Depuis la réforme de 2002 qui a transformé les services de médecine du travail en services de santé au travail et imposé la pluridisciplinarité grâce à l’apport de compétences diversifiées et complémentaires, la réglementation relative au suivi individuel des salarié-e-s a été modifiée à deux reprises.
– La réforme de 2011-2012 a redéfini les missions et modifié l’organisation des services de santé au travail, revu la compétence de l’équipe pluridisciplinaire, modifié le suivi individuel des salarié-e-s.
– La loi Rebsamen de 2015 puis la loi El Khomri de 2016 modifient en profondeur les conditions de la surveillance médicale des salarié-es ainsi que le dispositif de l’inaptitude.
Si nous pouvons souligner l’avancée que représente la suppression (partielle) de l’avis d’aptitude tant contestée pendant des décennies, nous devons en revanche insister sur le fait que cette réforme n’est pas là pour assurer une meilleure protection de la santé au travail des salarié-e-s mais pour l’adapter à une démographie médicale déclinante et alléger les obligations des employeurs vécues comme des contraintes.
Après avoir espacé les visites médicales à deux ans, allégé les visites de reprise pour libérer du temps au médecin du travail en 2011, aujourd’hui ce sont les visites médicales d’embauche et la périodicité des visites médicales qui sont ciblées et toujours pour les mêmes raisons. Des tâches précédemment confiées au médecin du travail pourront être assurées par l’équipe pluridisciplinaire de professionnels de santé sous son autorité.
Cette fiche fait le tour des principaux changements intervenus avec la loi Rebsamen du 17 août 2015, la loi Santé du 27 janvier 2016 et enfin la loi travail du 8 août 2016 et son décret d’application n°2016-1908 du 27 décembre 2016.
Pour la plupart d’entre elles ces modifications sont entrées en vigueur au 1er janvier 2017.
1 – La visite « d’information et de prévention »
Elle remplace désormais la visite médicale d’embauche et la vérification systématique de l’aptitude médicale est supprimée. La visite « d’information et de prévention » est assurée par le médecin du travail, le collaborateur médecin, l’interne en médecine du travail ou l’infirmier. Article L4624-1
A la suite de cet entretien une attestation est délivrée au salarié. R4624-14
La visite est à réaliser au moment de la prise effective du poste et au plus tard 3 mois après l’arrivée dans l’entreprise. Article R4624-10
Pour les salarié-e-s affecté-e-s à un poste de nuit ou âgé-e-s de moins de 18 ans la visite doit avoir lieu avant l’affectation sur le poste. Article R 4624-18
Cette visite a notamment pour objet de connaître l’état de santé du salarié, de l’informer sur les risques éventuels de son poste de travail, sur les moyens de prévention, et de la possibilité qu’il a d’obtenir une visite avec le médecin du travail à tout moment. Article R4624-11
Les commentaires de Solidaires
Alors qu’historiquement la médecine du travail a été centrée sur l’aptitude – qui n’est pas définie par le code du travail- cette notion évolue enfin. Depuis longtemps la question de l’aptitude est fortement contestée par une partie des médecins du travail pour qui le contrôle de l’aptitude s’apparente à une logique de sélection de la main d’œuvre et donc à l’opposé de la mission exclusivement préventive du médecin du travail et des services de santé au travail. C’est ce qui a conduit nombre de médecins du travail à affirmer qu’il faudrait plutôt définir l’aptitude du poste à être occupé par un salarié que celle du salarié.
En effet déclarer « apte » un-e salarié-e sans agir sur des conditions de travail nocives n’est pas acceptable, sortir du travail les salarié-e-s usée-es, malades ou handicapé-e-s par une décision d’inaptitude est l’échec du maintien dans l’emploi. Ces pratiques sont qualifiées d’outil de sélection.
