Editorial

La commission conditions de travail a décidé de profiter de la date du 8 mars journée internationale de lutte pour les droits des femmes, pour consacrer un de ses bulletins « Et Voilà » aux conditions de travail des femmes. En effet celles-ci restent marquées par de fortes inégalités qui sont toujours malheureusement le prolongement de la division du travail entre femmes et hommes ainsi que des rapports de domination à l’égard des femmes. En effet « Le monde du travail n’est toujours pas mixte » comme le montre Margaret Maruani dans son article et contrairement à certaines idées « il n’y a pas de pente naturelle vers l’égalité ». C’est toujours la lutte qui permet des avancées, c’est d’ailleurs la conclusion de l’article sur l’accord égalité professionnelle dans la fonction publique.

Aujourd’hui beaucoup trop de femmes sont précarisées dans leur emploi du fait d’une succession de contrats de travail à durée très déterminée auprès parfois de plusieurs employeurs, à temps partiel imposé, aux horaires atypiques, avec de faibles salaires en contrepartie de tâches souvent pénibles, mais non reconnues en tant que telles. Ces situations faites aux femmes peuvent être lourdes de conséquences sur leurs conditions de travail, leurs conditions de vie et au final sur leur état de santé. Beaucoup de travailleuses connaissent une usure professionnelle prématurée.

D’où l’intérêt de disposer d’études spécifiques sur les conditions de travail des femmes dont l’objet est de montrer les liens entre santé au travail et genre ainsi que les inégalités entre la nature du travail des femmes et celui des hommes. Dans ce numéro nous parlons de l’étude menée par la caisse nationale d’assurance maladie qui a montré que les affections psychiques liées au travail touchent plus les femmes que les hommes. Il en est de même des résultats de l’analyse sexuée des accidents du travail et des maladies professionnelles réalisée par l’agence nationale d’amélioration des conditions de travail (ANACT). Nous devons toutes et tous nous appuyer sur ce type d’enquêtes pour rendre visibles dans nos entreprises et administrations les atteintes à la santé et à la dignité des femmes au travail.

Par ailleurs l’analyse du bilan d’une période d’expérimentation du télétravail (même si elle ne recouvre qu’un faible nombre d’agent·es) à la direction générale des finances publiques est très édifiante : elle montre que très majoritairement ce sont des femmes qui ont demandé à bénéficier de cette forme de travail. Ceci est très révélateur de l’absence d’évolution de la répartition des tâches domestiques au sein de la structure familiale et du danger que peut représenter pour les femmes l’extension de cette modalité de travail.

Nous avons également tenu à signaler dans ce numéro l’avancée que représente pour les femmes la reconnaissance par le tribunal d’Orléans du harcèlement sexuel d’ambiance ou environnemental et l’intérêt pour les équipes syndicales de s’appuyer sur les arguments du Défenseur des droits repris par le tribunal. La révélation publique du cyber harcèlement dont ont été victimes des femmes journalistes est une autre illustration de la réalité des rapports de domination masculine et des discriminations systémiques à l’œuvre dans les milieux de travail.

Enfin il nous a semblé important d’évoquer la démarche de la fédération Sud PTT d’engager une étude sociologique sur les obstacles à la participation des femmes et à leur présence aux fonctions dirigeantes du syndicat. Il va sans dire que nous attendons beaucoup de cette enquête dont les résultats pourront certainement être très utiles à d’autres syndicats ou fédérations de Solidaires.

Intégrer le genre dans l’analyse des conditions de travail c’est se confronter au réel de l’activité des salariées. De ce point de vue les commissions « Femmes » et « Conditions de travail » de Solidaires sont convaincues que c’est par le biais des formations aux conditions et à la santé au travail comme à la lutte contre les stéréotypes et contre les violences sexistes et sexuelles au travail afin de parvenir à une prise de conscience des militantes et des militants pour véritablement combattre les mécanismes et conséquences d’un système de domination et ses implications au travail.