La question peut paraitre saugrenue alors que les 30 ans des lois Auroux ont été fêté en grande pompe il y a à peine quelques mois avec de beaux discours sur l’utilité et la nécessité de cette instance pour améliorer les conditions de travail des travailleurs et préserver leur santé. Pourtant les faits sont là et ils sont porteurs de motifs d’inquiétudes.
La création d’une instance de coordination des CHSCT (déclinaison de la loi de sécurisation de l’emploi)
La loi sur la sécurisation de l’emploi crée une instance temporaire de coordination des CHSCT qui peut lancer une expertise commune aux différents CHSCT. Le décret d’application est paru (Décret 2013-552 du 26 juin 2013 (articles R4616-1 à 4616-10 du code du travail) et précise le nouveau cadre.
Dans les entreprises comptant plusieurs établissements et plusieurs CHSCT l’employeur a la possibilité (il ne s’agit pas d’une obligation), et lui seul peut le décider, de mettre en place une instance temporaire de coordination des CHSCT devant être consultés sur un projet commun comme :
- un projet d’aménagement important modifiant les conditions de travail ….article L4612-8
- un projet d’introduction de nouvelles technologies …L4612-9
- un plan d’adaptation … L4612-10
- toute question de la compétence du CHSCT dont il est saisi par l’employeur, le CE et les DP article L4612-13.
On voit bien que quasiment tous les projets peuvent être concernés.
Cette instance a pour mission d’organiser le recours à une expertise unique (à la place des expertises à l’initiative des CHSCT), elle peut rendre un avis. Cette instance ne se substitue donc pas la consultation des CHSCT locaux qui toutefois ne pourront plus séparément demander une expertise.
Des délais très courts !
Le décret précise le déroulement de la procédure lorsque l’instance de coordination est saisie.
L’ordre du jour de la réunion et les documents nécessaires sont transmis par le président aux membres de l’instance au moins 15 jours avant la date fixée pour la réunion, sauf cas exceptionnels justifiés par l’urgence et, surtout, sauf lorsqu’il s’agit d’un projet de restructuration ou de compression d’effectifs, le délai est alors ramené à 7 jours.
L’instance doit préciser lors de sa première réunion si elle rendra un avis. Dans ce cas, il devra être rendu dans un délai de 15 jours après la remise du rapport de l’expert sauf s’il s’agit d’un projet de restructuration ou de compression d’effectifs, dans ce cas le délai est ramené à 7 jours.
L’expertise unique
Lorsqu’une expertise est décidée par l’instance unique, cette instance doit indiquer lors de la 1ère réunion si elle émettra un avis. Cet avis est alors rendu dans un délai de 15 jours après la remise du rapport du cabinet d’expertise.
L’expert dispose d’un délai d’un mois pour réaliser son expertise, délai qui peut être prolongé dans la limite de 60 jours pour tenir compte des nécessités de l’expertise.
L’expertise pourra être contestée devant le Direccte, et non plus devant le TGI, par l’employeur mais aussi par les membres de l’instance lorsque l’expert n’aura pas pu avoir accès aux informations nécessaires. Le Direccte aura 5 jours pour se prononcer à compter de la date de réception de la demande.
Délais raccourcis aussi pour les CHSCT
Le décret modifie également certaines dispositions relatives au CHSCT en cas de restructuration ou de compression d’effectifs, le délai de transmission de l’ordre du jour et des documents passe de 15 jours à 3 jours. Le décret précise également qu’en cas d’expertise, l’absence de remise du rapport ne peut là encore pas prolonger les délais prévus à l’article L.1233-30 du code du travail pour les PSE. Enfin, là aussi les contestations relatives aux expertises sont soumises aux Direcctes et là aussi plus devant le TGI.
Les faits sont là, précis, à travers cette loi et ce décret les prérogatives des CHSCT sont érodés au profit des seuls employeurs.
L’ANDRH attaque
Dans le même temps, il n’y a pas de hasard, l’Association Nationale des Directeurs de Ressources Humaines dans ces assises il y a quelques jours a renouvelé sa proposition de réunir la multiplicité des instances de représentation du personnel en une instance unique de concertation et de négociation qui se réunirait mensuellement et ordinairement, avec un ordre du jour et un plan de travail distincts, entre la mission de gestion des œuvres sociales, de délégation, de consultation, d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de négociation. Il est difficile de ne pas faire le lien entre cette proposition et la mise en place de la base de données unique issue de la loi sur la sécurisation de l’emploi. Il est connu par ailleurs que c’est un des objectifs des organisations patronales, objectif pour lequel certaines organisations syndicales de salariés ne sont pas insensibles.
Les suites de la conférence sociale
La feuille de route issue de l’atelier sur les conditions de travail a de son côté « lancer une mission sur le CHSCT pour établir un état des lieux des forces et faiblesses de cette instance et pour envisager les pistes d’évolution. La mission examinera particulièrement la couverture dans les petites entreprises, la formation de ses membres, le fonctionnement et l’articulation entre CHSCT et comité d’entreprise ».
Cette mission aurait pu avoir des objectifs louables mais fort des éléments précédents elle est surtout là pour nous inquiéter sur l’avenir des CHSCT alors même qu’il nous apparait urgent de les renforcer et de leur donner encore plus de légitimité.
Dernier élément inquiétant, le gouvernement ne semble pas, lui non plus, insensible à ces offensives. C’est le cas notamment du ministre du travail qui aura quand même mis plus d’un an à réunir une première fois le Conseil d’Orientation sur les conditions de travail (COCT), où par ailleurs Solidaires ne dispose toujours pas de siège, et qui dans le même temps s’attaque aux services de l’inspection du travail. La mobilisation de toutes et tous apparait d’autant plus nécessaire.