Comment penser également qu’un-e salarié-e atteint-e d’un problème de santé va en parler spontanément au médecin du travail capable de le déclarer inapte avec à la clé l’éventualité de ne pas être recruté-e ou d’être licencié-e. Par ailleurs il n’est pas du tout probant que les examens tels qu’ils étaient majoritairement pratiqués avaient pour effet d’améliorer l’état de santé des salarié-e-s. Il faut également entendre les critiques et la défiance des salarié-e-s sur la médecine du travail dans son ensemble où la question de sa dépendance vis-à-vis de l’employeur est récurrente.
Désormais la vérification systématique de l’aptitude lors des visites médicales est supprimée, sauf pour les salarié-e-s dont les postes comportent des risques et qui sont alors en « suivi médical renforcé ». (Voir ci-après)
La suppression de la fiche d’aptitude tant pour les visites d’embauche que les visites périodiques est plutôt une bonne chose au regard des raisons déjà évoquées. Cette évolution va provoquer un changement majeur pour les médecins du travail qui vont perdre ainsi de leur pouvoir médical mais elle devrait aussi les remobiliser sur leur véritable mission qui est de « prévenir toute altération de la santé des travailleuses et des travailleurs du fait de leur travail ».
Aussi le principe d’un entretien au moment de l’embauche et portant sur la prévention au travail est beaucoup plus intéressant qu’un simulacre de visite « sanctionné » par un avis d’aptitude, s’il a pour but d’informer le salarié sur les risques potentiels liés à son poste de travail, sur ses droits en matière de santé au travail, l’utilité des dispositifs de prévention collective et individuelle, l’appui que peut apporter le service de santé au travail…
Deux rapports sur l’aptitude à consulter
Le rapport sur « le bilan de réforme de la médecine du travail »1 publié en octobre 2007 affirmait que « la procédure d’aptitude systématique devrait être transformée en une procédure ciblée de prévention des inaptitudes »… et que « le médecin du travail ne se prononcerait que par exception en cas d’inaptitude ».
Dans le rapport « Aptitude et médecine du travail »2, page 15, on peut lire : « Ainsi que le soulignait le Comité national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé dans son avis n° 80 relatif à « l’Orientation de travailleurs vers un poste comportant un risque », « lorsqu’il s’agit d’un poste à risque, la notion même d’aptitude est équivoque et peut laisser croire aux intéressés qu’ils ne courent aucun risque ou, à l’inverse, qu’ils sont sélectionnés pour ce poste à risque ; le rôle du médecin du travail pourrait alors être ressenti comme celui d’exposer à un risque plutôt que de le prévenir. »
1 le rapport sur l’aptitude et l’inaptitude au travail d’Hervé Gosselin en 2007
2 le rapport du groupe de travail « Aptitude et médecine du travail » établi en mai 2015 par Michel Issindou, Christian Ploton et Sophie Quinton-Fantoni
2 – Le suivi périodique
L 4624-1 et R 4624-16 Les visites biennales obligatoires sont remplacées par un suivi médical dont les modalités et la périodicité prendront en compte les conditions de travail, l’état de santé, l’âge, les risques professionnels auxquels est exposé le salarié. C’est au médecin du travail de déterminer la périodicité des visites périodiques, leur fréquence ne pouvant toutefois excéder :
- 3 ans pour les travailleurs et travailleuses dont l’état de santé, l’âge, les conditions de travail où les risques professionnels auxquels ils et elles sont exposé-e-s le nécessitent et notamment ceux et celles qui travaillent de nuit, qui bénéficient d’une pension d’invalidité ou qui sont handicapé-e-s.
- et 5 ans dans les autres situations.
Le suivi médical périodique sera assuré par le médecin du travail, le collaborateur médecin, l’interne en médecine du travail ou l’infirmier-e.
Les femmes enceintes, venant d’accoucher ou allaitantes peuvent être orientées vers le médecin du travail.
Les commentaires de Solidaires
Etablir un suivi de santé adapté aux paramètres personnels et professionnels des salarié-e-s est un progrès mais à la condition d’être encadré et repensé.
