FICHE N° 22
Le suivi médical des salarié·es du secteur privé

Depuis la réforme de 2002 qui a transformé les services de médecine du travail en services de santé au travail et imposé la pluridisciplinarité grâce à l’apport de compétences diversifiées et complémentaires, la réglementation relative au suivi individuel des salarié·es a été modifiée à plusieurs reprises.
– La réforme de 2011-2012 a redéfini les missions et modifié l’organisation des services de santé au travail, revu la compétence de l’équipe pluridisciplinaire, modifié le suivi individuel des salarié-es.
– La loi Rebsamen de 2015 puis la loi El Khomri de 2016 ont modifié en profondeur les conditions de la surveillance médicale des salarié-es ainsi que le dispositif de l’inaptitude.
La suppression (partielle) de l’avis d’aptitude tant contestée pendant des décennies, est une avancée. En revanche cette réforme n’a pas pour objet d’assurer une meilleure protection de la santé au travail des salarié·es mais pour l’adapter à une démographie médicale déclinante et alléger les obligations des employeurs vécues comme des contraintes.
– La loi du 2 août 2021 « pour renforcer la santé au travail » a repris une partie des dispositions de l’accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020 « pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail ». La loi crée un rendez-vous de liaison entre l’employeur et le.la salarié·e, une visite de mi- carrière, modifie les visites de préreprise et de reprise. Les services de santé au travail sont devenus des services de prévention et de santé au travail (SPST) dont les missions ont été revues et élargies à des missions de santé publique, mélange des genres que nous condamnons.
Cette fiche fait le point sur le suivi médical auxquel·les les salarié·es du privé ont droit tout au long de leur vie professionnelle ou dans certaines situations (comme après un arrêt de travail) et que les SPST interentreprises ou autonomes doivent organiser.

I- Le suivi initial et périodique

I.1 La visite « d’information et de prévention »

La visite « d’information et de prévention » a remplacé la visite médicale d’embauche et la vérification systématique de l’aptitude médicale. Elle est à réaliser au moment de la prise effective du poste et au plus tard 3 mois après l’arrivée dans l’entreprise. Article R4624-10
Pour les salarié-es affecté·es à un poste de nuit ou âgé·es de moins de 18 ans la visite doit avoir lieu avant l’affectation sur le poste. Article R 4624-18
Cette visite a notamment pour objet de connaître l’état de santé du, de la salariée, de l’informer sur les risques éventuels de son poste de travail, sur les moyens de prévention, et de la possibilité qu’il ou elle a d’obtenir une visite avec le médecin du travail à tout moment. Article R4624-11
Elle est assurée par le médecin du travail, le collaborateur médecin, l’interne en médecine du travail, l’infirmier ou le médecin praticien correspondant. Article L4624-1
A la suite de cet entretien une attestation est délivrée à l’intéressé·e. Article R4624-14

Commentaires
La suppression de la vérification systématique de l’aptitude lors des visites médicales (d’embauche et périodiques), sauf pour les salarié·es dont les postes comportent des risques et qui sont alors en « suivi médical renforcé » (voir ci-après) est plutôt une bonne chose.
Le principe d’un entretien au moment de l’embauche et portant sur la prévention au travail nous semble beaucoup plus intéressant qu’un simulacre de visite « sanctionné » par un avis d’aptitude, s’il a pour but d’informer le/la salarié·e sur les risques potentiels liés à son poste de travail, sur ses droits en matière de santé au travail, l’utilité des dispositifs de prévention collective et individuelle, l’appui que peut apporter le service de prévention et de santé au travail … Cela suppose toutefois pour le professionnel de santé de connaître l’entreprise et le poste du travail pour pointer les risques.

I.2 Le suivi périodique

Les visites biennales obligatoires ont été remplacées par un suivi médical dont les modalités et la périodicité prennent en compte les conditions de travail, l’état de santé, l’âge, les risques professionnels auxquels est exposé·e le.la salarié·e. S’il revient au médecin du travail de déterminer la périodicité des visites périodiques, leur fréquence ne peut toutefois excéder :
– 3 ans pour les travailleurs et travailleuses dont l’état de santé, l’âge, les conditions de travail où les risques professionnels auxquels ils et elles sont exposé·es le nécessitent et notamment ceux et celles qui travaillent de nuit, qui bénéficient d’une pension d’invalidité ou qui sont handicapé·es. Article R4624-17
– et 5 ans dans les autres situations Article R4624-16
Les femmes enceintes, venant d’accoucher ou allaitantes peuvent être orientées sans délai vers le médecin du travail. Cette visite, effectuée par le médecin du travail, a notamment pour objet de proposer, si nécessaire, des adaptations du poste ou l’affectation à d’autres postes. Article R4624-19
Le suivi médical périodique est assuré par le médecin du travail, le collaborateur médecin, l’interne en médecine du travail, l’infirmier-ère ou le médecin praticien correspondant.

