Fiche reconnaissance des Maladies Professionnelles N° 3 : Les voies de recours pour la reconnaissance en maladie professionnelle dans le privé

Chronologie des évènements et des voies de recours possibles en cas de refus de la prise en charge de la maladie professionnelle par la CPAM, et si on estime devoir contester cette décision.

Rappel et données d’entrée : un certificat médical initial en maladie professionnelle (CMI) a été établi par le médecin traitant (formulaire cerfa n° 11138*01, couleur violette), le médecin spécialiste ou le médecin du travail et a fait l’objet d’une déclaration en maladie professionnelle (formulaire cerfa n° 50562#02) auprès de la CPAM du domicile de la victime.

Comme indiqué dans la fiche 2, le médecin conseil a le pouvoir, au terme d’un colloque médico-administratif, de notifier ou non la reconnaissance de votre maladie en maladie professionnelle, de fixer votre taux d’IPP, de transmettre ou non votre dossier auprès du Comité Régional de Reconnaissance des MP (CRRMP) : revoir les points 4-3 CPAM et 4-4 médecin conseil de la fiche 2 sachant, que l’avis de reconnaissance en MP par le CRRMP s’impose à la Caisse (très important).
La CPAM doit instruire votre demande dans un délai de 6 mois maximum. Au terme de ce délai réglementaire, vous pouvez recevoir un refus de prise en charge qui peut se présenter sous la forme :

  • « J’ai le regret de vous informer que la maladie que vous avez déclarée ne peut être prise en charge au titre des MP, en application de l’article – – – . Si vous estimez contester cette décision, vous devez adresser votre réclamation motivée – – – au Secrétariat de la Commission de Recours Amiable (CRA) : adresse indiquée dans la lettre, dans les deux mois suivant la réception de cette lettre, « en joignant tout élément que vous jugerez utile pour l’examen de votre recours ».

ou bien

  • « Par ailleurs, ce dossier instruit dans le cadre du système complémentaire de reconnaissance MP ne peut être soumis à l’examen du CRRMP au titre de l’article – – -, car selon l’avis du médecin conseil, – – -. Si vous estimez contester cette décision et le taux d’IPP fixé, vous avez la possibilité de saisir dans un délai de deux mois, à compter de la présente décision », le Tribunal du Contentieux de l’Incapacité (TCI) : adresse indiquée dans la lettre.

5 – 1 La Commission de Recours Amiable (CRA)

La saisine de la CRA doit intervenir dans un délai de deux mois après la notification de la décision de la CPAM.
Attention, sa saisine est impérative pour engager ultérieurement une action contentieuse devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) et un argument qui n’aurait pas été développé devant la CRA pourrait être irrecevable devant le TASS.
La CRA ne convoque pas l’intéressé et statue sur dossier. Mais en général, elle ne prend aucun risque et confirme la décision de la CPAM. Ce principe ne se concrétise pas forcément par une visite mais par la possibilité donnée à la victime et à l’employeur de venir consulter les pièces du dossier d’instruction, pour éventuellement l’enrichir ou savoir sur quoi construire sa contestation. Lorsque ce principe n’a pas été respecté, il est possible à la victime d’obtenir une reconnaissance au contentieux pour non respect de la procédure.
Dans sa réponse, la CRA s’appuie sur les éléments en sa possession, mentionne les déclarations de l’employeur issues du rapport de l’enquêteur de la CPAM, fait également référence aux articles du Code de la Sécurité Sociale, et conclut que pour ces motifs, elle a décidé de vous refuser les prestations pour les troubles décrits… « En application de l’article ….. , si vous estimez contester la décision de la CRA, vous avez la possibilité de saisir » le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (TASS) dans un délai de 2 mois à compter de la présente notification : adresse indiquée dans la lettre.
Remarque importante : la CRA a un mois pour statuer, mais il arrive souvent qu’elle ne réponde pas à une saisine. Son absence de réponse au-delà de ce délai vaut refus implicite. Vous avez alors deux mois pour déposer un recours devant le TASS (cf. point 5-3).