La préservation de la santé au travail passe par pour le médecin du travail par une bonne connaissance du salarié et de son environnement, de l’entreprise et du poste de travail qu’il occupe. Il faut reconnaitre que ces conditions n’étaient pas vraiment remplies lors des visites d’embauche. Il est donc indispensable que les professionnels acquièrent ces connaissances pour faire le lien entre l’état de santé avec les risques auxquels les salarié-e-s sont exposés-e, proposer des mesures individuelles et collectives d’adaptation des conditions de travail.
On peut très bien concevoir et accepter qu’en fonction de la nature et de l’intensité de l’exposition, le contenu et la périodicité de cette surveillance soient déterminés par le médecin du travail.
On peut également concevoir que ces surveillances puissent être organisées par d’autres membres de l’équipe de santé au travail comme le collaborateur médecin ou l’infirmier dès lors que formés en santé au travail et ayant une bonne connaissance du milieu de travail, ils aient la possibilité d’en discuter voire d’alerter le médecin du travail en cas de difficultés. Ces personnels disposent des compétences pour réaliser des entretiens dans le cadre de protocoles validés par le médecin du travail; ces protocoles prévoient les modalités d’orientation vers le médecin du travail en cas de nécessité. L’effectivité de cette mesure dépendra de l’organisation des services de santé au travail.
A ce stade l’essentiel c’est de penser une situation de travail en lien avec l’activité et en lien avec la santé. Une approche par les risques souvent développée dans les entreprises est une impasse totale au développement de la prévention primaire : l’action en prévention ne peut plus se limiter à une approche par le risque qui reste parfois pertinente, mais doit intégrer l’organisation du travail. Appréhender la santé au travail par la compréhension globale de l’activité du salarié est une grille de lecture aujourd’hui partagée par de nombreux médecins et infirmiers-ères.
L’entretien infirmier mis en place depuis 2011 permet déjà d’interroger le travail de la personne, de recueillir les risques professionnels, sans examen du corps ni diagnostic, d’instruire le lien entre travail et santé, de comprendre les difficultés vécues ou ce qui compte pour le salarié dans son travail…
Conçu ainsi, l’entretien infirmier ou avec d’autres professionnels de santé ne se substitue pas à l’action du médecin du travail, il peut être considéré comme une coopération entre personnels de santé, entre deux métiers qui ont des approches complémentaires.
Suivre les salarié-e-s en bonne santé n’est pas une mission essentielle pour le médecin du travail. Il parait plus efficace et plus utile de recentrer l’activité des médecins du travail sur la prévention des atteintes à la santé du fait du travail, traiter les problèmes de santé au travail des personnes et les accompagner en cas de difficulté. Le médecin du travail doit être un recours.
Il lui revient d’assurer une surveillance plus spécifique des salarié-e-s les plus exposé-e-s, de ceux et celles qui reprennent leur poste après un arrêt de travail, dont l’état de santé est altéré ou encore en cas de changement dans l’organisation du travail dans l’entreprise qu’elle soit technique ou organisationnelle. L’enquête Santé et itinéraire professionnel (SIP)1 a montré une accélération des changements, à tous les âges et dans plusieurs composantes (travail de nuit, travail répétitif, travail physiquement exigeant, exposition à des produits toxiques, compétences mal employées, travail sous pression, tensions avec le public, travail non reconnu …). Les enjeux autour de l’intensité du travail sont le plus fréquemment au cœur des changements.
L’intervention du médecin du travail doit être décisive dans l’aménagement des postes de travail, le reclassement et le maintien dans l’emploi.
