Dans cette affaire la direction de l’assistance publique-hôpitaux de Paris a contesté le 24 juin 2015 le recours à l’expertise du CHSCT voté le 7 avril 2015 (on peut dire qu’elle a pris le temps de la réflexion !) estimant qu’il ne s’agissait pas d’un projet important.
Le projet de la direction était de recentrer les missions du « service de compensation et de suppléance » (destiné à remplacer les personnels absents) sur l’absentéisme de courte durée (au lieu et place de celui de longue durée) et de développer « le recours aux mesures alternatives », en réduisant au passage le nombre d’emplois du service de 50 à 40. Pour la direction le projet n’était pas important, une information du CHSCT était suffisante.
Les juges ont considéré que les modifications apportées dans l’organisation du travail « imposent pour les agents de faire montre d’une adaptabilité accrue, tant dans le domaine médical du fait des changements de spécialités que dans le domaine relationnel avec les membres des unités de soins d’accueil. Cela suppose également pour les agents concernés d’être opérationnels immédiatement sans possibilité de disposer d’un laps de temps pour s’acclimater à des méthodes de travail et/ou d’organisation au sein du service accueillant, lequel doit aussi démontrer sa capacité à s’adapter à des agents dont la mission est de courte durée».
En outre les juges ont contesté l’argument de la direction faisant valoir que les agents effectuaient déjà des remplacements de courte durée et laissant entendre qu’il n’y aurait pas de modification des conditions de travail. La réorganisation a bien des conséquences directes et évidentes sur la gestion et l’organisation des unités de soins, les attestations produites le démontrent. Contrairement à la direction, le tribunal reconnaît que les incidences de la réorganisation doivent être également appréciées par les différentes unités touchées par le recentrage du service de remplacement.
Au final, le tribunal de Grande Instance de Paris a donné raison sur toute la ligne aux demandes du CHST :
- tout en faisant remarquer que l’action en contestation de l’employeur n’est enfermée dans aucun délai précis et déterminé, celle de l’AP-HP est jugée irrecevable. Le délai de 79 jours pris pour engager son action a été jugé excessif d’autant qu’elle n’a fourni aucune explication.
- le projet de réorganisation doit être considéré comme revêtant un caractère important au sens de l’article L4614-12 du code du travail.
- la réorganisation est suspendue dans l’attente de la restitution de l’expertise et de l’avis régulier du CHSCT sur cette réorganisation.
Ordonnance de référé du TGI de Paris du 5 novembre 2015