine professionnelle l’employeur est dispensé de son obligation de reclassement si l’avis du médecin du travail précise que « le maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé » sauf dans le cas où l’entreprise appartient à un groupe.
Toutefois lorsque l’avis du médecin du travail concerne l’inaptitude à l’emploi que le salarié occupait précédemment ou s’il précise que « le salarié est inapte à tout poste dans l’entreprise » ou « que son état de santé ne permet pas de proposer un reclassement dans l’entreprise » ne dispense pas l’employeur de son obligation de reclassement au sein de l’entreprise ou du groupe. C’est ce que vient de confirmer la cour de cassation dans deux arrêts rendus le 5 octobre 2016.
Cass.soc., 5 octobre 2016, n°15-18205 ; Cass.soc., 5 octobre 2016, n°15-16429
En revanche lorsque le médecin du travail -après avoir rendu un avis d’inaptitude- est de nouveau consulté par l’employeur sur les mesures envisageables pour reclasser les salariés et qu’il apporte des précisions supplémentaires comme celles-ci:
-après avoir visité l’atelier le médecin du travail exclut le salarié de « tout poste de production dans l’entreprise en raison d’une prohibition de tout mouvement répétitif » Cass.soc., 5 octobre 2016, n°15-15656
– dans deux courriers successifs le médecin du travail avait précisé que « c’était le fait de travailler dans l’entreprise qui posait le problème de l’inaptitude et qu’aucune proposition de reclassement n’était envisageable » Cass.soc., 5 octobre 2016, n°15-16429.
Dans ces deux affaires les juges de la cour de cassation ont considéré que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation de reclassement et que le licenciement des salariés reposait sur des causes réelles et sérieuses.
Le reclassement en dehors de l’entreprise
Selon une jurisprudence datant de 2011, la recherche d’un reclassement doit se faire non seulement au sein de l’entreprise mais encore dans l’ensemble des structures liées à l’entreprise par la possible permutation de tout ou partie du personnel. Dans le cas contraire la recherche de reclassement n’est pas considérée comme suffisamment précise et le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause sérieuse et réelle.
Deux arrêts du 17 mai 2016 de la cour de cassation ont jugé que la recherche de reclassement du salarié hors de l’entreprise où il est affecté s’apprécie sur le seul critère de la possible permutation des personnels.
Dans ces deux affaires la cour de cassation a annulé les décisions de deux cours d’appel qui reprochaient aux employeurs leur insuffisance de recherches de reclassement au sein de structures tierces sans avoir préalablement caractérisé une possibilité de permutation de personnel entre ces structures.
La cour de cassation a rappelé « que la proposition de reclassement s’apprécie à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ».
Cass.soc., 17 mai 2016, n°14-21322. Cass.soc., 17 mai 2016, n°14-24109
Enfin dans une autre affaire si l’employeur avait bien effectué des recherches auprès des autres sociétés du groupe pour reclasser le salarié, il s’était toutefois abstenu au sein de l’entreprise elle-même de rechercher des possibilités de reclassement « au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformation de postes de travail ou aménagement du temps de travail ». Ainsi l’avis d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise délivré par le médecin du travail ne dispense pas l’employeur de rechercher les possibilités de reclassement du salarié au besoin par des mesures d’adaptation du poste de travail.
Cass.soc., 17 mai 2016, n°14-21948.
Important : le dispositif relatif à l’inaptitude est modifié
La loi Rebsamen a modifié le licenciement pour inaptitude professionnelle en supprimant pour l’employeur l’obligation de reclassement dès lors que « l’avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ».
Par ailleurs la loi El Khomri harmonise les obligations des employeurs quelle que soit l’origine de l’inaptitude (professionnelle ou non) et confie désormais les contestations des propositions des médecins du travail non plus à l’inspection du travail mais aux conseils des prud’hommes.
Une fiche outil de Solidaires est en cours de rédaction sur les modifications apportées au dispositif de l’inaptitude.