Le renforcement d’un travail collectif au sein de l’équipe pluridisciplinaire est déterminant pour surveiller les changements survenus dans les conditions de travail ou la capacité du salarié à tenir son poste de travail dans l’environnement professionnel précis de l’atelier, du service. A ces conditions le suivi individuel des salariés peut être partagé entre les professionnels de santé membres de l’équipe pluridisciplinaire
Les visites à la demande du salarié ou de l’employeur R 4624-34
En dehors des examens prévus, tout-e salaré-e bénéficie, à sa demande ou à celle de l’employeur, d’un examen par le médecin du travail et notamment lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude pour éviter une exclusion de son poste de travail et bénéficier d’un accompagnement personnalisé. Cette demande ne peut entrainer aucune sanction.
Le médecin du travail peut aussi avoir l’initiative de cette visite.
Les examens complémentaires R 4624-35 à R 4624-38
Le médecin du travail peut réaliser ou prescrire des examens complémentaires pour :
- s’assurer de la compatibilité entre le poste de travail et l’état de santé du salarié pouvant entrainer une contre-indication à ce poste,
- dépister une maladie professionnelle ou à caractère professionnel pouvant résulter de l’activité professionnelle,
- ou encore dépister des maladies dangereuses pour l’entourage professionnel.
Ces examens complémentaires sont à la charge de l’employeur. Les désaccords entre l’employeur et le médecin du travail sur la nature et la fréquence de ces examens sont tranchés par le médecin inspecteur du travail.
1 L’enquête réalisée conjointement par la Dares (Direction de l’animation, de la recherche et des statistiques) et la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) en 2006 et en 2010 apporte des éclairages inédits sur « le devenir professionnel des actifs en mauvaise santé ».
3 – Un suivi renforcé et le maintien de l’aptitude pour les salarié-e-s exposé-e-s à des risques particuliers
L’article L 4624-2 prévoit : « Tout travailleur affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail bénéficie d’un suivi individuel renforcé de son état de santé. Ce suivi comprend notamment un examen médical d’aptitude, qui se substitue à la visite d’information et de prévention prévue à l’article L. 4624-1 ».
L’article R 4624-23 donne la liste des postes à risques, celle-ci comprend :
- d’une part les postes où les salarié-e-s sont exposé-e-s à l’amiante, au plomb, aux substances CMR (Cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction), aux agents biologiques des classes 3 et 4, rayonnements ionisants, au risque hyperbare et au risque de chute de hauteur (montage et démontage des échafaudages) ;
- d’autre part les postes nécessitant un examen d’aptitude spécifique prévu par le code du travail : conduite d’équipement exigeant une autorisation de conduite délivrée par l’employeur (R 4323-56) ; habilitation électrique (R 4544-10), jeunes affectés à des travaux dangereux (R 4153-40), manutention manuelle (R 4541-9) ;
- ainsi que les postes définis par l’employeur après avis du médecin du travail et du CHSCT. Ces postes doivent être en cohérence avec l’évaluation des risques, leur liste est transmise au service de santé au travail et mise à jour annuellement.
Le suivi médical renforcé sera assuré par le médecin du travail, sa périodicité maximale est fixée à 4 ans. Dans l’intervalle des visites intermédiaires sont effectuées par le collaborateur médecin, l’interne en médecine du travail ou l’infirmier-e, au plus tard 2 ans après la visite avec le médecin du travail.
Rappel
Les 9 arrêtés qui organisaient une surveillance médicale renforcée à l’égard des salariés exposés – au risque de silicose professionnelle, de lésion maligne de la vessie, au benzène, au plomb métallique et à ses composés, au bruit, aux rayonnements ionisants, à la manutention manuelle de charges, à l’inhalation des poussières d’amiante et travaillant en milieu hyperbare- ont été abrogés définitivement par un arrêté du 28 décembre 2015.
Ces textes annulés en 2012 à la suite à la réorganisation de la surveillance médicale avaient été rétablis par le Conseil d’Etat pour des raisons de forme (signatures du texte non-conformes).
Qu’est-ce qu’un poste dit de sécurité ?
Les postes concernés ont été définis par le décret du 27 décembre 2016 (voir ci-dessus). Ils reprennent pour partie la liste des expositions professionnelles qui exigeaient une surveillance médicale renforcée.
