Il est essentiel d’aller de l’individuel au collectif et de revenir à l’individuel pour permettre une élaboration revendicative collective et la construction d’un rapport “de force qui emporte l’adhésion des salariés.
Les 3 et 4 avril 2014 à Rennes se sont tenues 2 journées « Et voilà le travail » à l’initiative de Solidaires Bretagne. Ces journées ont permis aux 120 participants d’échanger et de débattre du travail, des conditions de vie au travail dans nos différents secteurs.
La première matinée a été consacrée à la situation de 4 salariés intoxiqués aux pesticides dans le cadre de leur travail dans l’usine Nutréa-Triskalia et qui depuis ont été licenciés pour inaptitude. Ces salariés mènent une véritable bataille pour faire reconnaître leurs maladies comme étant liées à leur activité et la responsabilité de leur employeur. Plusieurs actions juridiques sont en cours avec le soutien de Solidaires notamment.
Le débat a permis de mettre en évidence la nécessité de faire sortir ces questions de l’entreprise et la nécessité pour les militants de Solidaires d’être formés à la problématique des maladies professionnelles.
L’après-midi des ateliers ont donné l’occasion aux militants de débattre autour de quatre thématiques avec une restitution le lendemain suivie de débats avec la salle.
Comment se ré-emparer d’un droit d’expression des salariés sur leur travail ?
Après avoir analysé les raisons de l’échec du droit d’expression mis en place en 1982, les participants ont estimé qu’il fallait regarder de près les initiatives prises dans différents secteurs. Les interventions ont porté sur l’approche syndicale qui doit consister à redonner la parole aux travailleurs et d’en faire un levier d’action pour les organisations syndicales. Dans la mise en œuvre de ce droit d’expression « rénové », il est essentiel d’aller de l’individuel au collectif et de revenir à l’individuel pour permettre une élaboration revendicative collective et la construction d’un rapport de force qui emporte l’adhésion des salariés.
Le CHSCT, lieu de contre-pouvoir ou lieu de débats d’« experts » ?
L’atelier a permis de rappeler le rôle du CHSCT, la nécessité d’être présent dans cette instance, d’y associer les salariés en allant à leur rencontre pour comprendre ce qu’ils vivent au travail et en leur rendant compte des sujets évoqués, des positions prises. Il a également souligné l’importance d’utiliser avec discernement les outils à disposition des représentants au CHSCT : droit d’alerte, enquête, réunions exceptionnelles, expertise, etc.
L’enquête et ses suites
Ce qui est ressorti de cet atelier est la nécessité de bien maîtriser les textes (que nous permettent-ils en matière d’enquête, d’expertise?) pour imposer aux directions nos demandes d’enquêtes et d’expertises notamment. D’autre part l’intérêt de conduire des enquêtes par des équipes syndicales a été souligné.
Évaluation du travail ou évaluation du salarié ? Quelle stratégie syndicale mettre en œuvre ?
L’affaire exemplaire du Benchmark menée par le syndicat SUD Caisse d’Epargne a mis en exergue les raisons syndicales de lutter contre toute évaluation, de dénoncer les conséquences – parfois mortelles – des outils d’évaluation, mais également d’aider à recréer un collectif afin de lutter contre.
En fin d’après, la conférence gesticulée « L236-9 » ou les coulisses de l’entreprise (ou comment se passe une expertise) de Selma Reggui a été très appréciée.
Pour clôturer nos échanges nous avions invité Danièle Linhart¹, à parler des transformations dans les organisations du travail. Depuis les années 1990 s’est développée l’individualisation voire la personnalisation dans la gestion des salariés (horaires variables, primes au mérite …). Il s’agit là d’une attaque en règle contre les collectifs.
Cette offensive, Danièle Linhart l’appelle la « précarisation subjective » des salariés. C’est ainsi que le changement permanent à l’œuvre, au travers de restructurations successives, de changements de métiers ou des logiciels… impose aux salariés d’être dans un apprentissage permanent, de ne plus maîtriser leur environnement et leurs métiers, ce qui au final produit de l’amnésie. Ce qui entraîne pour le salarié une image dégradée de soi, de vivre cette situation sur le mode individuel ce qui peut conduire à la maladie.
En conclusion deux journées très enrichissantes en termes d’échanges, de découvertes d’autres secteurs où contrairement à ce que l’on pensait beaucoup de similitudes existent avec son propre secteur. Très rapidement nous devrons décider des prolongements à donner à ces journées « Et voilà le travail » !