Entretiens d’évaluation : jurisprudence

Avec le printemps arrive également la saison de l’entretien annuel d’évaluation individuel qui provoque souvent inquiétude et stress et qui peut avoir des conséquences sur l’évolution professionnelle et la rémunération du salarié.

Au terme de l’article L 3121-46 du code du travail il est prévu que l’entretien annuel individuel est organisé par l’employeur. « Il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié ».

Méthode licite / illicite…

« Le système d’évaluation est illicite lorsque les critères mis en place restent flous et ne permettent pas de savoir si ce sont des compétences et des objectifs concrets qui sont jugés ou si ce sont des comportements qui sont évalués avec le risque de subjectivité d’une notation basée sur le comportement du salarié devant adhérer à des valeurs de l’entreprise.
Une notation sur des critères vagues ne peut qu’avoir un impact sur les conditions de travail des salariés dont l’importance est établie par le fait que l’évaluation a de nécessaires conséquences sur leur rémunération.
La multiplication de critères comportementaux détachés de toute effectivité du travail accompli implique la multiplication de performances à atteindre qui ne sont pas dénuées d’équivoques et peuvent placer les salariés dans une insécurité préjudiciable. Insécurité renforcée par l’absence de lisibilité pour l’avenir de l’introduction de nouveaux critères d’appréciation des salariés ce qui est préjudiciable à leur santé mentale.
Par suite, de tels systèmes d’évaluation sont déclarés illicites. »

Tribunal de Grande Instance de Nanterre, 5 septembre 2008 RG n°08/05737

« L’employeur tient son pouvoir de direction, né du contrat de travail, le droit d’évaluer le travail des salariés. La mise en place d’un système d’évaluation des salariés est nécessaire pour permettre à l’employeur le respect de l’obligation de négociation triennale en matière de GPEC conformément aux dispositions de l’article L 2242-15 du Code du Travail et de s’assurer de l’adaptation des salariés à leur poste de travail notamment par la proposition de formations.
Le système d’évaluation est licite lorsqu’il a été porté préalablement à la connaissance des salariés et repose sur des critères permettant une évaluation objective et contradictoire à partir d’informations qui présentent un lien direct et nécessaire avec l’évaluation des aptitudes professionnelles. »

Cour d’Appel de Versailles, 26 mai 2011 n° 09/09814

Ce que dit le Code du travail :

« Les méthodes et techniques d’évaluation des salariés doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie ».
article L 1222-3

« Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’évaluation de ses aptitudes ».
article L 1222-2

Entretiens facteurs de stress…

« Le CHSCT doit être consulté avant la mise en place d’entretiens d’évaluation, ceux-ci pouvant être un facteur de stress. La Haute juridiction a estimé que le projet de l’employeur de mettre en place des entretiens d’évaluation …et qui pouvait « avoir une incidence sur le comportement des salariés, leur évolution de carrière et leur rémunération », alors que « les modalités et les enjeux de l’entretien étaient manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur conditions de travail » devait être « soumis à la consultation du CHSCT chargé de contribuer à la protection de la santé des salariés ».
Arrêt Cour de Cassation du 28 novembre 2007 « arrêt Groupe Mornay »

Le 21 septembre 2011 la Cour d’appel de Toulouse a décidé de suspendre le système d’évaluation des cadres d’Airbus car il intègre des « critères comportementaux non conformes aux exigences légales». Le système d’évaluation est directement lié à l’attribution des primes aux cadres, l’évaluation prenant en compte la performance de chaque intéressé mais aussi des critères comportementaux. Si les juges ne contestent pas en tant que tels des critères reposant sur le comportement, toutefois ils doivent être « exclusivement professionnels et suffisamment précis pour permettre au salarié de l’intégrer dans une activité concrète et à l’évaluateur de l’apprécier avec la plus grande objectivité possible ».
La Cour d’appel a également rappelé que le CHSCT aurait du être consulté avant la décision de mettre en œuvre ce système d’évaluation car celui-ci «entraîne une insécurité, une pression psychologique ».

Evaluation des représentants du personnel : halte à la discrimination !

« Il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. Les fiches d’évaluation faisant mention d’une disponibilité réduite du salarié du fait de ses fonctions syndicales laissent présumer l’existence d’une discrimination »
Cour de Cassation, 11 janvier 2012 n°10-16.655 FS-P

« Ne pas soumettre un représentant du personnel à un entretien d’évaluation, au prétexte par exemple qu’un cumul de mandats ne lui permet plus de se consacrer à son travail, est, on le sait, discriminatoire »
Cour de Cassation, 29 juin 2011 n° 10-15.792.

« Sauf application d’un accord collectif visant à en assurer la neutralité ou à le valoriser, l’exercice d’activités syndicales ne peut être pris en considération dans l’évaluation professionnelle d’un salarié »
Cour de Cassation, 23 mars 2011 n°09-72.733 F-D.

 

L’entretien reste obligatoire, cependant il est hors de question d’évoquer le mandat comme pouvant avoir une incidence négative sur le déroulement de carrière. Cette seule évocation, lorsqu’elle est consignée dans la fiche d’évaluation, est considérée comme un élément laissant présumer l’existence d’une discrimination.
Toute mention, quelle qu’elle soit, du mandat dans la fiche d’évaluation semble, de fait, irrémédiablement proscrite.