Les postes de sécurité existent déjà, même en l’absence de définition générale. Des textes réglementaires prévoient des règles spécifiques pour vérifier l’aptitude à certains postes de travail comme les transports aériens, ferroviaires, maritimes et routiers.
L’article 103 de la loi travail prévoit des dispositions spécifiques pour la SNCF : les postes de sécurité ne seront pas réservés aux seuls conducteurs de trains mais étendus aux tâches essentielles pour la sécurité ferroviaire (un arrêté en fixera la liste).
Quant à la jurisprudence, elle s’est concentrée jusqu’à présent sur les postes faisant appel à un véhicule ou des machines dangereuses qui peuvent causer des dommages à des tiers: conducteurs de véhicules, conducteur de poids lourds, caristes, chauffeur livreur, chauffeur RATP, conducteur de camion transportant des produits inflammables; postes nécessitant la manipulation de machines dangereuses et de produits dangereux, postes nécessitant le port d’armes.
Les XIII èmes journées nationales de médecine du travail en ont donné la définition suivante : « le poste de sécurité est le poste de travail susceptible de constituer pour la collectivité de travail un risque d’accident à l‘occasion d’une insuffisance d’aptitude ou d’une défaillance subite de l’opérateur ».
La définition qu’en donne le groupe de travail « Aptitude et médecine du travail » est assez proche : « Le poste de sécurité est celui qui comporte une activité susceptible de mettre gravement et de façon immédiate en danger, du fait de l’opérateur, la santé d’autres travailleurs ou de tiers ».
Les commentaires de Solidaires
On peut concevoir que certains postes dits de sécurité exigent à l’embauche – puis périodiquement – un contrôle des capacités physiques et mentales des salarié-e-s qui les occupent (par exemple pour les chauffeurs poids lourds). Cette surveillance est actuellement exercée par des médecins autres que les médecins du travail qui rappelons-le ont un rôle strictement préventif.
En introduisant cette notion de sécurité des tiers la loi travail modifie sensiblement le cadre d’intervention des médecins du travail en leur confiant le contrôle de l’aptitude initiale et périodique des postes de sécurité. Les nouvelles dispositions contreviennent aux objectifs de prévention affichés par les services de santé au travail et sèment la confusion entre l’aptitude médicale et l’aptitude professionnelle.
De fait et à juste titre les médecins du travail estiment qu’on modifie leurs missions en les obligeant à faire de la médecine de sécurité ou de la médecine de contrôle qui n’est pas codifiée dans le code du travail.
Il faut souligner que le groupe de travail « Aptitude et médecine du travail » estime nécessaire de définir strictement ces postes, mais aussi « de distinguer le médecin qui va intervenir en qualité de contrôleur de l’aptitude du salarié concerné et celui qui assure le suivi de santé du salarié dans un cadre strictement préventif ». Mais le législateur n’en a pas tenu compte.
Le rapport rappelle « l’impossibilité déontologique pour un même médecin d’exercer en même temps des fonctions de conseil, telles qu’elles sont prévues par le code du travail, et des fonctions d’expertise (de contrôle), incompatibilité rappelée par le Conseil d’Etat » (arrêt du 7 juin 2006 n° 279632).
Article 100 du code de déontologie médicale (article R.4127-100 du Code de Santé Publique)
Un médecin exerçant la médecine de contrôle ne peut être à la fois médecin de prévention ou, sauf urgence, médecin traitant d’une même personne. Cette interdiction s’étend aux membres de la famille du malade vivant avec lui et, si le médecin exerce au sein d’une collectivité, aux membres de celle-ci.
La protection des tiers comme l’aptitude professionnelle relèvent de la responsabilité de l’employeur et non de la médecine du travail.
On va donc continuer à exiger des médecins du travail de certifier qu’un-e salarié-e est apte à être exposé-e à l’amiante, à des produits cancérogènes, etc.