5 – 2 Le Tribunal du Contentieux de l’Incapacité (TCI)

Si la maladie se situe hors des tableaux de maladies professionnelles, elle peut être instruite par le CRRMP, à condition que le taux d’IPP fixé par le médecin conseil de la CPAM soit égal ou supérieur à 25 %. Si la notification de refus de reconnaissance stipule que votre dossier n’a pas pu être soumis à l’examen du CRRMP en raison d’un taux d’IPP inférieur et que vous souhaitez contester ce taux, vous pouvez le faire auprès du TCI.
Ce tribunal juge également certaines décisions des CARSAT (Caisse d’ Assurance Retraite et de la Santé Au Travail) relatives à l’état ou au degré d’invalidité ou d’incapacité, et à l’appréciation de l’état d’inaptitude à l’égard des avantages de vieillesse. Le recours doit se faire dans un délai de deux mois après la notification du taux d’IPP, de préférence par lettre recommandée avec AR. Lors de l’audience, en présence de la victime, le TCI est amené à revoir et à se prononcer sur le taux d’IPP, en fonction des éléments du dossier produit et de l’examen sur place de la victime par un médecin expert spécialisé sur la MP désignée, au service du tribunal, notamment pour les maladies classées hors tableaux et dont le taux d’IPP est inférieur à 25 %.
Il est vivement conseillé de se présenter à la convocation du TCI avec le soutien d’un expert de la maladie, qui peut être recommandé par une association comme la FNATH (Fédération nationale des accidentés de la vie). Cet expert, au cours de l’audience, aide la victime à faire reconnaître sa MP et argumente auprès du tribunal pour fixer un taux, car l’expert du tribunal et contradicteur de l’expert de la victime, a tendance à ne pas vouloir reconnaître la MP et, au mieux, à fixer un taux peu élevé, qui n’est pas sans conséquence sur les indemnisations à venir, en particulier sur le montant de la rente de la victime, dans le cas d’une reconnaissance ultérieure en maladie professionnelle.
Il est conseillé également de se faire accompagner à l’audience par un avocat spécialisé. Compte tenu de ses compétences et de son expérience, il interviendra en faveur de la victime pour soulever, entre autres, les circonstances, l’aspect juridique et de jurisprudence en la matière, sur les MP. Il est à noter que l’avocat de la partie adverse, donc de l’employeur, peut aussi être présent le jour de l’audience au TCI.
Pour information, quelques indications de prix (à la charge de la victime) :

  • Expert médical de soutien de la victime au TCI :
    . consultation à son cabinet : 50 à 80 €
    . rédaction d’un rapport : 200 à 400 €
    . assistance à l’audience du TCI : 200 à 300 €
  • Avocat : environ 300 € de l’heure de consultation à son cabinet. Prix forfaitaire envisagé, selon l’importance du dossier, à négocier avec l’avocat.

Important : si le jugement est en faveur de la victime, il peut inclure le remboursement des frais d’avocat au terme de l’article 700 du Code de procédure civile.
Si le jugement du TCI est en défaveur de la victime, il est encore possible de faire recours, dans le délai d’un mois à compter du jugement, auprès de la Cour Nationale de l’Incapacité et de la Tarification de l’Assurance des Accidents du Travail ( CNITAAT) : adresse indiquée dans la lettre.

5 – 3 Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (TASS) est sollicité si la CRA a confirmé le refus de reconnaissance notifié par la Cpam ou si elle n’a pas répondu dans un délai de un mois après le dépôt du recours.

Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (TASS) est une juridiction spécialisée de l’ordre judiciaire et tranche notamment les litiges entre les assurés sociaux et les Caisses de Sécurité Sociale, à condition que la CRA ait été auparavant sollicitée (cf. point 5-1). Ce recours s’effectue sur simple lettre (de préférence en recommandé avec accusé de réception) qui précise que la victime (ou ses ayants droit en cas de décès) sollicite la prise en charge de l’affection déclarée à telle date au titre de la législation professionnelle.
Après réception de cette demande de recours, le TASS adresse un accusé de réception au demandeur (la victime) associé à un N° de recours, en indiquant : « vous serez convoqué ultérieurement devant le tribunal » et en précisant que toutes les parties peuvent venir prendre connaissance du dossier au Secrétariat du TASS (démarche à connaître et possibilité importante à retenir, avant de passer en audience).
Le recours à un avocat n’est pas obligatoire mais conseillé selon l’importance et la gravité du litige. Mais bien sûr, cela a aussi un coût, à la charge de la victime.
Exemple de prix d’une procédure devant le TASS :
2 700 € + pourcentage
En appel : idem, il faut relancer une 2è fois le processus avec les coûts à la charge de la victime.
Important : si le jugement est en faveur de la victime, il peut inclure le remboursement des frais d’avocat au terme de l’article 700 du Code de procédure civile.
D’autre part, avant de comparaître à l’audience, l’assuré ou son avocat, ainsi que la partie adverse, peuvent déposer des observations écrites sous forme de conclusions, au Secrétariat du TASS. En outre, un mois environ avant l’audience, chaque partie devra se transmettre ses conclusions, pour permettre le débat contradictoire le jour de l’audience au TASS.
Par ailleurs, le TASS souligne expressément dans la convocation à l’audience : « votre demande et vos écrits ne peuvent être examinés par le Tribunal que si vous venez vous-même à l’audience pour les soutenir ou si vous êtes représenté par une personne habilitée. Si sans motif légitime, le demandeur (la victime) ne comparaît pas, le défendeur (l’employeur) peut requérir un jugement sur le fond » (Article 468 du Nouveau Code de Procédure Civil).
Il est donc fortement conseillé d’être présent à l’audience.
Nota : à ce stade de la procédure à comparaître devant le TASS, il peut y avoir auparavant une demande de tentative de conciliation entre les parties, pilotée par le service contentieux de la CPAM, et dans la mesure où l’employeur ou son représentant acceptent de se présenter à la convocation. L’opération peut être intéressante à entreprendre pour la victime, car elle peut ainsi avoir un aperçu des arguments déployés par l’employeur, sachant, qu’en cas de non conciliation, rien n’empêche la victime de poursuivre la procédure devant le TASS.

5 – 4 La Cour Nationale de l’Incapacité et de la Tarification de l’Assurance des Accidents du Travail

Le jugement du TCI peut lui-même être contesté, dans un délai d’un mois, devant la Cour Nationale de l’Incapacité et de la Tarification de l’Assurance des Accidents du Travail.
La caisse a aussi la possibilité de contester la décision du tribunal, quand elle est en faveur de la victime. Une démarche juridiquement fondée mais socialement immorale.

5 – 5 La Cour d’Appel (CA) / Cour de Cassation

Si la décision du TASS ne satisfait pas le demandeur, celui-ci peut faire appel auprès de la Cour d’Appel et/ou se pourvoir devant la Cour de Cassation selon les modalités suivantes :

  • Lorsque la décision du TASS est rendue en dernier ressort (c’est le cas pour les litiges portant sur un montantt inférieur à 4 000 €), il sera éventuellement possible de saisir et de former un recours devant la Cour de cassation, dans un délai de deux mois, à compter de la date de notification du TASS.
  • Lorsque la décision du TASS est rendue en premier ressort (c’est le cas pour les litiges portant sur un montant supérieur à 4 000 € ou lorsque le montant est indéterminé), il sera éventuellement possible de faire appel devant la chambre sociale de la cour d’appel, dans un délai d’un mois à compter de la date de notification du TASS puis, si l’arrêt de la cour d’appel n’est pas satisfaisant, on pourra saisir la Cour de Cassation, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la Cour d’Appel.

Il est à noter, compte tenu de la charge de travail et du manque de moyens, que dans toutes ces procédures : TCI et TASS en particulier, les délais actuels d’attente à se présenter en audience devant ces juridictions sont environ de huit à douze mois pour la victime.

Lexique des abréviations

MP : Maladie professionnelle
AT : Accident du Travail
CPAM : Caisse Primaire d’Assurance Maladie
CRRMP : Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles
CRA : Commission de Recours Amiable
TCI : Tribunal du Contentieux de l’Incapacité
TASS : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale
CNITAAT : Cour Nationale de l’Incapacité et de la Tarification de l’Assurance des Accidents du Travail
CA : Cour d’Appel
CAS : Cour de Cassation
CNAMTS : Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés
IPP : Incapacité Permanente Partielle (c’est un taux évalué)
CHSCT : Comité Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail
DP : Délégué du Personnel
CE : Comité d’Établissement
CR : Compte rendu
PV : Procès verbal
FNATH : Association des accidentés de la vie (ex – Fédération Nationale des Accidentés du Travail et des Handicapés)

Enregistrer