Bruxelles veut-elle réellement renforcer la protection des travailleurs face aux produits chimiques ?

Dans une proposition de directive adoptée le 26 février, la Commission européenne souhaite modifier cinq directives de l’Union européenne régissant la santé et la sécurité des travailleurs, afin de les mettre en conformité avec le règlement communautaire du 16 décembre 2008 relatif à l’étiquetage et l’emballage des produits chimiques.

L’objectif est de renforcer l’information des employeurs et salariés utilisateurs de ces produits (présence de substances dangereuses, risques liés à leur exposition, etc.). Ces informations sont d’importance pour les employeurs, tenus de procéder à l’évaluation des risques professionnels et à la mise en place de mesures destinées à préserver la santé et la sécurité des travailleurs (ventilation, équipements de protection individuelle, etc.). Cette proposition de directive doit maintenant être approuvée par le Parlement européen et le Conseil des ministres de l’Union.

38 % des salariés français exposés

En France, selon les données issues de la dernière enquête Sumer (Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels) dévoilée en février 2013, près de 38 % des salariés, soit près de 7 millions de personnes, déclaraient avoir été exposés à au moins un produit chimique (Sumer, 2003). Les secteurs les plus fréquemment exposés sont ceux de la construction (61% des salariés), la fonction publique hospitalière (55%), l’industrie (45%) et l’agriculture (43%). L’exposition à au moins trois agents chimiques touche 29% des salariés de la construction et 25% des agents de la fonction publique hospitalière. Les expositions prolongées aux agents chimiques (au moins 10 heures par semaine) concernent en priorité la construction (25 %) et l’industrie (19 %).

Une vraie avancée ?

« L’amendement de ces cinq directives ne va pas faire progresser de manière fondamentale la protection des travailleurs contre les risques chimiques. Il ne s’agit en fait que de la mise en conformité de directives au nouveau règlement européen sur la classification, l’étiquetage et l’emballage des produits chimiques, adopté en 2008 », a relativisé Laurent Vogel, qui suit ces questions pour l’ETUI depuis de nombreuses années.

« La révision de la directive Agents cancérogènes avance beaucoup plus lentement. L’extension de cette directive aux substances toxiques pour la reproduction est loin de faire l’unanimité alors que REACH considère ces substances comme hautement préoccupantes. De même, on a accumulé un grand retard au niveau communautaire en ce qui concerne la protection des travailleurs contre les perturbateurs endocriniens », constate Laurent Vogel.

Un discours contradictoire…

D’ailleurs, le 7 mars dernier, la Commission a annonçé « l’allégement des 10 législations de l’UE les plus contraignantes pour les PME ». L’exécutif européen compte y parvenir par le biais du programme « pour une réglementation affûtée et performante », lancé en décembre 2012.

Afin d’identifier ces législations qui entravent l’essor des PME, la Commission a eu recours à un questionnaire sur Internet, auquel ont répondu quelque 1 000 entreprises et organisations professionnelles. À partir de ces réponses, la Commission a établi un « top 10 des législations de l’UE les plus contraignantes ». Parmi ce hit-parade, figurent ni plus ni moins que le règlement REACH, dont un des objectifs est de mieux protéger la santé des citoyens européens contre les produits chimiques, et la directive sur le temps de travail, qui garantit le droit des travailleurs à pouvoir se reposer.

http://www.senat.fr/europe/textes_europeens/e8139.pdf