En octobre 2012, Yahoo met en place un système d’évaluation de son personnel qui consiste à situer les salariés sur une courbe en forme de cloche selon qu’ils ont réalisé ou non leurs objectifs annuels et trimestriels. Les employés «sous performants» – à savoir ceux qui ont «raté» ou «raté occasionnellement» leurs objectifs «au moins deux fois sur les cinq derniers trimestres évalués»- sont tout simplement licenciés. C’est plus de 600 personnes qui auraient ainsi été licenciés par Yahoo via ce système en 2013.
Les systèmes d’évaluation de ce type sont en vigueur dans une entreprise américaine sur cinq, ils utilisent des méthodes de classement avec quotas imposés (forced ranking). La méthode a été inventée par Jack Welch, président de General Electric (GE) de 1981 à 2001, il a un jour dessiné sur un coin de table une courbe de Gauss, qu’il a divisée en trois : la plage centrale représente les 70 % de cadres qui travaillent bien et sont importants pour GE (Vital 70), l’extrémité supérieure, les 20 % les meilleurs (Top 20) et l’extrémité inférieure les 10 % les moins bons (Bottom 10). Chaque dirigeant doit répartir ses cadres entre les trois groupes. Le classement est envoyé à la direction, qui « en général, estime que les derniers (Bottom 10) n’ont pas leur place dans l’équipe »… autrement dit, ils sont invités à aller tenter leur chance ailleurs. Les critiques du système l’appellent d’ailleurs « rank and yank » (classer et virer). En décimant ainsi ses troupes, le patron de GE estimait que « les chances de réunir une équipe composée exclusivement d’éléments exceptionnels augmentent de façon remarquable »
Chez Microsoft il existe depuis les années 2002, le stack ranking. Une fois ou deux par an, les encadrants se réunissent tous pour évaluer les subalternes, en les classant du meilleur au plus mauvais. Le stack rank de Microsoft a été mentionné dans la presse seulement en 2012, mais durant de nombreuses années il est resté secret. Il était présenté aux employés comme un système objectif d’évaluation des «compétences clés», dans lequel chaque personne était jugée isolément. IBM, HP, ATOS (voir Terminal n°8 Novembre 2013) possèdent des systèmes d’évaluation comparables…. L’affaire de l’évaluation des salarié-es par Yahoo met en lumière la persistance des systèmes illégaux d’évaluation des salariés dans les entreprises et particulièrement dans notre secteur. De nombreuses entreprises suite à l’action des syndicats ou les condamnations par les tribunaux ou des fuites dans la presse ont « officiellement » abandonné leurs systèmes. On en constate encore régulièrement la présence.
Rappelons que si elle n’est pas discriminatoire, la notation des salariés est autorisée, mais le système d’évaluation doit être exclusivement fondées sur des critères professionnels et objectifs, liés à l’atteinte de résultats mesurables. Tout système de notation qui masque une stratégie de harcèlement institutionnel ou un plan social est clairement illégal. Pour le « forced ranking » en mars 2013, la Cour de cassation s’est prononcée : « un mode d’évaluation des salariés reposant sur la création de groupes affectés de quotas préétablis que les évaluateurs sont tenus de respecter est illicite ». Les critères objectifs et leurs fonctions, les systèmes de classement doivent aussi être présentés pour consultation devant le comité d’entreprise et les CHSCT. Les DP doivent aussi questionner l’employeur sur l’utilisation de ces systèmes. Cela doit être l’occasion pour nous de connaitre et d’informer les salariés sur tous les détails de ces systèmes, de vérifier leurs caractères nécessaires et objectifs, de s’assurer de l’absence de caractère pathogène du système.