On a le sentiment que cet article comme d’autres d’ailleurs a vraiment été rédigé par le patronat qui voulant se défausser de ses responsabilités décidera des postes dits de sécurité. Introduire des notions de sécurité sécuritaire ouvre la voie à l’arbitraire pouvant déboucher sur une sélection des personnels et donc de leur exclusion de l’emploi au nom de la protection de leur santé ou de leur sécurité ou de celle des collègues ou encore de tiers. Le risque d’une orientation massive de salariés vers des contrôles médicaux au nom de la sécurité des tiers et de pratiques déviantes existe bel et bien.
4 – Le suivi des salariés en CDD et des salarié-e-s temporaires Art. L. 4625-1 et L 4625-1-1
Les salarié-e-s en contrat à durée déterminée bénéficient d’un suivi individuel de leur état de santé identique à celui des salariés en contrat à durée indéterminée. Article R 4625-1
Le suivi des salariés en intérim est fixé par les articles R 4625-2 à R 4625-20.
Les commentaires de Solidaires
Alors que ces personnels occupent majoritairement des postes très exposés aux risques (sous-traitance dans le nucléaire par exemple), où la pénibilité est fortement présente (bâtiment, restauration…) le suivi de leur état de santé est particulièrement aléatoire aujourd’hui, leur dossier médical va de service en service au hasard de leur parcours d’emplois précaires. La loi affirme le principe d’une protection égale à celle des travailleurs en CDI et pour les salariés en CDD le décret se contente de reprendre cette affirmation.
Pour les intérimaires le décret simplifie les obligations des employeurs en aggravant la dispersion du suivi médical qui sera aussi plus espacé (comme pour les travailleurs stables) et en diminuant l’obligation des entreprises utilisatrices en matière de suivi renforcé pour les intérimaires. Ceux-ci seront (mal) suivis par plusieurs services interentreprises à la fois.
Dans les deux cas le décret ignore complètement la problématique qui caractérise le suivi médical des précaires : pas de suivi longitudinal cohérent de ces populations, aucune adaptation pertinente à leur situation. Une usine à gaz complètement inefficace. C’est un problème majeur en santé au travail. La carence de la réforme dans ce domaine révèle l’objectif principal des auteurs : alléger les obligations des employeurs en garantissant leur « sécurité juridique ».
5 – Le dispositif des visites de pré-reprise et de reprise est inchangé
Les examens de préreprise (R4624-29 et R4624-30)
Pour favoriser le maintien dans l’emploi des salarié-e-s en arrêt de travail de plus de 3 mois, une visite de préreprise est organisée par le médecin du travail si le salarié, le médecin traitant et/ou le médecin conseil de la Sécurité sociale le demande.
Au cours de cette visite le médecin du travail peut recommander :
- des aménagements et adaptations du poste de travail ;
- des préconisations de reclassement ;
- des formations professionnelles à organiser en vue de faciliter le reclassement du salarié ou sa réorientation professionnelle.
Sauf si le salarié s’y oppose, le médecin du travail informe l’employeur et le médecin conseil de ces recommandations afin que toutes les mesures soient mises en œuvre en vue de favoriser le maintien dans l’emploi du salarié.
Cette visite de pré-reprise ne donne pas lieu à un avis d’aptitude ou d’inaptitude.
Les examens de reprise (R4624-31 et 4624-32)
Ils sont organisés par le médecin du travail après :
- un congé de maternité ;
- une absence pour cause de maladie professionnelle ;
- une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel.
L’examen de reprise a pour objet :
- de vérifier si le poste de travail que doit reprendre le salarié ou si le poste de reclassement est compatible avec son état de santé ;
- d’examiner les propositions d’aménagement ou d’adaptation du poste repris par le salarié ou de reclassement faites par l’employeur suite aux préconisations émises éventuellement par le médecin du travail lors de la visite de préreprise ;
- de préconiser l’aménagement, l’adaptation du poste ou le reclassement du salarié ;
- d’émettre, le cas échéant un avis d’inaptitude.