Commentaires
Établir un suivi de santé adapté aux paramètres personnels et professionnels des salarié-es est un progrès mais à la condition d’être encadré et repensé.
On peut très bien concevoir et accepter qu’en fonction de la nature et de l’intensité de l’exposition, le contenu et la périodicité de cette surveillance soient déterminés par le médecin du travail.
On peut également concevoir que ces surveillances puissent être organisées par d’autres membres de l’équipe de santé au travail comme le collaborateur médecin ou l’infirmier·ère dès lors que formé·es en santé au travail et ayant une bonne connaissance du milieu de travail, ils et elles aient la possibilité d’en discuter voire d’alerter le médecin du travail en cas de difficultés. Ces personnels disposent des compétences pour réaliser des entretiens dans le cadre de protocoles validés par le médecin du travail; ces protocoles prévoient les modalités d’orientation vers le médecin du travail en cas de nécessité. L’effectivité de cette mesure va dépendre de l’organisation des services de prévention et de santé au travail.
En revanche on ne peut pas en dire autant des « médecins praticiens correspondants » (médecins généralistes ayant une formation en médecine du travail) à qui il est prévu de faire appel à l’avenir pour compenser la pénurie de médecins du travail.

I.3 Le suivi renforcé et le maintien de l’aptitude pour les salarié·es exposé·es à des risques particuliers

Selon l’article L 4624-2 : « Tout travailleur affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail bénéficie d’un suivi individuel renforcé de son état de santé. Ce suivi comprend notamment un examen médical d’aptitude, qui se substitue à la visite d’information et de prévention prévue à l’article L. 4624-1 ».
L’article R 4624-23 donne la liste des postes à risques, celle-ci comprend :
d’une part les postes où les salarié-es sont exposé·es à l’amiante, au plomb, aux substances CMR (Cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction), aux agents biologiques des classes 3 et 4, rayonnements ionisants, au risque hyperbare et au risque de chute de hauteur (montage et démontage des échafaudages)
d’autre part les postes nécessitant un examen d’aptitude spécifique prévu par le code du travail : conduite d’équipement exigeant une autorisation de conduite délivrée par l’employeur (R4323-56) ; habilitation électrique (R 4544-10), jeunes affectés à des travaux dangereux (R4153-40), manutention manuelle (4541-9).
ainsi que les postes définis par l’employeur après avis du médecin du travail et du CSE. Ces postes doivent être en cohérence avec l’évaluation des risques et la fiche d’entreprise, leur liste est transmise au service de prévention et de santé au travail et mise à jour annuellement.
Le suivi médical renforcé est assuré par le médecin du travail, sa périodicité maximale est fixée à 4 ans. Dans l’intervalle des visites intermédiaires sont effectuées par le collaborateur médecin, l’interne en médecine du travail ou l’infirmier-ère, au plus tard 2 ans après la visite avec le médecin du travail.

Pour mémoire
Les 9 arrêtés qui organisaient une surveillance médicale renforcée à l’égard des salariés exposés ­– au risque de silicose professionnelle, de lésion maligne de la vessie, au benzène, au plomb métallique et à ses composés, au bruit, aux rayonnements ionisants, à la manutention manuelle de charges, à l’inhalation des poussières d’amiante et travaillant en milieu hyperbare – ont été abrogés définitivement par un arrêté du 28 décembre 2015.
Ces textes annulés en 2012 à la suite de la réorganisation de la surveillance médicale avaient été rétablis par le Conseil d’État pour des raisons de forme (signatures du texte non-conformes).

