Amiante, enfin un début de justice ?

Le 28 novembre 2011, la société Eternit a été condamnée par le tribunal civil de Bruxelles à payer 250.000 € de dommages et intérêts aux descendants de la famille Jonckheere. Pierre Jonckheere travaillait à l’usine Eternit de Kappelle-op-den-Bos. Il est mort en 1987 d’un mésothéliome, le cancer de la plèvre causé par l’amiante. Son épouse Françoise a été exposée à l’amiante par son travail domestique et par la pollution environnementale. Elle est morte en 2000. Deux de leurs fils sont également morts en 2003 et 2007. Il s’agissait chaque fois de mésothéliome : un cancer rarissime dans la population générale qui frappe de façon typique les personnes exposées à l’amiante.

Si cette décision est une bonne nouvelle pour toutes celles et tous ceux qui combattent contre ce fléau, malheureusement, cette condamnation ne concerne pas la responsabilité directe d’Eternit au sein de son entreprise et de son activité de production. En effet, les dommages et intérêts sont « limités » à sa responsabilité dans le décés de Françoise Jonckheere, épouse de Pierre, qui a été exposée à l’amiante de manière non directement lié au travail.

Pourtant le jugement du tribunal civil de Bruxelles est limpide sur la responsabilité d’Eternit : « Il est prouvé à suffisance qu’Eternit a tiré un intérêt personnel de la manière avec laquelle on a tenté de minimiser et de dissimuler les dangers de l’amiante et du fait de combattre les initiatives légales en vue de la protection de la santé publique ».

Si Mme Jonckheere pouvait obtenir réparation ce n’était pas le cas de son mari. Cette situation résulte d’accords en vigueur en Belgique qui sont les conséquences d’une coupable passivité politique et de trop grands compromis sociaux. En effet, aucun travailleur ne peut demander une indemnisation à son employeur à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
Dans le cas de l’amiante, un fonds d’indemnisation a été mis en place qui couvre aussi bien les travailleurs que celles et ceux ayant subi une exposition environnementale mais pour être indemnisées les victimes doivent renoncer à toute action judiciaire. C’est pas leur détermination, après dix ans de procédures que les fils Jonckheere ont obtenu cette première décision de justice. Première car immédiatement Eternit a déclaré faire appel.

L’actualité européenne des procès de l’amiante est loin d’être terminée pour Eternit. En effet, après plusieurs mois de procès à Turin, en Italie, les anciens propriétaires du groupe Eternit, le milliardaire suisse Stephan Schmidheiny et le baron belge Jean-Louis Marie Ghislain de Cartier de Marchienne sont poursuivis pour avoir provoqué une catastrophe environnementale et enfreint les règles de la sécurité au travail. Ils sont soupçonnés d’être à l’origine du décès de plusieurs centaines de personnes. Le procureur a réclamé à leur encontre vingt ans de prison et le verdict est attendu à partir de février 2012. Ils n’ont même pas jugé utile de se déplacer à leur procès.

En France, l’instruction du dossier de l’amiante reste elle toujours enlisée au pôle santé de la justice faute que l’état lui donne les moyens de mener à bien ce dossier. Cela fait environ quinze ans. Pour l’heure, malgré les nombres élevés de victimes et de condamnations pour faute inexcusable, aucun procès pénal n’est encore à l’ordre du jour.

On estime que l’amiante tue aujourd’hui 100 000 personnes par an.