Journal de 70 jours de lutte à EDF à la DTG
À EDF, en 2017, l’austérité sociale débarque en force : gel des salaires, suppression de plus de 10% des effectifs, transition énergétique mue en une transition sociale, le tout dans une entreprise largement bénéficiaire. À la DTG, un autre problème s’ajoute à la colère de ses 650 agents (50% ingé, 50% tech), se déplaçant sur tout le territoire : la fiscalisation des frais de déplacements.
Une lutte inédite a alors démarré depuis 70 jours dans cette unité calme (salariés passionnés) depuis 70 ans, pour obtenir l’ouverture de négociations locales sur le statut de l’agent en déplacement.
Les salariés ont utilisé les méthodes variées habituelles, mais poussées à des niveaux jamais atteints chez nous (pétitions, asemblées générales, tracts, lettres à la DRH, blocages de sites d’abord hebdomadaires puis quotidiens, grève des déplacements, feu de palettes, banderolles, interpellations de la direction, pneus crevés, sacs entassés dans l’atrium…), auxquelles ils ont rajouté, pour tenir dans la durée, une touche d’humour (atrium rempli de vrais pigeons pour accueillir un grand directeur d’EDF sous le slogan « on n’est pas des pigeons ! », soumission volontaire des opposants à la lutte testée par une marche forcée dans du fumier, cahier revendicatif remis par des salariés déguisés en écoliers dissipés…). Mais 70 jours, c’est très long… Et le stress de voir quelqu’un déraper (sanction disciplinaire), le manque de sommeil et l’épuisement qui en résultent créent de part et d’autre des barricades des risques psycho-sociaux réels.
Alors à qui la faute ? À la DTG, les salariés ont tenu à exprimer leur colère légitime en focalisant sur le sujet des déplacements. Ils tiennent bon et continuent d’être mobilisés, souvent avec humour et détermination, 70 jours après la première pétition qui demandait l’ouverture de négociations locales ! Les syndicats de lutte (CGT, FO et SUD) les accompagnent depuis le premier jour, et mettent leur savoir juridique (exercice du droit de grève), leurs réseaux (caisse de solidarité), leur capacité à rassembler (organisation du mouvement) et leur connaissance de la direction (négociations) au service de la lutte.
Mais la direction, depuis le début du conflit, joue de son côté à un jeu très dangereux. Dangereux, d’abord, parce que l’ensemble des salarié-e-s devra continuer de travailler ensemble après cette lutte. Dangereux, ensuite, parce que tenter de ridiculiser les syndicats, c’est prendre le risque de luttes incontrôlées, sans interlocuteurs. Dangereux, enfin, parce que faire durer une lutte aussi longtemps, c’est chercher à obtenir l’épuisement de ses propres salariés, qui se déplacent partout en France (risque routier), qui manipulent des machines (risque électrique), qui se rendent sur des ouvrages en altitude (risque montagne), au bord des rivières (risque au bord de l’eau)…
SUD ÉNERGIE accuse la direction de la DTG :
=> de jouer l’épuisement en refusant, 70 jours après le début du conflit, d’ouvrir des négociations.
=> de jouer la confusion en ne tenant jamais aucun engagement plus de quelques jours (ouverture de négociations puis machine arrière, principe d’équité puis proposition inéquitable…)
=> de jouer la division syndicale en ne recevant qu’un seul syndicat (la CGT) sur les 5 représentatifs à la DTG pour commencer des négociations (?), choisir le niveau national pour exclure le syndicat localement le plus représenté (SUD), mais pas encore représentatif au niveau national.
=> de jouer la division entre ses salariés en manipulant un outil extrêmement néfaste : l’ultimatum.
La solution, tout le monde la connaît : la négociation. Pour illustration, le dernier accord (sur le télétravail) a obtenu la signature de tous les syndicats, et le bilan de ses 2 ans d’existence hier en CE était salué par direction et syndicats avec des qualificatifs aussi élogieux que « positif », « vraie réussite », « salariés ravis »… La faute, donc, à la seule direction, tombée amoureuse de son pouvoir absolu, et ayant, par la même occasion, perdu le sens des réalités. La vraie richesse d’EDF, ce sont les femmes et les hommes qui la composent, et choisir de démotiver, dégoûter, ridiculiser et résigner ses forces vives dans le seul but de gagner un conflit tout seul est parfaitement déraisonnable et inconsidéré.