Qu’est-ce qu’un poste dit de sécurité ?
Les postes concernés ont été définis par le décret du 27 décembre 2016 (voir ci-dessus). Ils reprennent pour partie la liste des expositions professionnelles qui exigeaient une surveillance médicale renforcée.
Les postes de sécurité existaient déjà, même en l’absence de définition générale. Des textes réglementaires prévoient des règles spécifiques pour vérifier l’aptitude à certains postes de travail comme les transports aériens, ferroviaires, maritimes et routiers.
En la matière la jurisprudence s’est jusqu’à présent concentrée sur les postes faisant appel à un véhicule ou des machines dangereuses qui peuvent causer des dommages à des tiers: conducteur de véhicules, conducteur de poids lourds, cariste, chauffeur livreur, chauffeur RATP, conducteur de camion transportant des produits inflammables; postes nécessitant la manipulation de machines dangereuses et de produits dangereux, postes nécessitant le port d’armes.
Les XIIIe journées nationales de médecine du travail en ont donné la définition suivante : « le poste de sécurité est le poste de travail susceptible de constituer pour la collectivité de travail un risque d’accident à l‘occasion d’une insuffisance d’aptitude ou d’une défaillance subite de l’opérateur ».
La définition qu’en donne le groupe de travail « Aptitude et médecine du travail » est assez proche : « Le poste de sécurité est celui qui comporte une activité susceptible de mettre gravement et de façon immédiate en danger, du fait de l’opérateur, la santé d’autres travailleurs ou de tiers ».

Commentaires
On peut concevoir que certains postes dits de sécurité exigent à l’embauche – puis périodiquement – un contrôle des capacités physiques et mentales des salarié·es qui les occupent (par exemple pour les chauffeurs poids lourds). Cette surveillance est actuellement exercée par des médecins autres que les médecins du travail qui rappelons-le ont un rôle strictement préventif.
En introduisant cette notion de sécurité des tiers la loi modifie sensiblement le cadre d’intervention des médecins du travail en leur confiant le contrôle de l’aptitude initiale et périodique des postes de sécurité. Les nouvelles dispositions contreviennent aux objectifs de prévention affichés par les services de prévention et de santé au travail et sèment la confusion entre l’aptitude médicale et l’aptitude professionnelle.
De fait et à juste titre les médecins du travail estiment qu’on modifie leurs missions en les obligeant à faire de la médecine de sécurité ou de la médecine de contrôle qui n’est pas codifiée dans le code du travail.
Il faut souligner que le groupe de travail « Aptitude et médecine du travail » estime nécessaire de définir strictement ces postes, mais aussi « de distinguer le médecin qui va intervenir en qualité de contrôleur de l’aptitude du salarié concerné et celui qui assure le suivi de santé du salarié dans un cadre strictement préventif. » Mais le législateur n’en a pas tenu compte.
Le rapport rappelle « l’impossibilité déontologique pour un même médecin d’exercer en même temps des fonctions de conseil, telles qu’elles sont prévues par le code du travail, et des fonctions d’expertise (de contrôle), incompatibilité rappelée par le Conseil d’Etat (arrêt du 7 juin 2006 n° 279632).
La protection des tiers comme l’aptitude professionnelle relève de la responsabilité de l’employeur et non de la médecine du travail. Pourtant on va continuer d’exiger des médecins du travail de certifier qu’un-e salarié·e est apte à être exposé·e à l’amiante, à des produits cancérogènes, etc.
Introduire des notions de sécurité sécuritaire ouvre la voie à l’arbitraire pouvant déboucher sur une sélection des personnels et donc de leur exclusion de l’emploi au nom de la protection de leur santé ou de leur sécurité ou de celle des collègues ou encore de tiers. Le risque d’une orientation massive de salarié·es vers des contrôles médicaux au nom de la sécurité des tiers et de pratiques déviantes existe bel et bien.

I.4 Les visites à la demande du ou de la salariée

En dehors des examens prévus, tout·e salarié·e bénéficie, à sa demande ou à celle de l’employeur, d’un examen par le médecin du travail et notamment lorsqu’il ou elle anticipe un risque d’inaptitude pour éviter une exclusion de son poste de travail et bénéficier d’un accompagnement personnalisé. Cette demande ne peut entrainer aucune sanction. Article R 4624-34
Le médecin du travail peut aussi avoir l’initiative de cette visite.