Toutefois le médecin du travail est informé de tout arrêt de travail d’une durée inférieure à 30 jours pour cause d’accident du travail afin de pouvoir apprécier, notamment, l’opportunité d’un nouvel examen médical et, avec l’équipe pluridisciplinaire, de préconiser des mesures de prévention des risques professionnels. Article R 4624-33
Il faut se saisir des modifications apportées aux surveillances médicales pour :
– faire de la santé au travail un véritable enjeu dans les entreprises ;
– informer les salarié-e-s de leurs droits ;
– intervenir en CHSCT et en CE ;
– assurer un suivi des conséquences sur les salarié-e-s des nouvelles dispositions.
ANNEXE : tableau récapitulatif du suivi médical des salarié-e-s
Suivi simple | Suivi adapté | Suivi renforcé |
---|---|---|
Visite d’information et de prévention
R 4624-10 à 14 Dans les 3 mois suivant l’embauche |
Visite d’information et de prévention
R 4624-17 à 21 Travailleurs handicapés |
Examen médical d’aptitude
R 4624-24 à 26 Avant l’embauche |
Suivi périodique
R 4624-16 Par un membre de l’équipe médecin/infirmier selon un protocole établi par le médecin. Si besoin l’infirmier réoriente vers le médecin. |
Suivi périodique adapté
R 4624-17 Tout travailleur dont l’état de santé, les conditions de travail le nécessitent : |
Suivi médical renforcé
R 4624-28 Par le médecin du travail, selon une périodicité qui n’excède pas 4 ans, et qui est fixée par le médecin. |
La démographie des médecins du travail
Au début de l’année 2015 le Conseil de l’Ordre des médecins recensait 5 264 médecins du travail contre 6 052 en 2007 pour assurer le suivi de 19 millions de salarié-e-s. Du fait d’une moyenne d’âge autour de 55 ans, le déficit actuel ne peut que se creuser dans les prochaines années. Dans les services autonomes des grandes entreprises, le nombre de salarié-e-s suivi-e-s par les médecins du travail est moindre que dans les Services de Santé inter-entreprises.
Ce qui est en cause c’est le manque de candidat-e-s : sur les 170 postes ouverts à l’internat en 2015 seuls 100 ont été pourvus !
Une pénurie organisée ?
L’alerte est donnée depuis plusieurs années mais seules quelques mesures ont été prises comme la mise en place en 2000 d’un système pour favoriser la reconversion de médecins, la création du statut de collaborateur médecin en 2012 mais sans vraiment s’attaquer aux causes réelles de la désaffection pour cette spécialité.
On ne peut qu’être dubitatif après avoir lu l’article 104 de la loi travail qui prévoit que dans le délai d’un an, le gouvernement devra remettre au parlement un rapport comprenant des propositions pour renforcer l’attractivité de la carrière de médecin du travail, améliorer la formation initiale des médecins du travail ainsi que l’accès à cette profession par voie de reconversion!
En effet ce ne sont pas les rapports qui manquent ! Ils contiennent déjà des propositions pour renforcer les services de santé au travail et rendre plus attractif le métier de médecin du travail. Parmi les plus récents on peut citer :
– les propositions du COCT pour « Un plan de développement de la formation des professionnels de santé au travail » du 13 juin 2016
– le rapport « la santé au travail vision nouvelle et professions d’avenir » (avril 2010) comprend des propositions pour des formations et un réseau de recherche en phase avec les missions
– le rapport du CES sur « l’avenir de la médecine du travail » en 2008
– le rapport Conso Frimat sur le bilan de la réforme du travail de 2002 (octobre 2007)
– la médecine de prévention dans les trois fonctions publiques (septembre 2014)
L’union syndicale Solidaires estime qu’il est indispensable de tout mettre en œuvre pour obtenir le recrutement de médecins du travail pour que la prévention des atteintes à la santé du fait du travail devienne réalité.