I.5 Les examens complémentaires

Le médecin du travail peut réaliser ou prescrire des examens complémentaires pour :
– s’assurer de la compatibilité entre le poste de travail et l’état de santé du salarié pouvant entrainer une contre-indication à ce poste,
– dépister une maladie professionnelle ou à caractère professionnel pouvant résulter de l’activité professionnelle,
– ou encore dépister des maladies dangereuses pour l’entourage professionnel.
Ces examens complémentaires sont à la charge de l’employeur. Les désaccords entre l’employeur et le médecin du travail sur la nature et la fréquence de ces examens sont tranchés par le médecin inspecteur du travail. Articles R4624-35 à R4624-38

I.6 Le suivi des salarié·es en CDD et des salarié·es temporaires

Les salarié-es en contrat à durée déterminée bénéficient d’un suivi individuel de leur état de santé identique à celui des salarié·es en contrat à durée indéterminée. Article R 4625-1
Le suivi des salariés en intérim est fixé par les articles R 4625-2 à R 4625-20.
La loi du 2 août 2021 prévoit la possibilité pour les SPST d’expérimenter durant 3 ans des actions de prévention collective pour les salarié·es intérimaires.

Commentaires
Alors que ces personnels précaires occupent majoritairement des postes très exposés aux risques (sous-traitance dans le nucléaire par exemple), où la pénibilité est fortement présente (bâtiment, restauration…) le suivi de leur état de santé est particulièrement aléatoire aujourd’hui, leur dossier médical va de service en service au hasard de leur parcours d’emplois précaires. La loi affirme le principe d’une protection égale à celle des travailleurs en CDI et pour les salariés en CDD le décret se contente de reprendre cette affirmation.
Pour les intérimaires le décret simplifie les obligations des employeurs en aggravant la dispersion du suivi médical qui sera aussi plus espacé (comme pour les travailleurs stables) et en diminuant l’obligation des entreprises utilisatrices en matière de suivi renforcé pour les intérimaires. Ceux-ci seront (mal) suivis par plusieurs services interentreprises à la fois.
Dans les deux cas le décret ignore complètement la problématique qui caractérise le suivi médical des précaires : pas de suivi longitudinal cohérent de ces populations, aucune adaptation pertinente à leur situation. Une usine à gaz complètement inefficace. C’est un problème majeur en santé au travail. La carence de la réforme dans ce domaine révèle l’objectif principal des auteurs : alléger les obligations des employeurs en garantissant leur « sécurité juridique ».

II. Les différentes visites possibles tout au long de la carrière

II.1 La visite de préreprise

Elle est possible en cas d’arrêt de travail de plus de 30 jours, à l’initiative du travailleur et de la travailleuse, du médecin traitant, des services médicaux de l’assurance maladie ou du médecin du travail. Son objectif est d’anticiper sur le retour dans l’entreprise afin d’évaluer la nécessité de mettre en place des mesures d’aménagement et d’adaptation du poste de travail. L’employeur est tenu d’informer l’intéressé·e de la possibilité de solliciter cet examen de préreprise. Articles L4624-2-4 ; R4624-29 et 4624-30
Le médecin du travail peut au cours de cette visite recommander :
des aménagements et adaptations du poste de travail ;
des préconisations de reclassement ;
des formations professionnelles à organiser en vue de faciliter le reclassement du salarié ou sa réorientation professionnelle.
Sauf si le·la salariée s’y oppose, le médecin du travail informe l’employeur et le médecin conseil de ces recommandations afin que toutes ces mesures soient mises en œuvre. Cette visite ne donne pas lieu à un avis d’aptitude ou d’inaptitude.

Commentaires
C’est un outil très utile, qui permet :
– d’informer le médecin du travail de sa situation médicale et des difficultés au poste de travail ;
– d’anticiper les mesures à mettre éventuellement en place à la reprise : temps partiel thérapeutique, aménagements de poste, orientation vers un reclassement, formation etc.
Il faut encourager les salarié·es à demander une visite de préreprise, si possible avec l’appui de leur médecin traitant, mais il faut aussi les aider à la préparer, pour que cette visite ne soit pas seulement subie mais que le·la salarié·e ait réfléchi à des propositions pour sa reprise. L’accompagnement par des élu·es du personnel peut donc être très utile pour les salarié·es afin d’envisager toutes les pistes possibles de reprise adaptée à l’état de santé de l’intéressé·e.

II.2 La visite de reprise

C’est au cours de cette visite que le médecin du travail formule les avis qui vont déterminer les conditions de la reprise et de l’avenir professionnel du ou de la salariée. Articles L4624-2-3 ; R4624-31 à 33
La visite de reprise est obligatoire après :
• un arrêt pour maladie professionnelle quelle qu’en soit la durée ;
• un arrêt de 30 jours pour un accident du travail ;
• un congé de maternité ;
• un arrêt d’au moins 60 jours pour maladie ou accident non professionnel.
L’examen de reprise doit avoir lieu le jour de la reprise et au plus tard dans les huit jours de la reprise. Cet examen a pour objet :
1. de vérifier si le poste de travail que doit reprendre le salarié ou si le poste de reclassement est compatible avec son état de santé ;2. d’examiner les propositions d’aménagement ou d’adaptation du poste repris par le salarié ou de reclassement faites par l’employeur suite aux préconisations émises éventuellement par le médecin du travail lors de la visite de préreprise ;
3. de préconiser l’aménagement, l’adaptation du poste ou le reclassement du salarié ;
4. d’émettre, le cas échéant un avis d’inaptitude.
Pour les salarié·es relevant d’un suivi médical renforcé, à l’issue de cette visite de reprise, le médecin du travail émettra un avis d’aptitude (ou d’inaptitude).
À noter que le médecin du travail est informé de tout arrêt de travail d’une durée inférieure à 30 jours pour cause d’accident du travail afin de pouvoir apprécier, notamment, l’opportunité d’un nouvel examen médical et, avec l’équipe pluridisciplinaire, de préconiser des mesures de prévention des risques professionnels. Article R.4624-33.

II.3 La visite de mi-carrière

Il s’agit d’une visite médicale organisée au cours de l’année du 45e anniversaire du ou de la salarié·e et qui a pour objet de faire le point entre l’état de santé de l’intéressé·e, son poste de travail et les expositions auxquelles il ou elle a été soumis·e. A l’issue de cet entretien le médecin du travail peut proposer, des mesures d’aménagement de poste.
Cette visite peut être organisée à l’initiative du SPST, de l’employeur ou du salarié. Elle donne lieu à une attestation. Article L 4624-2-2

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Il faudra surveiller l’application de cette mesure, car le fonctionnement actuel des SPST d’une part et la réduction importante des visites médicales d’autre part compromettent fortement la réalisation de cette visite. On peut se dire également que si les employeurs mettaient tout en œuvre pour supprimer ou réduire les risques et si les SPST étaient en capacité d’assurer un suivi régulier de l’état de santé des salarié·es et de faire le lien avec le travail, cette visite n’aurait aucune utilité.

II.4 La « surveillance post exposition ou post professionnelle »

Elle concerne les salarié·es exposé·es à certains facteurs de risques professionnels (exposition à des produits toxiques notamment) et pour lesquel·les un suivi individuel renforcé est prévu (voir le § I.3), ou qui en ont bénéficié au cours de leur carrière. Article L 4624-2-1
Le champ du suivi post professionnel s’adresse aux personnes ayant été exposées à des risques de pneumoconiose (amiante, silice, fer), à des produits CMR et à des radiations ionisantes. (Article D 461-25 du CSS)
La visite doit être organisée non seulement au moment du départ à la retraite (suivi post professionnel) mais aussi dès que des salarié·es cessent (changement de poste ou d’entreprise) d’être exposé·es à un risque donnant lieu à un suivi individuel renforcé (suivi post-exposition). Article R 4624-28-1
A l’issue de cet examen le médecin du travail remet à l’intéressé·e un document dressant l’état des lieux de ses expositions aux facteurs de risques professionnels et celui-ci est versé dans son dossier médical en santé au travail.
Le médecin du travail peut mettre en place une surveillance post-exposition ou post-professionnelle, en lien avec le médecin traitant et le médecin conseil de la CPAM.

II.5 Le rendez-vous de liaison avec l’employeur

Ce rendez-vous est possible lorsque l’arrêt de travail pour accident ou maladie, professionnel ou non, est d’au moins 30 jours. Article L1226-1-3
« Ce rendez-vous a pour objet d’informer le salarié qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle, d’un examen de préreprise et de mesures d’aménagement de poste (…). Il est organisé à l’initiative de l’employeur ou du salarié. (…) Aucune conséquence ne peut être tirée du refus par le salarié de se rendre à ce rendez-vous. »
Le service de prévention et de santé au travail est associé à ce rendez-vous.

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Attention ! Ce n’est pas un rendez-vous médical mais un entretien avec l’employeur qui peut placer le salarié ou la salariée dans une situation difficile, compte tenu du lien de subordination qui caractérise sa relation avec l’employeur, d’autant plus si la situation est conflictuelle ou si l’arrêt de travail est d’origine professionnelle. Il est également dangereux du côté du secret médical.
Il vaut donc mieux s’en méfier, en tout cas ne jamais l’accepter sans en avoir parlé avec le médecin du travail.
En effet la seule condition pour l’accepter serait de le préparer par exemple avec le service de prévention et de santé au travail pour y exposer des propositions précises pour la reprise ou si possible avec les représentant·es du personnel.

III. Le dossier médical en santé au travail : un outil utile

Il est constitué et conservé sous la responsabilité des professionnels de santé au travail en charge du suivi médical des salarié·es pendant 40 ans. Articles L4624-8 et R4624-45-3 à 9

III.1 Le contenu du DMST

Il rassemble, dans le respect du secret médical :
– les informations relatives à l’état de santé recueillies lors des visites et examens ;
– les risques actuels ou passés (bruit, produits chimiques…) auxquels le ou la salariée a été exposé·e (indications sur le poste de travail, données d’exposition…), les mesures de prévention mises en place; pour renseigner cette partie les professionnels de santé doivent s’appuyer sur les études de postes, les fiches de données de sécurité, le document unique d’évaluation des risques professionnels, les fiches d’entreprise, etc.
– les correspondances entre professionnels de santé ;
– les avis et propositions des professionnels de santé pour adapter le poste de travail ou les conditions d’exercice du métier… ;
– la mention de l’information sur ses droits d’accès aux données le concernant et les conditions d’accès
à son dossier ;
– le cas échéant, le consentement ou l’opposition au recours à des pratiques médicales à distance et à la transmission des informations contenues dans son dossier.

III.2 L’accès au dossier et sa transmission

Comme toutes les informations médicales le dossier médical en santé au travail est couvert par le secret professionnel. Depuis la loi Kouchner de mars 2002, un-e salarié-e (ou ses ayants-droit) a un accès direct à son dossier médical soit directement soit par l’intermédiaire d’un médecin qu’il ou elle aura désigné. Seule la personne concernée peut transmettre son dossier au médecin de son choix. C’est ainsi que le dossier médical en santé au travail ne peut être transmis au nouveau service (en cas de changement de celui-ci ou d’entreprise) qu’avec l’accord du ou la salarié·e.
En aucun cas le dossier médical ne peut être transmis à l’employeur.

III.3 Un droit d’opposition du ou de la salarié·e

Les salarié·es peuvent s’opposer :
– à l’accès au DMST du médecin praticien correspondant ou des professionnels de santé autres que le médecin du travail ;
– à l’accès aux professionnels de santé à ses dossiers médicaux en santé au travail détenus par d’autres SPST ;
– au recours à des pratiques médicales à distance.

Commentaires
Le dossier médical en santé au travail (DMST) permet donc d’assurer une traçabilité de toutes les expositions du ou de la salariée. A condition d’être alimenté correctement le dossier médical pourra être un élément fort précieux en cas de contentieux (inaptitude, maladie professionnelle, faute inexcusable). Les éléments y figurant pourront servir à établir les expositions aux risques et les responsabilités en cas d’atteinte à la santé.
Il peut se révéler très utile de conseiller aux salarié·es d’en demander une copie pour vérifier ce qu’il contient et signaler les éléments manquants.

En conclusion
La médecine du travail qu’il s’agisse de l’organisation de ses services ou du suivi médical des salarié·es ne cesse d’être remise en cause à la fois pour satisfaire les employeurs vent debout contre toute obligation mais aussi pour pallier la pénurie des médecins du travail dont le nombre est passé de 4 908 à 4 650 entre 2015 et 2020. De très nombreux rapports alertent depuis plus de 20 ans sur cette situation. Les seules réponses apportées par les pouvoirs publics ont été d‘ouvrir la pratique à des non spécialistes (collaborateurs médecins, internes en médecine du travail et demain les médecins généralistes) et d’allonger la fréquence des surveillances médicales au détriment de la santé des travailleuses et travailleurs.
Non seulement les médecins sont de moins en moins nombreux mais de plus leurs missions s’éloignent de la prévention primaire. Or la préservation de la santé passe pour les professionnels de santé au travail par une bonne connaissance de l’environnement de travail des salarié·es, du poste de travail occupé et de l’entreprise.
Il est essentiel que les équipes syndicales fassent remonter dans les CSE les manques ou difficultés constatées dans l’entreprise comme l’absence de surveillances faute de professionnels. Par ailleurs la présentation du rapport annuel du médecin du travail ou du service peut être l’occasion de questionner l’employeur sur les moyens mis à disposition du service.

 

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